Des « Salariés-Aventuriers » sur l’île de la tentation !

Publié le 02/05/2013 Vu 5 192 fois 0
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Quid : à partir de quand des participants d’un jeu télévisé basé sur de la « real TV » deviennent des salariés ? Dans cette affaire, les hauts magistrats ont fondé leur décision sur la présence nécessaire d’un lien de subordination entre les participants et la chaîne tv pour que le statut de salarié puisse exister. Quid : qu’est-ce qui pouvait caractériser ce lien de subordination dans un jeu de free time/funny time and time seduction ?

Quid : à partir de quand des participants d’un jeu télévisé basé sur de la « real TV » deviennent des

Des « Salariés-Aventuriers » sur l’île de la tentation !

A se laisser prendre au jeu, on penserait que rien ne peut s’apparenter à une relation de travail…Et pourtant !

La Cour de Cassation a mis en exergue l'existence d’un programme qui prévoyait le listing des évènements animant les journées des participants.

Cette « feuille de route du jeu » mentionnait l’ensemble de leurs activités, le calendrier de leurs répétitions ainsi que le rythme des interviews. Un vrai petit cahier des charges des tâches à réaliser chaque jour…

La Haute Cour a aussi retenu que la durée du travail des participants s’avérait un élément clé du jeu puisque la production de la chaîne tv imposait les horaires des activités quotidiennes. Dit autrement, pas de liberté de nos joueurs de vaquer librement à leurs occupations : ils devaient se rendre disponibles selon le planning de la production.

De plus, les « heureux » participants se voyaient dans l'obligation de vivre sur une île : une contrainte en matière de mobilité géographique même si, en l’espèce, il apparaît incohérent de parler de contrainte car, nombreux seraient les salariés qui se bousculeraient pour un tel lieu de travail/lieu de villégiature !  

Cependant, une conciliation « jeu professionnel »/vie privée se trouvait restreinte dans la mesure où nos joueurs-salariés ne disposaient plus de leurs passeports ni de leurs smartphones. De vrais « Robinson Crusoé » sur leur île de travail sans moyen de s’identifier et se connecter à leur vie extra-péninsulaire…

Comme si cela n’était pas déjà suffisant en matière de restrictions de libertés,  la production de la chaîne avait instauré des sanctions, y compris financières, pour le cas où les participants décideraient de faire leur valise !

Dans ces circonstances, la Cour de cassation a constaté qu'il existait bien entre les participants et la production un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail.

Un contrat de travail pour le coup inexistant puisque rien n’avait été signé entre les parties.

Dès lors, en l’absence de respect du formalisme légal obligatoire, la relation de travail s’est vue requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée. Une aubaine pour nos joueurs-salariés puisque la fin du jeu s’analysait en une rupture de la relation de travail abusive qui leur ouvrait droit au versement d’indemnités.

Dorénavant, les Sages ont clarifié la situation afin de l’extirper de toute controverse pour l’avenir. Son attendu est énoncé comme suit :

« ( …) c’est sans se contredire que la cour d’appel a relevé que les participants à l’émission en cause n’avaient aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu’il ne leur était demandé que d’être eux-mêmes et d’exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés et que le caractère artificiel de ces situations et de leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d’acteurs ; qu’ayant ainsi fait ressortir que leur prestation n’impliquait aucune interprétation, elle a décidé à bon droit que la qualité d’artiste-interprète ne pouvait leur être reconnue (…). »

A notre époque où ces types de shows à l’américaine font sensation, cette jurisprudence constitue le parchemin de tout employeur pour élaborer sa « game strategy » lui permettant de différencier un acteur d’un salarié sous peine de devoir piocher dans son coffre aux trésors…

Nadia RAKIB

Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL

www.clindoeil-social.com

Sources

Arrêt n° 399 du 24 avril 2013 ( D 11-19.091 au E 11-19.092 ; J 11-19.096 au K 11-19.097 ; N 11-19.099 au Q 11-19.101 ; Y 11-19.109 au E 11-19.115 ; P 11-19.123 au Q 11-19.124 ; U 11-19.128 au E 11-19.138 ; H 11-19.140 au S 11-19.149 ; U 11-19.151 au H 11-19.163 ; J 11-19.165 ; M 11-19.167 au N 11-19.168 ) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2013:C100399

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