Le contrat de bail commercial, régi par les articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, repose sur un équilibre contractuel entre les parties : le bailleur met un local à disposition, tandis que le preneur exploite une activité commerciale, industrielle ou artisanale.
Parmi les obligations essentielles du bailleur figure celle de délivrer la chose louée dans des conditions conformes à la destination prévue au contrat. Cette obligation de délivrance, bien que d’apparence classique, revêt une importance particulière dans le cadre commercial, où la rentabilité et l’exploitation effective des locaux sont des enjeux cruciaux.
La question qui se pose est alors la suivante : comment se caractérise l’obligation de délivrance dans le bail commercial ? quelle est la portée d’une clause de non recours ?
Par un arrêt du 10 avril 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la clause de non - recours n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrance.
Dans cette affaire, le locataire se plaignait de certains désordres et avait assigné son bailleur , aux fins d’obtenir le remboursement d’une partie des loyers et charges et l’indemnisation de ses préjudices .
La Cour d’Appel a rejeté les demandes du locataire ne se fondant sur la clause de non-recours :
En effet, elle a considéré que la clause du bail par laquelle le locataire a renoncé à tous recours pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu’en soit l’origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loués, prive celui-ci de toute demande d’indemnisation sur le fondement du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, y compris celle au titre de l’indemnisation du surcoût du loyer.
Le locataire a formé un pourvoi en cassation et la Cour de cCassation devait juger si la clause de non-recours excluait toute tout indemnisation fondée sur un manquement de l’obligation de délivrance du bailleur.
La Cour de cassation considère qu’une clause de non-recours, qui n’a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d’entretien ou de réparation, n’a pas pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation de délivrance. Civ. 3e, 10 avr. 2025, FS-B, n° 23-14.974
I / l’obligation de délivrance du bailleur
Le fondement de l’obligation de délivrance se trouve à l’article 1719, 1° du Code civil, qui impose au bailleur de délivrer la chose louée et de garantir une jouissance paisible. Cette disposition s’applique au bail commercial, sauf dispositions contraires ou spécifiques du Code de commerce.
L’obligation de délivrance du bailleur dans le bail commercial est prévue par :
- L’article 1719 du Code civil, applicable aux baux en général, qui impose au bailleur de délivrer la chose louée en bon état de réparations de toute espèce.
- L’article L.145-1 et suivants du Code de commerce, qui encadrent les baux commerciaux.
Le bailleur est tenu de :
- Délivrer les locaux loués dans un état permettant l’exploitation conforme à la destination prévue au bail.
- Assurer la jouissance paisible des lieux pendant toute la durée du contrat.
- Entretenir les locaux afin qu’ils soient utilisables pour l’activité envisagée.
La délivrance s’entend ici :
- Matériellement : mise à disposition effective des locaux.
- Juridiquement : locaux libres de tout obstacle à l’exploitation (absence de troubles de droit, conformité administrative, etc.).
Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
Le caractère essentiel de l’obligation de délivrance justifie, par exemple, que la clause d’acceptation des lieux dans l’état où ils se trouvent ne décharge pas le bailleur (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-19.037 : JurisData n° 2002-014576.)
Il ne fait nul doute que des désordres tels que de nombreuses infiltrations d’eau relèvent des obligations du bailleur et impliquent la mise en œuvre d’une sanction de l’inexécution qui, en la matière, sont celles de droit commun : l’indemnisation des préjudices en résultant, l’exécution forcée (Cass. 3e civ., 6 avr. 2023, n° 19-14.118 : JurisData n° 2023-005320
Il a été jugé qu’ un local livré sans raccordement à l’eau ou à l’électricité, ou ne respectant pas les normes de sécurité incendie pour un établissement recevant du public (ERP), constitue une inexécution.
La jurisprudence constante qualifie l’obligation de délivrance d’obligation de résultat. Il ne suffit pas que le bailleur ait agi de bonne foi ou ignoré le défaut : il engage sa responsabilité dès lors que la chose n’est pas conforme.
II/ la clause de non recours
Il arrive souvent que les parties fassent des aménagements conventionnels, au moyens de clauses , afin de déterminer les éventuelles responsabilités.
Ces aménagements ne sont pas sans limite, notamment en présence d’une clause de non recours.
En effet, pour que la clause de non - recours soit valable, il ne faut pas qu’elle vide le contrat de bail de sa finalité.
Le caractère d’ordre public de l’obligation de délivrance de la chose louée se justifie par le caractère essentiel de cette obligation, sans laquelle le contrat de bail ne pourrait recevoir exécution.
Étant précisé que ce caractère d’ordre public s’applique aux deux dimensions de l’obligation de délivrance : l’obligation de mettre la chose louée à disposition du locataire et l’obligation de délivrer un bien conforme à l’usage convenu.
Un preneur est fondé à obtenir l’indemnisation de ses préjudices résultant du manquement par le bailleur à son obligation de délivrance, malgré la présence d’une clause de non -recours insérée dans le contrat de bail.
Ainsi, une clause ne peut avoir pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation de mettre la chose à disposition (Cass. 1re civ., 11 oct. 1989, n° 88-14.439 : )
Sont, par exemple, condamnées à ce titre les clauses selon lesquelles le locataire prend les lieux en l’état, et ce particulièrement lorsque l’état du bien mis à disposition empêche le preneur de l’utiliser. Celles-ci ne sauraient décharger le bailleur de son obligation de délivrer un bien conforme à l’usage convenu (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-19.037 : JurisData n° 2002-014576. – Cass. 3e civ., 10 déc. 2008, n° 07-20.277 :
Le bailleur ne peut jamais se décharger de son obligation de délivrer un bien apte à l’usage prévu par des clauses abusives ou dérogatoires qui videraient le contrat de sa substance.
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