L'état de cessation de paiement n'équivaut pas à la cessation d'activité

Publié le Modifié le 23/06/2014 Vu 9 975 fois 0
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Les difficultés financières que peuvent connaitre les entreprises ne doivent pas être confondues avec un état de cessation de paiement justifiant l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

Les difficultés financières que peuvent connaitre les entreprises ne doivent pas être confondues avec un é

L'état de cessation de paiement n'équivaut pas à la cessation d'activité

Les difficultés financières que peuvent connaître les entreprises ne doivent pas être confondues avec un état de cessation de paiement justifiant l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Aux termes de l'article L. 631-1 alinéa 1 du Code de commerce, l'état de cessation des paiements est caractérisé dès lors que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. 

Ainsi, l'état de cessation des paiements ne saurait se résumer à l'interruption ou la cessation d'activité de l'entreprise débitrice. 

Cette distinction a été rappelée en ces termes, par un arrêt du 17 septembre 2013 rendu par la chambre commerciale :

"Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire de la société Dindar, l'arrêt retient que cette société n'a plus d'activité depuis 2006 et qu'elle ne possède donc pas d'actif lui permettant de faire face aux échéances du plan ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que les commissaires à l'exécution du plan avaient rapporté la preuve qu'au jour où elle statuait, la société Dindar était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" (Cour de cassation, chambre commerciale, 17 septembre 2013, N012-17.657). 

Ainsi, l'absence d'activité et d'actif de nature à faire face aux échéances d'un plan ne suffisent pas à établir la preuve qu'au jour où la juridiction statuait, la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Cet arrêt s'inscrit dans une longue lignée jurisprudentielle qui entend rappeler la distinction, parfois ténue, entre l'état de cessation de paiement et les diverses situations difficiles que connait une entreprise (insolvabilité, refus de paiement de ses créanciers, exploitation déficitaire ...). 

Cette distinction entre des situations de difficulté financières ou juridiques et l'état de cessation de paiement, loin de se résumer à une distinction théorique, rappelle la nécessité pour le créancier de rapporter la preuve cet état de cessation. En effet, les diverses difficultés d'une entreprise ne sont que des indices de nature à caractériser la cessation de paiement, mais ne doivent pas pour autant glisser vers le statut de présomptions. 

I/ La charge de la preuve de l'état de cessation de paiement incombe au demandeur

Par cet arrêt du 17 septembre 2013, la Chambre commerciale refuse l'assimilation entre la cessation d'activité d'une entreprise et l'état de cessation de paiement. 

En l'espèce, les juges du fond ont prononcé la liquidation judiciaire d'une société qui bénéficiait d'un plan de redressement au motif que cette société n'avait plus d'activité depuis 7 ans et qu'elle ne possédait pas d'actif pour faire face aux échéances du plan. 

La chambre commerciale casse la solution, elle affirme en effet que le simple constat d'une cessation d'activité ne constituait pas la preuve de la cessation des paiements. 

En d'autres termes, le commissaire à l'exécution du plan, s'il arguait que la société n'avait plus d'activité depuis 2006 et n'avait plus d'actif disponible, ne prouvait cependant pas l'impossibilité pour la société de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

La distinction peut paraître ténue, mais en retenant une conception stricte de l'état de cessation de paiement, la chambre commerciale entend maintenir le principe selon lequel il revient au demandeur de prouver l'état de cessation de paiement du débiteur. 

En l'espèce, la société ayant fait l'objet d'une procédure de redressement était dans l'impossibilité d'exécuter le plan. Cette inexécution emporte nécessairement la résolution du plan de redressement. Cependant, la résolution du plan n'est pas, en soi, une preuve de l'état de cessation de paiement. 

Pour pouvoir prononcer la liquidation judiciaire de la société, il eut fallu au commissaire à l'exécution du plan rapporter la preuve précise de l'état de cessation de paiement.

En effet, le commissaire à l'exécution du plan ne rapporte qu'une constatation factuelle. 

Il fait état de la cessation d'activité de l'entreprise et de l'absence d'actif. Ces deux éléments caractérisent sans doute un actif disponible équivalent à zéro. Encore faut-il en rapporter une preuve précise ! De plus, il faut encore au commissaire rapporter la preuve que l'entreprise a un passif exigible supérieur à zéro, c'est-à-dire des dettes payables au jour où le tribunal statue sur la décision de liquidation judiciaire.

En cassant la solution des juges du fond, la Cour de cassation entend faire respecter strictement le droit de la preuve, et ne pas faciliter cette charge qui incombe au demandeur. En effet, admettre que la cessation d'activité équivaut à l'état de cessation de paiements, sans en rapporter la preuve factuelle, serait constitutif d'une présomption. 

Si cet arrêt aborde spécifiquement l'assimilation trop aisée entre cessation de paiements et cessation d'activité, la jurisprudence antérieure a déjà eu l'occasion de refuser cette confusion entre cessation de paiement et difficultés financières ou juridiques d'une entreprise.


II/ Le refus d'assimiler les difficultés financières ou juridiques à l'état de cessation de paiement

La jurisprudence a appliqué à plusieurs situations de difficultés de l'entreprise le principe selon lequel le demandeur doit apporter la preuve spécifique de l'état de cessation de paiement.

Tout d'abord, elle a déjà pu affirmer que le refus pour un débiteur de payer son créancier ne pouvait constituer la preuve d'une cessation de paiement (Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 février 1997, N°95-18.607).

En effet, le refus de payer un créancier peut s'expliquer par bien d'autres raisons qu'une absence de trésorerie. Cela peut résulter d'une difficulté juridique, le débiteur estimant qu'il n'est pas tenu d'une obligation de payer, par exemple s'il estime que le contrat est frappé de nullité.  

De même, une gêne momentanée ne peut suffire à établir la cessation des paiements. 
Il a été jugé que la dette qui a provoqué l'ouverture de la procédure collective ayant été réglée totalement au cours de l'instance d'appel, l'intéressé n'est plus en état de cessation des paiements et le jugement prononçant le règlement judiciaire doit être réformé (CA Douai, 2e chambre, 27 mars 1986).

Ensuite, la Chambre commerciale a également refuser l'assimilation entre la poursuite d'une exploitation déficitaire et l'état de cessation des paiements. 
L'exploitation déficitaire est le fait pour un débiteur de ne plus produire de bénéfices et de développer des pertes. 

Elle a pu juger que la comparaison des éléments du bilan, même déficitaire, ne suffisait pas à établir l'existence de la cessation des paiements (Cour de cassation, chambre commerciale, 2 février 1999, N°95-15.990).
En effet, les pertes générées peuvent être compensées par la vente de certains biens par exemple. Ainsi, l'état de cessation de paiement n'est pas caractérisé puisque l'actif disponible permet de rembourser les dettes.
Enfin, la Chambre commerciale a pu juger que l'insolvabilité d'une entreprise n'était pas nécessairement constitutive d'une cessation de paiement (Cour de cassation, chambre commerciale, 17 octobre 2000, N°98-13.106).

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Joan DRAY
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