La procédure de sauvegarde

Publié le 15/03/2010 Vu 12 786 fois 5
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La procédure de sauvegarde est issue de la loi du 26 juillet 2005. Elle ne constitue qu'une procédure de redressement judiciaire "anticipé" intervenant avant la cessation des paiements. En ces temps de crise économique, de nombreuses entreprises n'hésitent à recourir aux procédures de sauvegarde afin d'obtenir un moratoire homologué par le juge sans être dépossédé de l'administration et la gestion de son entreprise. L'objectif principal de la procédure est le redressement de l'entreprise. Il s'agit d'une procédure qui se situe à mi-chemin entre les procédures collectives classiques (redressement et liquidation judiciaires) et les procédures dites de « prévention des difficultés »: le débiteur n'a pas besoin d'être en état de cessation des paiements, mais il connaît néanmoins des difficultés trop importantes pour que les techniques de prévention soient encore adaptées à sa situation. La situation présente encore de réelles perspectives de redressement, afin de réaliser l'objectif de la procédure : la réorganisation de l'entreprise.

La procédure de sauvegarde est issue de la loi du 26 juillet 2005. Elle ne constitue qu'une procédure de re

La procédure de sauvegarde

Enfin, il faut tenir compte des dispositions de l'ordonnance du 18 juillet 2008 et son décret d’application du 12 février 2009. qui ont assoupli certaines de ses dispositions afin de rendre plus attractives la procédure de sauvegarde et notamment à l'égard des dirigeants

.I.       Conditions d'ouverture de la procédure.

1.      Conditions quant au débiteur.

             La procédure de sauvegarde « peut être ouverte sur demande d'un débiteur qui sans être en cessation des paiements justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter»(Article L.620-1 alinéa 1 du Code de Commerce).

Depuis l'ordonnance de 2008, le débiteur doit faire état seulement de difficultés qu'il n'est plus en mesure de surmonter, ce qui supprime tout lien entre les difficultés et la cessation des paiements.

            La procédure de sauvegarde se situe en amont du redressement judiciaire, et le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements. La preuve de L'état prévisible de cessation des paiements relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, qui sont tenus de motiver leur décision. Le contrôle de la Cour de Cassation s'effectue sur la validité des motifs susmentionnés.

            Le débiteur qui souhaite bénéficier d'une procédure de sauvegarde se place sous la protection de la justice afin de pouvoir réorganiser son activité, son entreprise. Il se trouve alors hors de portée des procédures individuelles, puisque la sauvegarde permet l'ouverture d'une procédure collective pour les créanciers. La preuve des difficultés insurmontables incombe au débiteur qui fait la demande de l'ouverture de la sauvegarde. En vertu du principe de l'autonomie de la personnalité morale de la  filiale en difficulté, on apprécie la situation du débiteur uniquement, dans ses ressources propres, sans tenir compte de l'éventuel soutien d'un membre du groupe. 

            Quant à la réunion des conditions, elle s'apprécie au jour où les juges procèdent à l'ouverture de la procédure.

  1. Conditions quant aux créanciers.

                        a. Comités de créanciers.

            Ils ne concernent que les entreprises débitrices d'une certaine taille, c'est à dire les entreprises qui dépassent l'un des deux seuils suivants: cent cinquante salariés ou 20 millions d'Euros hors taxe de chiffre d'affaire annuel.

            On distingue entre le comité des établissements de crédit (toutes les banques titulaires d'une créance [antérieure au jugement d'ouverture] contre le débiteur, les banques qui ont acquis une créance envers un créancier du débiteur en difficulté avant le jugement d'ouverture, les créanciers assimilés aux établissements de crédit) et le comité des principaux fournisseurs (les principaux fournisseurs de biens ou de services du débiteur, dont la créance représente au moins 3% TTC du total des créances des fournisseurs nées antérieurement au jugement d'ouverture).

                        b. Contrôleurs.

            Le contrôleur est chargé de défendre l'intérêt des créanciers. Il ne doit pas avoir de lien trop étroits avec le débiteur.

II.    Le jugement d'ouverture.

  1. Compétence et Territorialité.

            Le Tribunal de commerce est compétent si le débiteur est un commerçant, un artisan, et si c'est une personne physique, immatriculée ou pas, ou une personne morale immatriculée.

            Dans les autres cas (agriculteurs, profession indépendante non commerciale, associations, syndicats), le Tribunal de Grande Instance est compétent: Article L621-2 du Code de Commerce. Concernant les Sociétés d'Exercice Libéral, Sociétés Commerciales par la forme mais civile par leur objet, le TGI qui est compétent: L721-5 alinéa 1 du Code de Commerce.     

            Le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur, s'il est une personne morale, a son siège social, ou s'il est une personne physique, le lieu qu'il a déclaré comme étant l'adresse de son entreprise ou de son activité (Article R600-1 du Code de Commerce).

            Il faudra prendre en compte le siège social statutaire à titre de principe, mais il se peut que ce siège social ne coïncide pas avec le siège social réel donc c'est ce dernier qui prime. Dans le cas d'un transfert de siège six mois avant l'ouverture de la procédure, la règle est que le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent. Ce délai commence à courir à compter de l'inscription modificative au RCS initial: il faut inscrire la société au RCS du nouveau siège et procéder à la radiation au RCS de l'ancien siège, et c'est la date de cette deuxième formalité qui compte 

            Dans l'hypothèse où le débiteur exerce une activité sur le territoire français mais qu'il n'y a pas de siège, le tribunal compétent est celui du lieu où il a le centre principal des ses intérêts.

2.      Saisine du tribunal.

            Cette saisine peut émaner de quatre catégories de personnes ou institutions:

-      Le débiteur: il peut seul demander l'ouverture de la procédure de sauvegarde, qui constitue une décision de gestion relevant de la seule compétence du chef d'entreprise. La demande motivée est déposée au greffe du tribunal compétent, présentant la nature des difficultés rencontrées, les raisons pour lesquelles il ne peut les surmonter, avec les pièces justificatives nécessaires.

-      Le créancier: il va agir par voir d'assignation qui précisera le montant et la nature de la créance afin que le tribunal puisse apprécier si les conditions de l'assignation sont remplies, à fin d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Il peut demander l'ouverture d'abord d'une procédure de redressement judiciaire à titre principal et de liquidation judiciaire à titre subsidiaire et vice-versa.

La créance qui fonde la demande doit présenter toutes les caractéristiques pour être payée: certaine, liquide et exigible.

-      Le tribunal: il peut se saisir d'office car il est garant de l'intérêt général et a accès à des informations sur la situation économique du débiteur que tout le monde n'a pas. Le tribunal pourra palier la passivité du débiteur car la procédure collective a un caractère infamant, car c'est un aveu de mauvaise gestion pour les dirigeants.

            Le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal de commerce, La Cour d'Appel sont habilités pour cette auto-saisine.

-      Le ministère public: le tribunal peut être saisi par la ministère public, gardien de l'ordre public qui vient palier à une carence éventuelle du débiteur préjudiciable pour l'entreprise et pour lui-même. Il doit présenter au tribunal une requête indiquant les faits de nature à motiver sa demande.

3.      Effets.

-        Inventaire des biens du débiteur.

-        Arrêt des poursuites individuelles.

-        Arrêt du cours des intérêts et suspension des poursuites à l'encontre des garants du débiteur: les personnes physiques cautions, coobligées ou ayant donné une garantie autonome pourront se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts.

-        Absence de déchéance du terme.

-        Interdiction des inscriptions.

-        Situation des dirigeants garants: leurs rémunérations ne sont pas affectées, et leurs titres ne sont pas bloqués. De plus, il reste à la tête de son entreprise, il n'est pas dessaisi de son activité.

4.      La période d'observation.

            La durée de la période d'observation est fixée par le jugement d'ouverture de la procédure. Elle est d'une durée maximale de six mois, renouvelable par le tribunal une fois. Elle peut prendre fin avant le terme prévu, s'il apparaît que les difficultés de l'entreprise ont disparu.

            a. Les pouvoirs du dirigeant

 L'ordonnance de 2008 a a souhaité maintenir le rôle du dirigeant en lui mainteant ses prérogatives.

Ainsi, le chef d’entreprise réalisera désormais lui-même l’inventaire de son entreprise.

 Il pourra, également seul, proposer une substitution de garanties à un créancier, ou saisir le tribunal pour ordonner la cession partielle de l’entreprise.   

Mais la mesure la plus importante concerne l'absence de sanction civile à l'encontre d'un dirigeant qui aurait demandé l'ouverture d'une telle procédure.

Il ne sera également plus possible de subordonner l'adoption d'un plan de sauvegarde à l'incessibilité de ses actions, le dirigeant ne doit plus craindre qu'en bénéficiant d'une telle procédure, il prennne le risque d'être évincé.

Le dirigeant pourra également choisir son administrateur judiciaire de ce fait il n'est absolument pas en concurrence avec celui-ci.

La mesure la plus intéressante concerne sur la situation des dirigeanst cautions  qui pourront désormais se prévaloir du plan de sauvegarde et de l'arrêt du cours des interêts.

L'article L. 622-28, alinéa 1er du Code de commerce prévoit qu'en sauvegarde, l'arrêt du cours des intérêts bénéficie aux cautions personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. 

De plus,  les créances non déclarées leurs sont inopposables pendant toute l'exécution du plan (C. com., art. L. 622-26, al. 2  ).

Le créancier qui n'a pas déclaré sa créance en temps utile ne peut donc poursuivre la caution personne physique durant toute la durée du plan de sauvegarde. Il conserve toutefois le droit d'agir en paiement contre les garants personnes morales et contre les garants personnes physiques après l'exécution du plan de sauvegarde.

  Le principe est  l'absence de dessaisissement du débiteur. La procédure de sauvegarde n'a aucune incidence sur l'existence de la personne morale, y compris lorsqu'il s'agit d'une société ni sur les pouvoirs des dirigeants sociaux. Un administrateur peut néanmoins être nommé par le tribunal, afin de surveiller le débiteur dans sa gestion, et de l'assister. Il n'y a donc pas de mission de représentation.

            b. La poursuite de l'exploitation

            L'activité se poursuit pendant cette période d'observation mais le tribunal peut, à tout moment, prononcer un redressement judiciaire, la liquidation ou encore ordonner la cessation partielle de l'activité. Il s'agit en effet de réorganiser l'entreprise, et le débiteur peut être amené a arrêter une activité si celle-ci le met en difficulté.

III. L'élaboration du plan de sauvegarde.

            Il revient au débiteur d'élaborer un projet de plan, qui revêt une dimension contractuelle très marquée: il est créateur de droits mais également d'obligations, notamment à l'égard des créanciers du débiteur. La durée du plan ne peut être supérieure à dix ans.

            Le tribunal peut subordonner l'adoption du plan en ce qui concerne la personne morale:

-        Le plan devra préciser les modifications des statuts nécessaires à la réorganisation de l'entreprise, décidées par l'Assemblée Générale Extraordinaire (AGE).

-        Le plan pourra prévoir une modification du capital.

-        Les éventuelles clauses d'agrément sont réputées non écrites dans le cadre du plan, afin de faciliter l'entrée de nouveaux investisseurs dans le capital, ou faciliter la cession de droits sociaux entre associés ou actionnaires.

            Des mesures peuvent s'appliquer aux dirigeant de l'entreprise, notamment leur éviction, « lorsque le redressement de l'entreprise le requiert, le tribunal peut subordonner l'adoption du plan au remplacement d'un ou plusieurs dirigeant de l'entreprise ». Cela déroge au principe de la continuité de l'activité du chef d'entreprise, mais on prend en compte l'intérêt de cette dernière.  Cette exception est écartée lorsque la personne morale est le siège de l'exercice d'un profession libérale.

            Au cours de la période d'observation, s'il apparaît que l'adoption d'un plan de sauvegarde est envisageable, les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture et les personnes titulaires de créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture vont être consultés soit individuellement, soit collectivement en fonction de la taille de l'entreprise débitrice afin de connaître les sacrifices qu'ils sont prêts à consentir dans le cadre du plan pour favoriser son adoption essentiellement sous forme de délais de paiement et de reprise. Le principe est celui d'une consultation individuelle, et l'exception, qui ne concerne que les grandes entreprises, est celle d'une consultation dans le cadre des comités de créanciers, et le cas échéant si le débiteur est une personne morale qui a émit des obligations, l'assemblée des obligataires doit également être consultée.

IV. Adoption du plan.

            Elle relève de la compétence du tribunal, dans sa formation collégiale. Cet événement met fin à la période d'observation. Le tribunal est tenu de s'assurer que le projet de plan qui lui est soumis répond aux objectifs mentionnés par la loi. Si plusieurs projets de plan répondent aux critères posés par le législateur, il existe un pouvoir d'appréciation. Une faculté substantielle de modification du plan est prévue par le Code de Commerce durant son exécution, sur demande du débiteur.

            La loi envisage trois hypothèses pour l'issue du plan:

-        Inexécution des engagements: le tribunal peut prononcer la résolution du plan, suivant les circonstances, en particulier la gravité de l'inexécution. Si en raison de la résolution, le débiteur se trouve en état de cessation des paiements, il pourra faire l'objet d'un redressement ou d'une liquidation.

-        Survenance de l'état de cessation des paiements en cours d'exécution: Si le débiteur se trouve en cessation des paiements au cours de l'exécution du plan de sauvegarde, celui-ci est résolu, et le tribunal peut prononcer la liquidation judiciaire.

-        Jugement constatant l'exécution du plan: le tribunal constate l'achèvement de l'exécution du plan. Cela montre que le débiteur n'est plus sous le coup d'une procédure collective, et n'est donc plus sous la protection du tribunal. Sa situation est redevenue normale.

        Enfin, il faut tenir compte des dispositions de l'ordonnance du 18 juillet 2008 et son décret d’application du 12 février 2009. qui ont assoupli certaines de ses dispositions afin de rendre plus attractives la procédure de sauvegarde et notamment à l'égard des dirigeants.  Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements utiles ou formalités.

Maître Joan DRAY

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1 Publié par Visiteur
10/05/2010 17:29

Bonjour,
Concernant le domaine du dessaisissement du debiteur sur les droits et actions de ceux ci, quels sont les droits et actions que conserve le debiteur dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement?
Merci.

2 Publié par DRAY
10/05/2010 20:12

Cher Monsieur,

La réponse devant être détaillée, je vous propose de vous rendre sur mon blog dans "poser une question".
Je pourrai vous faire une consultation détaillée sur le sujet.

Dans l'attente,

Votre bien dévouée.

3 Publié par Visiteur
22/06/2010 21:23

Bonjour,
L'arrêt des poursuites individuelles à l'encontre d'un débiteur en procédure collective concerne-t-il uniquement les créances antérieures au jugement d'ouverture ou également les créances postérieures?
Merci

4 Publié par Visiteur
28/11/2010 08:55

pendant la période d'observation d'un plan de sauvegarde, le preneur peut t'il rendre les clefs de son local qu'il n'exploite plus depuis plusieurs mois, ce après un commandement de payer resté infructueux deux mois après la signification?.
Le bailleur peut-il reprendre ses clefs s'il s'agit d'un acte volontaire du preneur?

5 Publié par Visiteur
29/11/2013 15:17

si une créance a été déclaré avant le plan de sauvegarde la société ne peuxas payer le créancier malgré un jugement rendue par un tribunal .

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