En effet, si les juges estiment que les manquements de l'employeur le justifient, le contrat de travail est résilié. À défaut, la relation contractuelle se poursuit et devient « un risque » du fait du climat délétère qui s’instaure entre le salarié et son employeur suite à cette action en justice.
Sachant qu’en attendant le jugement du conseil des prud'hommes, le salarié va devoir accomplir son travail dans ce contexte litigieux, pas facile...
Quand la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée par le juge, les relations contractuelles entre les parties prennent fin à la date de ce jugement. La résiliation judiciaire produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d’un licenciement nul si le salarié est protégé). Le salarié a donc bien « doubler sa mise » puisqu’il obtient la cessation des relations contractuelles en sus des indemnités subséquentes. Dès lors, l'employeur devra lui verser :
- l’indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle),
- les indemnités compensatrices de congés payés et de préavis,
- l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou pour licenciement nul, le cas échéant),
- l’indemnité liée à la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation.
Dans l’hypothèse où le juge refuse la résiliation judiciaire du contrat de travail, celui-ci se poursuit dans ses conditions habituelles et aucune indemnité n’est due. Dit autrement, c’est « le quitte » (rien ne change) ou « le quitte » (le salarié est libre de quitter l’entreprise) qui l’emporte si je puis dire…
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de gestionnaire par une société. Elle fût convoquer à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement au motif qu’elle n’avait pas informé son employeur que son concubin et son frère avaient créé une entreprise directement concurrente. Après cet entretien, son employeur lui avait notifié qu’il renonçait à toute sanction disciplinaire. Nonobstant, la salariée avait saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et au paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat.
Quid : pouvait-on relever un (des) manquement (s) aux obligations contractuelles pour que la salariée soit fondée à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur?
Pour accueillir cette demande, les juges du fond avaient relevé que la préoccupation essentielle de l’employeur se fondait sur le risque que la salariée puisse transmettre des informations sur l’entreprise à une société concurrente. La Cour d’appel de Bordeaux jugea que la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de la salariée sur le motif qu’elle n’avait pas informé d’un événement relatif à sa vie privée, alors que l’employeur n’avait aucun autre grief à faire valoir à son encontre, justifiait la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Quid : le seul engagement d’une procédure disciplinaire qui n’aurait pas été menée à son terme peut-il constituer un manquement suffisamment grave pour demander une résiliation judiciaire d’un contrat de travail ?
Non, nous fait savoir la Haute Cour. L’arrêt est cassé aux motifs que la mise en œuvre de la procédure disciplinaire ne procédait pas d’une légèreté blâmable ou d’une intention malveillante. Par conséquent, la salariée ne pouvait arguer d’un manquement de son employeur à ses obligations contractuelles pouvant justifier une résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Moralité de cette jurisprudence, avant de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant les tribunaux, tout salarié doit y réfléchir à deux fois ou être « un bon joueur pour remporter la mise »…
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
www.clindoeil-social.com
Sources
Cass. soc., 25 sept. 2013, pourvoi no 12-11.832, arrêt no 1450 FS-P+B
Arrêt du 15 novembre 2011, Cour d’appel de Bordeaux
Vu l’article 1184 du code civil, ensemble l’article L. 1332-2 du code du travail