Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue en mai dernier qui vient aborder la problématique du sort d’un remboursement d’un compte courant associé fait par le dirigeant à son profit alors même que sa société cumule déjà certaines dettes et est en passe d’être placée en liquidation judiciaire.
En 2008, la société C est devenue l’associée unique de la société L, Monsieur C devenant le gérant en 2009.
Le 21 janvier 2013, la société L a remboursé à la société C la somme de 44 000 euros au titre de son compte courant associé.
Or un jugement du 11 avril 2013 a condamné la société L à payer à son bailleur, la société X une somme supérieure à 40 000 euros au titre d'un arriéré de loyers.
La société L a été mise en redressement judiciaire le 21 mai 2013, la date de cessation des paiements étant fixée au 7 mai 2013.
La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 17 décembre 2013,
Le mandataire liquidateur, soutenant que le remboursement du compte courant du 21 janvier 2013 était intervenu en fraude des droits des créanciers a assigné la société C sur le fondement de l'action paulienne, afin de voir déclarer ce remboursement inopposable à la liquidation judiciaire et condamner la société Cà lui restituer la somme de 44 000 euros.
La jurisprudence rendue mérite attention.
Son raisonnement se fait en deux temps.
Dans un premier temps, la Cour rappelle que la fraude du débiteur, condition de l'action paulienne, implique la volonté ou la conscience de nuire à son créancier, mais que le débiteur ne peut agir en fraude des droits de son créancier lorsqu'il exécute une obligation souscrite envers un tiers,
Puis, dans un deuxième temps, la Cour précise que si un associé peut se faire rembourser son compte courant associé à tout moment et immédiatement, ce retrait peut toutefois, dans certaines hypothèses, être constitutif d'une fraude et qu'il en est ainsi lorsque le dirigeant social se fait régler des sommes importantes correspondant au remboursement d'un compte courant associé au détriment des autres créanciers qu'il ne pouvait ignorer en raison de ses fonctions au sein de la société que l’entreprise rencontrait des difficultés financières depuis plusieurs mois.
Aux termes des dispositions de l'article 1167 du code civil, applicable à l'instance, les créanciers peuvent attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.
Cet acte leur est alors déclaré inopposable.
Il convient de rappeler que la fraude du débiteur est une condition de l'action paulienne.
Il doit avoir eu la volonté de nuire ou avoir eu conscience de nuire à son créancier.
Ainsi, le débiteur ne peut agir en fraude des droits de son créancier lorsqu'il exécute une obligation souscrite envers un tiers.
Dans notre cas d’espèce, le mandataire reprochait à la société L d’avoir remboursé à son unique actionnaire la société C son compte courant associé à hauteur de 44.000 euros le 21 janvier 2013, étant précisé que chacune de ces sociétés est dirigée par la même personne, Monsieur C.
Certes, un associé peut se faire rembourser son compte courant associé à tout moment et immédiatement mais dans certaines hypothèses ce retrait peut être constitutif d'une fraude.
Il en est ainsi lorsque le dirigeant social se fait régler des sommes importantes correspondant au remboursement d'un compte courant associé au détriment des autres créanciers qu'il ne pouvait pas ignorer en raison de ses fonctions au sein de la société.
La Cour de Cassation considère que l'action paulienne est subordonnée non seulement à la preuve de ce que le débiteur a conscience du préjudice causé à un créancier par l'acte querellé, mais également au fait que ce dernier constitue un acte d'appauvrissement créant l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur.
Il convient de rappeler que le compte courant associé constitue un prêt consenti par l'associé dont la caractéristique essentielle est d'être, sauf disposition conventionnelle ou statutaire contraire, remboursable à tout moment,
De telle sorte que, sauf s'il a été opéré en violation d'une convention ou des statuts de la société, ou sous la forme d'un paiement effectué par des moyens inhabituels, le remboursement de ce compte courant associé n'est pas attaquable par la voie d'une action paulienne à défaut de constituer un acte d'appauvrissement du débiteur.
Cette jurisprudence est intéressante car elle permet au dirigeant de récupérer son compte courant associé qui est remboursable à tout moment car il est un créancier comme les autres.
Cela peut sembler un juste retour des choses étant rappelé que lorsqu’une société est en passe d’être en liquidation judiciaire le chef d’entreprise n’a droit ni à aucune aide financière que ce soit.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,