Caution bien mal lotie en saisie immobilière et prescription de la banque

Publié le 05/04/2020 Vu 1 002 fois 0
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La caution poursuivie en saisie immobilière peut-elle opposer à la banque la prescription biennale attachée au prêt ? Lorsque la caution se retrouve moins bien lotie que l’emprunteur principal.

La caution poursuivie en saisie immobilière peut-elle opposer à la banque la prescription biennale attachée

Caution bien mal lotie en saisie immobilière et prescription de la banque

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence récente liée à la problématique des délais de prescription de la banque qui poursuit une caution solidaire dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

Dans cette affaire, Monsieur T s’était porté caution d’un prêt accordé par la banque qui avait consenti une hypothèque en garantie de son engagement.

Le 28 juillet 2016, la banque lui a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière avant de l'assigner à l'audience d'orientation.

Monsieur T contestait le bien fondé de la saisie immobilière au motif pris de la prescription.

Il convient de rappeler que l'article L. 137-2 du Code de la Consommation dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

L’article 2224 du Code Civil prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ;

La vraie question se posait. 

Celle de savoir si la caution peut faire valoir contre la banque la prescription biennale ou bien la prescription quinquennale ?

Dans cette affaire, il résulte de l'acte notarié de prêt du 3 juin 2005 que Monsieur T. et son épouse se sont portés caution solidaire et hypothécaire du prêt souscrit par leur fils pour un montant de 102.000 euros.

Le bien hypothéqué est celui désigné par le commandement et selon les documents produits par la banque et notamment les décomptes de créances produits, la créance principale serait exigible depuis le 10 janvier 2013.

Monsieur T soutenait que la date de départ de la prescription biennale était celle du premier impayé non régularisé, soit le 1er décembre 2010, dans la mesure où Monsieur T fils a bénéficié d'un plan de surendettement portant les échéances mensuelles dudit prêt à la somme de 300 euros.

Toutefois, il n'était aucunement établi que les échéances du contrat de crédit n'étaient pas honorées, aucun courrier de mise en demeure n'étant produit.

La banque reprochait à Monsieur T de ne pas rapporter la preuve de ce que les échéances n'avaient pas honorées dans le cadre du deuxième plan ayant abouti à une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire suivant décision du septembre 2013.

La banque avait malgré tout déclaré sa créance dans le cadre de cette procédure pour un montant de 83.669,63 euros.

Il ressort des circonstances de la cause la déchéance du terme n'avait pas été prononcée à l'endroit du débiteur principal, Monsieur T fils avant l'ouverture de cette procédure.

Or, ce n’est que la déchéance du terme qui rend exigible la créance et fixe le point de départ du délai de prescription.

En application de l'article 2313 du Code civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, comme, par exemple, la prescription de la dette principale.

La dette principale était donc soumise à la prescription biennale de l'article L. 218-2 du Code de la Consommation s'agissant d'un prêt immobilier accordé à un consommateur.

Pour autant, tant la banque que la Cour d'Appel considéraient que l'extinction de l'obligation principale par le jeu de la prescription biennale qui bénéficie aux seuls consommateurs n'est pas inhérente à la dette, mais constitue une exception purement personnelle au débiteur principal qui est un consommateur,

De sorte que, par application de l'article 2313 du Code Civil, la caution, qui n'a pas cette qualité à l'égard de la banque faute pour celle-ci de lui avoir fourni un service quelconque, ne peut s'en prévaloir.

Cela est dangereux car la caution se retrouve alors exposée à une prescription à 5 ans alors que le débiteur principal demeure assujetti à une prescription à 2 ans.

La caution faisait grief à la Cour d'Appel de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale et de valider le commandement de payer valant saisie immobilière.

Elle soutenait qu’en application de l'article 2313 du Code Civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, comme, par exemple, la prescription de la dette principale.

En l'espèce, la dette principale était soumise à la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation s'agissant d'un prêt immobilier accordé à un consommateur.

La Cour de Cassation retient dans son attendu de principe que « la Cour d'Appel a exactement retenu qu'en ce qu'elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue à l'article L. 218-2 du Code de la Consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution « 

La caution a donc été déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Cette jurisprudence est sévère puisqu’elle vient alourdir les engagements de la caution en l’exposant à une prescription à 5 ans au lieu de 2 ans pour le débiteur principal.

Cette jurisprudence qui a été rendue en 2019 augure une année 2020 de mauvais aloi pour les cautions qui disposent heureusement d’autres axes de contestations.

A mon sens, cette jurisprudence mérite d’être revue et c’est finalement que la position de la 1ère chambre civile qui peut faire l’objet d’un revirement tant cette approche demeure sévère et à mon sens contraire au droit des cautions.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

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