~~Dans le cadre d’un prêt, il peut arriver que l’emprunteur rembourse de manière anticipée son prêt.
Dans ce cas , le prêteur réclame généralement une somme forfaitaire en cas de remboursement anticipé, en insérant, dans le contrat ,une clause dite « d’indemnité de remboursement anticipé ».
En effet, si le risque majeur pour le prêteur reste de ne jamais recouvrer la somme, il est également dommageable pour le préteur que l’emprunteur décide de rembourser l’intégralité de la somme empruntée de manière anticipée.
Le remboursement anticipé présente l’intérêt pour l’emprunteur d’arrêter le cours des intérêts et donc de réduire la somme qu’il remboursera mais le prêteur de la somme d’argent est alors lésé car il doit faire une croix sur les intérêts qu’il comptait recevoir et qui représentent, rappelons-le, sa rémunération.
Cela bouleverse donc l’économie du contrat et le préteur ne peut pas toujours réutiliser immédiatement les sommes remboursées.
La clause d’indemnité de remboursement anticipé vient pallier à ce problème.
Cette clause dispose que si le client décide de rembourser l’intégralité du prêt avant l’échéance contractuellement prévue il devra verser au préteur une indemnité afin de pallier à son préjudice.
En effet, il est courant que le préteur ne puisse pas lui-même réinvestir les sommes prêtées avant une certaines date.
Le remboursement anticipé par l’emprunteur lui cause dont un préjudice et un manque à gagner.
Afin de dissuader le client de procéder à un remboursement anticipé et de protéger ces intérêts, le préteur va donc inclure cette clause dite d’indemnité de remboursement anticipé.
Une partie de la doctrine considérait cette clause comme illicite en ce qu’elle « sanctionnait » l’emprunteur pour avoir remboursé sa dette.
La Cour de Cassation a rejeté cette analyse.
I/ Le principe : la validité de la clause d’indemnité pour remboursement anticipé
La Cour de Cassation a tranchée et a admis la validité d’une telle clause.
La Cour suprême a jugé que la cause de l'obligation au paiement de l'indemnité de remboursement anticipé consiste dans la réparation du manque à gagner subi par le prêteur du fait de la résiliation anticipée du contrat, ladite indemnité contractuelle doit donc être considérée comme valable. (Cass. 1re civ., 27 sept. 2005, n° 1268 FS + P + B).
La Cour de Cassation considère que la clause d'un contrat de prêt qui donne à l'emprunteur la possibilité de rembourser par anticipation ne peut « être considérée comme une clause pénale puisque son application (dépend) de la seule volonté de l'emprunteur » ; il en résulte « que le remboursement ne (constitue) pas, de sa part, une inexécution du contrat mais l'exercice d'une faculté convenue entre les parties » (Cass. 1re civ., 24 nov. 1993, no 91-16.150, Defrénois, 1994, p. 800.)
Dès lors que la clause d’indemnité pour remboursement anticipé n’est pas une clause pénale le juge n’a pas la faculté de la modérée et doit se contenter de l’appliquer.
Néanmoins, les clients se sentant lésés vont souvent contester la validité de la clause d’indemnité de remboursement anticipé.
La Cour de Cassation a donc précisé le régime juridique de cette clause.
Dans un arrêt en date du 2 juillet 2013, la Cour de Cassation censure une cour d’Appel est rappelle que « l'interprétation du contrat ne se conçoit que pour des clauses obscures et ambiguës. »
Il s’agit ici d’un principe général de droit des contrats selon lequel le contrat étant la loi des parties , le juge doit s’abstenir de l’interpréter et faire une
application stricte de son contenu sauf si la clause est contraire à la législation ou obscure.
Autrement dit à moins que la clause d’indemnité pour remboursement anticipé ne soit abusive et ne confère un avantage déloyale au prêteur elle doit être appliquée.
Dans l’espèce soumise à la Cour de Cassation, une société avait souscrit, auprès de la société de droit allemand Eurohypo Aktiengesellschaft, un contrat de prêt de 49 500 000 euros au taux fixe de 4,483 %, soit un taux effectif global de 4,665%, remboursable en cinq ans.
Le contrat contenait une clause de remboursement anticipé prévoyant l'indemnisation du prêteur « sur justificatifs, de tous les coûts de replacement des fonds sur le marché », sans autre pénalité après le 8 mai 2006.
La société ayant souhaité rembourser par anticipation, les parties étaient convenues d'un montant de 585 947,52 euros au titre de ces dispositions, montant qui avait été payé.
La société avait ensuite assigné la banque en remboursement de la somme versée.
La cour d'appel l'avait déboutée, jugeant que celle-ci était redevable des coûts de replacement des fonds sur justificatifs visant à indemniser le prêteur de sa perte de marge future correspondant au différentiel de taux entre la période d'emprunt et celle de règlement des fonds et en avait déduit que le seul taux pouvant servir de base de calcul au coût de replacement était le taux fixe de 4,665% sur lequel les parties s'étaient mise d'accord sans qu'il y ait lieu de distinguer entre le taux d'intérêt et la marge (cette marge était de 1,05% soit un taux avant celle-ci de 3,615%).
La Cour de Cassation a cassé l’arrêt en rappelant que la clause d’indemnité ne prévoyait que le remboursement des couts de mise sur le marché.
Or, la Cour d’appel avait pris en compte dans ces calculs non seulement le coût du refinancement sur le marché mais également la appliqué par la banque de sorte qu’elle avait placé la banque dans une situation meilleure que celle prévue par le contrat.
La Cour de Cassation a donc sanctionnée une telle interprétation en rappelant que sauf dans le cas où une législation spéciale s’applique la clause d’indemnité de remboursement anticipée est valable mais elle doit être interprétée strictement et n’a pas pour but de permettre au banquier de s’enrichir mais seulement de pallier à un manque à gagner par rapport à ce que le préteur était en droit d’espérer au vue des termes du contrat.
(Cass. com., 2 juill. 2013, n° 12-15.628, société Ukli 2 France et a. c/ société Eurohypo Aktiengesellschaft : JurisData n° 2013-013786)
Cette clause d’indemnité pour remboursement anticipé permet à l’établissement financier de pouvoir répercuter la différence de taux d’intérêt existant entre le moment où le prêt est remboursé de façon anticipé et le moment où le prêt a été souscrit, étant entendu que l’on se trouve dans l’hypothèse d’un taux défavorable à la banque ne lui permettant pas de replacer immédiatement ses fonds sur le marché.
L’indemnité de remboursement anticipé, a « pour objectif la compensation de l'écart entre le taux du prêt et celui du remploi par le prêteur des fonds remboursés au cas où ce dernier taux serait inférieur au premier ».
Par cette clause on veut inciter l’emprunteur à respecter le terme du contrat.
La Cour de Cassation admet donc la validité de la clause d’indemnité de remboursement anticipée sauf dans certains cas prévus par la loi.
II/ Les limites posées par la loi
La loi limite le montant de la clause d’indemnité anticipée pour éviter que les sommes exigées de l'emprunteur n'équivalent à une véritable interdiction des remboursements par anticipation.
L'article L. 312-21, alinéa 2, du code de la consommation énonce que cette indemnité « ne peut, sans préjudice de l'application de l'article 1152 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret ».
Aux termes de l'article R. 312-2 du code de la consommation, l'indemnité ne peut excéder la valeur de un semestre d'intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant remboursement.
Ainsi, une clause stipulant des intérêts compensatoires, ayant pour objet, en cas de remboursement anticipé du prêt, d'assurer au prêteur un taux de rendement équivalent au taux moyen prévu par le contrat est licite dès lors que le montant de l'indemnité n'excède pas le maximum légal autorisé (Cass. 1re civ., 8 juill. 1994, no 91-21.098).
Dans le cas particulier où le prêt est assorti de taux d'intérêt différents selon les périodes de remboursement, l'indemnité de remboursement anticipé peut cependant être majorée pour permettre au prêteur d'obtenir, sur la durée courue depuis l'origine, le taux moyen prévu lors de l'octroi du prêt (C. consom., art. R. 312-2, al. 2).
Il existe certains types de contrat pour lesquels la loi encadre strictement les modalités de mise en œuvre de la clause d’indemnité pour remboursement anticipé.
Ainsi dans le cadre des crédits à la consommation il existe un plancher, contrepartie de l'absence d'indemnité pour remboursement anticipé.
La loi de 1989 oblige les établissements prêteurs à accepter un remboursement anticipé, total ou partiel, sans indemnité compensatoire (L. 1978, art. 19 mod. L. 1989, art. 29-II ; C. consom., art. L. 311-29), sauf à refuser tout remboursement partiel inférieur à un montant minimum fixé par décret.
Pour ce qui est des prêts immobiliers, il y a à la fois fixation d'un plancher et limitation de l'indemnisation du prêteur en cas de remboursement anticipé.
Le remboursement anticipé, total ou partiel, a été admis dès l'origine, le prêteur pouvant toutefois refuser tout remboursement inférieur à 10 % du montant du prêt (L. 1979, art. 12 ; C. consom., art. L. 312-21).
Le préteur a droit, en outre, en cas de remboursement anticipé, à une indemnité au titre des intérêts non échus, qui ne peut excéder à la fois la valeur d'un semestre d'intérêts ni 3 % du capital restant dû avant remboursement (D. n° 80-473, 28 juin 1980, art. 2).
La clause d’indemnité pour remboursement anticipé est donc valable mais elle ne doit pas faire obstacle au remboursement par l’emprunteur en le soumettant à des conditions financière trop lourde.
Joan DRAY
Avocat
joanadray@gmail.com