L'employeur peut-il imposer à un salarié de tailler sa barbe provocante ?

Publié le 10/09/2020 Vu 1 287 fois 0
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Les exigences de sécurité du personnel et des clients de l'entreprise peuvent justifier des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives.

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L'employeur peut-il imposer à un salarié de tailler sa barbe provocante ?

Les arrêts relatifs à la liberté, pour un salarié, de manifester ses convictions religieuses concernent, le plus souvent, le port de vêtements, par exemple, le voile islamique. Mais, la Cour de cassation se penche cette fois, sur un contentieux autour de la question du port de la barbe, perçue en l'espèce par l'employeur comme l'expression de convictions religieuses et politiques.

Un cadre, consultant en sûreté dans une entreprise de prestations de services dans le domaine de la sécurité et de la défense auprès de gouvernements, d'organisations internationales ou d'entreprises privées a été licencié pour faute grave. Il lui était reproché le port d'une barbe « taillée d'une manière volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politiques », ce qui aurait mis en péril la sécurité d'une mission au Yémen ou dans d'autres zones à risques. L'employeur estimait que son injonction de « revenir à un port de barbe exclusif de toute connotation susceptible de remettre en cause la sécurité de la mission »  n'allait pas à l'encontre du respect de la liberté religieuse et que « le refus du salarié de revenir à une barbe d'apparence plus neutre » pouvait justifier son licenciement. Pour le salarié, au contraire, le licenciement était en fait fondé sur un motif discriminatoire et devait donc être déclaré nul.

S'appuyant sur les enseignements de plusieurs décisions jurisprudentielles de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation, les juges du fond ont donné raison au salarié jugeant le licenciement discriminatoire (CA Versailles 27-9-2018 n° 17/02375). L'employeur saisit alors la Cour de cassation qui, à cette occasion, précise sa jurisprudence en ce domaine dans un arrêt largement diffusé.

Il est possible pour l'employeur d'imposer une restriction à la liberté religieuse au nom d'un impératif de sécurité, notamment en lien avec le port de la barbe, à la condition qu'il démontre en quoi cette restriction est nécessaire pour prévenir un danger objectif. Il lui appartient d'être précis et détaillé. Sur ce point, l'employeur avançait plusieurs arguments : l'injonction de porter une barbe d'apparence neutre était, selon lui, justifiée dans la mesure où le salarié était amené à exécuter des missions dans des zones à risques et que cela permettait d'assurer sa propre sécurité et celle des personnes auprès desquelles il était affecté, cette apparence « tenant compte des us et coutumes des pays dans lesquels »  il était affecté.

Mais, en l'espèce, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a considéré que l'employeur, tout en reprochant au salarié de porter sa barbe comme une provocation politique et religieuse, ne précisait ni la justification objective de cette appréciation, ni quelle façon de tailler la barbe aurait été admissible au regard des impératifs de sécurité avancés. En conséquence, il n'a pas démontré les risques de sécurité spécifiques liés au port de la barbe dans le cadre de l’exécution de la mission du salarié au Yémen de nature à constituer une justification à une atteinte proportionnée aux libertés du salarié. Aussi, la Cour de cassation approuve-t-elle l'appréciation des juges du fond qui ont décidé la nullité du licenciement pour motif en partie discriminatoire.

Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-23.743 FS-PBRI

Source : efl.fr

 

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