LA PREUVE DE LA DISPROPORTION DE L’ENGAGEMENT DE LA CAUTION

Publié le Modifié le 20/02/2015 Vu 18 437 fois 0
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L’article L.341-4 du Code de la consommation prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un engagement de caution qui serait manifestement disproportionné au regard des biens et revenus de la caution. Par un arrêt du 22 janvier 2013, la chambre commerciale qu’il appartient à la caution de démontrer le caractère disproportionné de son engagement à la date du cautionnement. En revanche, un arrêt du 10 septembre 2014 juge que c’est au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

L’article L.341-4 du Code de la consommation prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir

LA PREUVE DE LA DISPROPORTION DE L’ENGAGEMENT DE LA CAUTION

L’article L.341-4 du Code de la consommation prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un engagement de caution qui serait manifestement disproportionné au regard des biens et revenus de la caution.

Par un arrêt du 22 janvier 2013, la chambre commerciale juge qu’il appartient à la caution de démontrer le caractère disproportionné de son engagement à la date du cautionnement.

En revanche, un arrêt du 10 septembre 2014 considère que c’est au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution en garantie, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Afin de se prémunir des risques liées à l'insolvabilité des petites et moyennes entreprises, il est très fréquent que les créanciers, notamment les banques, subordonnent la conclusion d’un contrat à la constitution du gérant en tant que caution solidaire.

Le législateur a entendu prévenir la dérive de ce phénomène qui expose de nombreuses personnes physiques au risque de devoir rembourser des créances disproportionnées au regard de leur patrimoine.

La loi no 2003-721 du 1er août 2003 dite « Dutreil » a donc inséré un régime spécifique du cautionnement dans le Code de la consommation.

Il a ainsi été étudié dans un précédent article les mentions requises pour la validité du cautionnement.

Cette loi a également introduit un article L.341-4 dans le Code de la consommation, qui prévoit un principe général de proportionnalité de l’engagement de la caution.

I – Le principe de proportionnalité de l’engagement de la caution

  1. Le domaine de l’article L.341-4 du Code de la consommation 

Aux termes de l’article L.341-4 du Code de la consommation : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Cet article introduit un principe de proportionnalité de portée générale et légale, que le contrat de cautionnement soit conclu par acte sous-seing privé ou par acte authentique.

La caution doit être une personne physique mais peu importe qu'elle soit commerçante, dirigeante de société, ainsi l’associé gérant peut se prévaloir de la disproportion du cautionnement (Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, no 11-20.192).

De même, la protection s’applique à toute caution personne physique, qu’elle soit profane ou avertie et qu’elle ignore ou connaisse la situation du débiteur (Cass. 1re civ., 30 oct. 2013, no 12-14.982).

Le créancier doit avoir la qualité de professionnel, tel qu’un assureur ou un banquier.

La Cour de cassation a récemment précisé que : « le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale » (Civ. 1re, 1er oct. 2014 ; n° 13-16.273).

  1. La disproportion de l’engagement

La disproportion s'apprécie entre le montant de l'engagement de la caution et les biens et revenus de celle-ci.

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser l’assiette des biens et revenus devant être pris en considération pour l’appréciation de la disproportion.

Il ainsi été exclu de prendre en compte les perspectives de gains afférents à l'opération financée dans le cas où la caution serait le dirigeant majoritaire de la société débitrice (Cass. com., 4 juin 2013, nos 12-15.518).

Toutefois, la solution n’est pas définitivement acquise, la première chambre civile de la Cour de cassation considérant que les facultés contributrices de la caution doivent être évaluées au regard notamment des perspectives de développement de l'entreprise qu'elle avait créée (Cass. 1re civ., 4 mai 2012, no 11-11.461, Bull. civ. I, no 97).

En revanche, un arrêt du 27 mai 2014 a rappelé que la disproportion doit s'apprécier en fonction des biens et revenus de la caution, sans prendre en considération l’endettement global qui résulterait notamment d'autres engagements en qualité de caution (Cass. com., 27 mai 2014, n° 13-15.038).

En outre, lorsque chaque époux s'engage simultanément comme caution solidaire pour la même dette en termes identiques dans le même acte, la disproportion s'apprécie tant au regard des biens propres que de la communauté (Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, no 11-24.341).

Pour être sanctionnée, la disproportion doit exister à deux moments distincts : à la date où la caution s’engage et au moment où elle est appelée en garantie.

Ainsi, la disproportion à la date de l’engagement est sans conséquence si, au moment où la caution est appelée, son patrimoine lui permet de faire face à son obligation (CA Toulouse, 3 sept. 2013, no12/00038).

Il a notamment été jugé que ce « retour à meilleure fortune » était établi lorsque les charges existantes à l'époque de la souscription d'un cautionnement le rendant disproportionné, ont été acquittées ou du moins réduites dans l'intervalle (CA Grenoble, 4 juin 2012, n° 10/01742).

Enfin, la sanction de la disproportion n'est pas la nullité du cautionnement, mais l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de l'engagement de la caution (Cass. Com. 22 juin 2010 ; n° 09-67.814).

II – La preuve de la disproportion de l’engagement

  1. La preuve de la disproportion au moment de la souscription du cautionnement

Une jurisprudence constante juge que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement au regard du montant de l'engagement et des biens et revenus de la caution (Cass. Com. 5 avr. 2011 ; n° 10-18.106).

La preuve du caractère disproportionné peut résulter des avis d'imposition relatifs à plusieurs années (CA Paris, 1er juin 2007: RJDA 2007, no 1280).

La jurisprudence a récemment rappelé que c’est à la caution qui entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de rapporter que son engagement avait un caractère disproportionné au regard de ses biens et revenus (Cass. com., 22 janv. 2013 ; no 11-25.377).

L’arrêt du 22 janvier 2013 juge que : « dès lors qu'il appartient à la caution qui entend opposer à la caisse créancière les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus, la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve en retenant que M. et Mme X... ne démontraient pas le caractère manifestement excessif de leurs engagements de caution »

En revanche, le créancier professionnel n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations de la caution, en l'absence d'anomalies apparentes.

Ainsi, la caution qui a transmis à la banque un seul document inexact faisant apparaître une situation florissante ne peut pas invoquer la disproportion (Cass. com., 13 sept. 2011, no 10-20.959).

  1. La preuve de l’absence disproportion au moment de l’exécution de l’engagement

Le caractère manifestement disproportionné de l’engagement doit exister, non seulement au moment de la conclusion du cautionnement mais également, lorsque la caution est appelée en garantie (CA Paris, 1er juin 2007, cité infra).

L'article L. 341-4 du Code de la consommation envisage donc l'hypothèse dans laquelle le patrimoine de la caution, insuffisant au moment de son engagement, s'est accru de telle manière que la caution est en mesure de rembourser la dette à la place du débiteur principal.

Il s'agit d'une exception par rapport au principe, il y a donc un renversement de la charge de la preuve de l'accroissement du patrimoine de la caution au moment de la demande en paiement.

La Cour de cassation s’appuie sur l’article 1315 du Code civil qui dispose que : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Un arrêt du 10 septembre 2014 a ainsi jugé que : « il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ». (Cass. 1re civ., 10 sept. 2014 ; n° 12-28.977).

Il existe donc une division de la charge de la preuve de la disproportion de l’engagement de la caution :

  • L’existence de la disproportion au moment de la souscription de l’engagement : la charge de la preuve pèse sur la caution,
  • L’existence de l’absence de disproportion au moment de l’exécution de l’engagement : la charge de la preuve pèse sur le créancier professionnel.

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Joan DRAY
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