Suicide au travail : quand parle t-on de faute inexcusable de l'employeur ?

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Suicide au travail : quand parle t-on de faute inexcusable de l'employeur ?

Dans cette affaire, un salarié, employé depuis 15 ans par une entreprise, se suicide sur son lieu de travail suite à un entretien avec sa responsable hiérarchique. La société déclare l'accident du travail, en émettant des réserves quant au caractère professionnel de l'accident. La CPAM accepte de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle, décision contestée par l'employeur devant la commission de recours amiable. La commission rejette ce recours, et l'employeur n'exerce pas de recours contre cette décision de rejet, ce qui rend la reconnaissance de l'accident comme accident professionnel opposable définitivement aux parties, ainsi qu'aux juridictions saisies ultérieurement d'un litige relatif au premier.
La veuve du salarié décédé introduit ensuite un recours devant les juridictions du travail afin de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.

En l'espèce, les enquêtes effectuées par la CPAM et les services de police révèlent que l'état de santé du salarié était apparu très dégradé un mois avant son suicide (amaigrissement, absence de communication, désorientation, tremblements), mais que l'employeur n'a jamais rattaché cet état de souffrance visible à l'activité professionnelle du salarié. Par ailleurs, le salarié ne souffrait pas de troubles psychologiques préexistants et ne rencontrait pas difficultés en dehors de son travail ; il n'a donc pu être démontré que cet état de stress était lié à un autre facteur que son activité professionnelle.
En fin, et surtout, la cour d'appel constate d'une part que, à l'époque des faits, aucun système d'évaluation des risques psycho-sociaux n'avait été mis en place dans l'entreprise permettant aux supérieurs hiérarchiques de prendre des mesures de protection adéquate afin d'éviter une dégradation de l'état de santé des salariés en souffrance psychologique. D'autre part, les supérieurs hiérarchiques étaient dans l'incapacité totale de pouvoir préciser le volume précis de travail fourni par chaque salarié au titre de l'ensemble des missions accomplies pour différentes entités de l'entreprise. L'absence de tout dispositif dans l'entreprise pour évaluer la charge de travail, notamment des cadres, l'absence de visibilité des managers sur la charge de travail de leurs collaborateurs, la culture du surengagement et l'augmentation des objectifs caractérisent, selon la cour, un manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité.

 

Source
CA Versailles, 19 mai 2011, n° 10/00954 : JurisData n° 2011-008975

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