Le harcèlement moral et l’organigramme de l’entreprise : le harceleur nécessairement un supérieur ?

Publié le 31/01/2012 Vu 3 692 fois 0
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Quid juris : le délit de harcèlement moral est-il subordonné à l’existence d’un pouvoir hiérarchique du harceleur sur le harcelé ? La réponse se trouve dans l'article L. 1152-1 du Code du travail qui dispose « qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.»

Quid juris : le délit de harcèlement moral est-il subordonné à l’existence d’un pouvoir hiérarchique

Le harcèlement moral et l’organigramme de l’entreprise : le harceleur nécessairement un supérieur ?

Le législateur n’a donc pas posé de limite hiérarchique pour que l’on puisse définir un salarié de harceleur. Cela étant, il est vrai qu’on aurait pu avoir un doute puisque, le plus souvent, on se trouve confronté à des situations où le harcèlement moral provient d'une personne en position supérieure dans l’organigramme de l’entreprise vis-à-vis d’un salarié qui lui est subordonné.

Nonobstant cette réalité sociale, le délit de harcèlement moral peut aussi être constitué entre simples collègues de boulot sans qu’aucune subordination n’existe dans leur relation de travail.

De même, un salarié peut aussi se rendre coupable de harcèlement envers son supérieur hiérarchique.

En l’occurrence, c'est ce qu’est venue rappeler la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt qui sera sans nul doute suivi d’autres cas de l’espèce.

Dans cette affaire, suite au suicide d'un chef de service, un éducateur avait été jugé devant la juridiction pénale pour avoir harcelé moralement l'intéressé. Il lui était reproché d’avoir dévalorisé à plusieurs reprises ses agissements professionnels ce qui avait « entaché  » négativement sa réputation dans son environnement professionnel et auprès du personnel du service. Le salarié en cause avait commis plusieurs actes d'insubordination et s’était comporté avec mépris en adoptant une attitude contraire à toutes règles de bienséance.

La Cour d’appel avait infirmé le jugement rendu en première instance notamment au motif que le salarié n'avait ni la qualité, ni les moyens de compromettre l'avenir professionnel de la victime.

La chambre criminelle casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 222-33-2 du Code pénal qui définit le harcèlement moral comme «  le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ».

Via son attendu, la Haute juridiction confirme qu’une dégradation des conditions de travail à elle seule est suffisante pour caractériser le délit de harcèlement. De plus, le délit n’a pas besoin de l'existence d'un rapport hiérarchique pour exister. Dès lors, le subordonné s’était bien rendu coupable d'un harcèlement vis-à-vis de son supérieur.

Pour mémoire, le salarié doit bien avoir à l’esprit qu’au-delà des sanctions pénales, les faits de harcèlement moral (ou sexuel) sont sanctionnés sur le plan de la relation contractuelle et sont susceptibles d'engager la responsabilité personnelle du salarié auteur des actes incriminés.

Par conséquent, un salarié qui se rendrait coupable de harcèlement moral, à son initiative ou sur les ordres de son employeur,  verrait engager sa responsabilité personnelle et serait ainsi tenu d’indemniser sa victime avec ses propres moyens.

Enfin, des agissements de harcèlement constituent nécessairement une faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié auteur des faits incriminés. En somme, ce qui est condamnable, ce sont des agissements d’une gravité telle qu’ils portent atteinte au principe du droit du salarié à la dignité.

Nadia RAKIB

Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL

www.clindoeil-social.com

Source

Cass. crim., 6 déc. 2011, n° 10-82.266 P+B

 

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