Le bail d’habitation, régi principalement par la loi du 6 juillet 1989, organise les droits et obligations réciproques du bailleur et du locataire. Parmi ces obligations, l’entretien et les réparations locatives constituent un enjeu majeur au moment de la restitution du logement. En effet, le locataire est tenu d’assurer le maintien en bon état du bien loué et de le restituer tel qu’il l’a reçu, sous réserve de la vétusté ou de cas de force majeure.
Lorsque cette obligation n’est pas respectée, le bailleur peut faire valoir une créance de réparation locative à l’encontre de son locataire, soit en retenant tout ou partie du dépôt de garantie, soit en sollicitant une indemnisation complémentaire devant le juge.
La créance de réparation locative constitue un mécanisme de protection du bailleur lui permettant d’obtenir indemnisation en cas de manquement du locataire à son obligation d’entretien et de restitution du logement. Son efficacité repose sur la rigueur probatoire (états des lieux, devis, factures) et sur le respect de la distinction entre vétusté et dégradations.
Toutefois, cette créance est strictement encadrée : elle ne peut être invoquée que pour des réparations expressément prévues par la loi et le décret de 1987, et dans la limite du délai de prescription triennal.
Ainsi, il convient de s’interroger sur les conditions de naissance et de mise en œuvre de la créance du bailleur (I), ainsi que sur les modalités de son indemnisation et ses limites (II).
I. La naissance de la créance de réparation locative du bailleur
A. Fondements légaux et réglementaires
L’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire :
- d’user paisiblement du logement,
- d’assurer son entretien courant et les réparations locatives.
Ces réparations sont détaillées par le décret n°87-712 du 26 août 1987, qui énumère les menues réparations et remplacements de petites pièces (plomberie, électricité, revêtements de sols et murs, équipements ménagers, etc.).
En parallèle, l’article 1730 du Code civil rappelle l’obligation de restitution conforme du logement.
B. Conditions de preuve de la créance
La créance du bailleur repose sur la constatation de dégradations excédant la vétusté normale. Deux éléments sont essentiels :
- L’état des lieux d’entrée et de sortie, permettant de comparer objectivement l’évolution du logement (art. 3-2 loi 1989). En l’absence d’état des lieux, le logement est présumé avoir été remis en bon état, sauf preuve contraire du locataire.
- La distinction entre vétusté et dégradations : la vétusté relève du bailleur, tandis que les manquements d’entretien ou dommages imputables au locataire relèvent de sa responsabilité. L’utilisation d’une grille de vétusté annexée au bail peut préciser la répartition des charges.
II. Les modalités et limites de la créance de réparation locative
A. Les voies d’indemnisation du bailleur
1. Imputation sur le dépôt de garantie (art. 22 loi 1989) : le bailleur peut retenir les sommes nécessaires au règlement des réparations locatives, à condition de justifier du montant retenu par devis ou factures.
2. Action en paiement complémentaire : si le coût excède le dépôt de garantie, le bailleur peut saisir le juge des contentieux de la protection pour obtenir condamnation du locataire au paiement du solde.
B. Les limites légales et jurisprudentielles
1. Prescription : l’action du bailleur est soumise à la prescription triennale (art. 7-1 loi 1989).
2. Charge de la preuve : le bailleur doit établir que les dégradations ne résultent pas de la vétusté (Cass. 3e civ., 19 oct. 2017, n° 16-21.779).
3. Encadrement jurisprudentiel : le bailleur ne peut imputer au locataire que les réparations expressément prévues par les textes (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n° 17-18.677).
4. Sanction en cas de non-restitution du dépôt de garantie : le bailleur s’expose à une majoration légale en cas de retard injustifié (Cass. 3e civ., 9 juin 2021, n° 20-12.844).
Þ La créance de réparation locatives nécessite un préjudice
Tel est le cas si les réparations locatives n'ont pas été exécutées par le preneur avant son départ et que la réfection des lieux empêche la relocation pendant une certaine période. Le preneur doit alors être condamné à une indemnité d'indisponibilité de l'immeuble pour la période de travaux de remise en état ( CA Amiens, 1re ch., 13 déc. 2001 : JurisData n° 2001-163690 ).
Par trois arrêts récents, la Cour de cassation a rappelé ce principe, en précisant que le juge tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles que la relocation, la vente ou la démolition ( Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-10.298 : JurisData n° 2024-010075 . - Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-21.272 : JurisData n° 2024-010076 . - Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-24.502 : JurisData n° 2024-010077 ;
La Cour de cassation , rappelle , au visa en particulier de l’article 1147 du Code civil(rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016)que le préjudice, en cas de restitution des lieux dégradés peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses, encore faut-il caractériser et évaluer ce préjudice.
Cass. 3e civ., 22 mai 2025, n° 23-21.228 : JurisData n° 2025-007496
Þ La créance de réparation locatives ne nécessite pas de factures
La Cour de Cassation a décidé que le bailleur n'était nullement tenu de produire les factures de travaux acquittés par lui ; la production de simples devis suffit ( Cass. 3e civ., 3 avr. 2001, n° 99-13.668 : JurisData n° 2001-009190 )
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