L'annulation du brevet, dernières jurisprudences

Publié le 12/04/2013 Vu 4 029 fois 0
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Après une longue période d’hésitation, la Cour de cassation a tranché la question récurrente des effets rétroactifs qu’emporte l’annulation d’un brevet. A l’heure où la guerre des brevets fait rage entre les grands groupes industriels, emportant avec eux des structures beaucoup plus modestes, il semblait important de régler cette question avant qu’elle ne se pose à une échelle trop importante. Les enjeux économiques de la protection des brevets peuvent tout à fait aujourd’hui se chiffrer en million et avoir de graves répercussions sur les différents équilibres économiques. Il n’était alors pas inutile que les juges de la Haute Cour mettent au clair une situation devenue dangereuse et c’est chose faite depuis un arrêt du 17 février 2012.

Après une longue période d’hésitation, la Cour de cassation a tranché la question récurrente des effets

L'annulation du brevet, dernières jurisprudences

En l’espèce, des dommages et intérêts avaient été versés à la suite d’une condamnation pour contrefaçon de brevet. Ce dernier a finalement été annulé par une décision de justice quelques années après et la partie condamnée pour contrefaçon dans l’instance précédente saisit à nouveau le juge afin de se voir rembourser les sommes versées de ce fait.

L’article L615-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi que « toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon. La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur ».

Par ailleurs, le même code prévoyant en son article L613-27 que « la décision d'annulation d'un brevet d'invention a un effet absolu sous réserve de la tierce opposition », la question s’est fréquemment posée de savoir si la disposition s’appliquait également aux effets que le brevet aurait déjà pu avoir préalablement à son annulation.

Plus généralement se pose le problème de l’aménagement des effets d’une annulation de brevet, notamment pour les effets qu’il a eu dans le passé, pour autant que l’annulation soit totale.

I - La possibilité d’un caractère rétroactif de l’annulation d’un brevet

A - Une annulation absolue pour l’avenir

Les cas de nullité pouvant porter sur un brevet sont prévu par le code de la propriété intellectuelle à l’article L613-25. Ils sont de différentes natures mais produisent tous les mêmes effets. L’article L613-27 du code de la propriété intellectuelle dispose que « la décision d'annulation d'un brevet d'invention a un effet absolu sous réserve de la tierce opposition ». Il résulte des termes du code qu’une annulation de brevet a des effets absolus, c'est-à-dire un anéantissement de tous les droits qu’il ouvrait jusque là.

Il est acquis, dans la jurisprudence comme dans la doctrine, que le caractère absolu de cette annulation joue pour les effets que le brevet aurait normalement produits si la protection avait été maintenue. Il ne sera donc plus possible pour l’ancien titulaire de vendre des licences par exemple ou encore de se protéger contre la diffusion des techniques préalablement brevetées, peu important le fondement juridique de l’annulation.

B - Le caractère absolu de l’annulation face à l’exigence de sécurité juridique

Le problème principal qui se pose lorsqu’un brevet est annulé est de savoir ce qu’il advient des effets qu’il a pu avoir dans le passé. Faut-il considérer que l’annulation absolue de l’article L613-27 équivaut à l’anéantissement de tous les effets, passés comme à venir ? Ou alors, est-il préférable de privilégier un aménagement des effets de l’annulation pour le passé et de permettre que soit maintenant, de façon artificielle, des effets du brevet annulé alors même qu’ils sont dépourvus de fondement juridique ?

La réponse ne va pas de soi dans la mesure où, d’une part, le brevet était réputé valable jusqu’à l’annulation et pouvait valablement amener aux actes juridiques habituels. D’autre part, il est vrai que dans l’intérêt des tiers qui auraient fait usage de se brevet, et donc versé des redevances, il ne semble pas non plus illogique de prendre parti pour le caractère rétroactif de l’annulation d’un brevet. En effet, les personnes qui auront eu à investir sur le fondement du brevet ne peuvent plus bénéficier des avantages que leur octroyer le brevet dès lors qu’il est frappé d’une annulation.

La jurisprudence est elle-même hésitante. Finalement, dans un arrêt du 17 février 2012, la Cour de cassation a énoncé qu’il était impossible de prétendre à la restitution de sommes versées en exécution d’une condamnation en contrefaçon alors même que le brevet sur le fondement duquel la décision avait été rendue avait ensuite été annulé. Une personne condamnée pour contrefaçon ne pourra donc pas prétendre à la restitution des sommes versées en application de la décision si le brevet objet de la contrefaçon est ensuite annulé. La Cour opère une séparation stricte entre la condamnation en contrefaçon et les effets de l’annulation du brevet, qui sont tout de même absolus et rétroactifs.

II - Un revirement nuancé de la jurisprudence sur l’annulation des brevets

A - La recherche d’un équilibre économique

La Cour de cassation opère finalement une assimilation de régime entre les condamnations provoquant l’annulation du brevet et les résultats que celle-ci peut avoir sur les autres relations que peut avoir l’ancien titulaire du brevet avec des tiers. Ainsi, les redevances versées dans le cadre d’une licence sont mises à part et ne sont pas susceptibles de restitution.

Les relations contractuelles construites sur le fondement d’un brevet admis comme valable par toutes les parties sont logiquement anéanties par l’annulation du brevet. Toutefois, l’annulation des contrats qui en découle ne semble pas, elle, rétroactive et le juge refuse de prononcer la restitution des sommes versées sur son fondement.

La solution s’explique en partie par le contexte. A un moment où les brevets ne cessent de prendre de l’importance dans les relations commerciales, il est logique que les effets économiques que peuvent provoquer leur annulation, ou toute autre modification, soient aménagés dans un souci de protection des parties qui y ont intérêt. Les contrats de licence, par exemple, représentent parfois des sommes très élevées dont la restitution pourrait grever de façon démesurée le budget de l’ancien titulaire du brevet. Cependant, la situation de l’autre partie qui se voit refuser la restitution des sommes versées n’est pas confortable non plus et il n’est pas certain que les effets de l’annulation d’un brevet ne soient pas encore à nouveau aménagés.

B - L’existence des cas d’annulation partielle ou de possible suspension

Deux cas restent ignorés encore par la Cour de cassation. Il s’agit de l’annulation prononcée partiellement, qui n’induit pas les même conséquences qu’une annulation habituelle, et du cas d’une instance en cours durant laquelle juge a à statuer sur la validité d’un brevet et qui suspend alors les autres instances entamées postérieurement.

Les annulations partielles peuvent poser problème. En effet, ce second mode d’annulation prévue par le troisième alinéa de l’article L613-27 du code de la propriété intellectuelle impose une régulation : « lorsque la décision annule partiellement une revendication, elle renvoie le propriétaire du brevet devant l'Institut national de la propriété industrielle afin de présenter une rédaction de la revendication modifiée selon le dispositif du jugement. Le directeur de l'institut a le pouvoir de rejeter la revendication modifiée pour défaut de conformité au jugement […] ». Tant que cette régulation n’a pas eu lieu, qu’en est-il des effets que peut avoir le brevet en temps normal ? De même, si la modification du brevet vide de son sens certains des conséquences qu’il avait jusque là, est-il possible de prétendre à la restitution des sommes déjà engagées ? Il y a fort à parier que la solution dégagée pour l’annulation totale trouverait à s’appliquer aussi dans un pareil cas, puisque les effets sont finalement très similaires dans les deux cas. 

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