Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été récemment rendue et qui aborde la problématique d’une saisie immobilière lorsque le juge constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé.
La jurisprudence vient confirmer une fois de plus que le juge peut le relever d’office.
Cela mérite réflexion.
Surtout lorsque le débiteur saisi s’attend à ce que le juge aborde de manière parfaitement impartiale la procédure de saisie immobilière et ne distingue pas entre le créancier saisissant et le débiteur saisi malheureux.
Mais derrière les grands principes et idéaux juridiques et judiciaires, la matière d’une technicité sans pareille offre fort heureusement des axes de contestation nombreux.
Dans cette affaire, la banque avait fait délivrer à Monsieur et Madame G un commandement de payer valant saisie immobilière d'un bien leur appartenant, constitué par un lot d'un ensemble immobilier, propriété de la société K en liquidation judiciaire, et les avait fait assigner à comparaître à l'audience d'orientation du Juge de l'Exécution.
Un arrêt de la Cour de cassation avait cassé en toutes ses dispositions l'arrêt confirmatif de la Cour d’Appel, qui avait annulé la procédure de saisie immobilière.
Pourtant, sur renvoi, la Cour d'Appel avait, par un premier arrêt, invité les parties à présenter leurs observations sur la péremption du commandement et, dans un second arrêt, avait constaté la péremption de celui-ci, déclaré la procédure de saisie nulle et de nul effet et la banque irrecevable en ses demandes.
Les consorts G soutenaient que le commandement de payer valant saisie immobilière publié le 30 mai 2011 avait cessé de plein droit de produire ses effets le 30 mai 2013 à minuit et demandaient à la Cour de surseoir à statuer alors qu'ils avaient saisi, par conclusions du 26 janvier 2017, le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance afin de voir constater la péremption de plein droit de ce même commandement de payer.
La banque considérait quant à elle que la Cour n'était pas saisie d'une demande tendant à voir constater la péremption du commandement puisque l’argumentation était également soulevée devant le Juge de l'Exécution.
Elle considérait que la Cour était saisie de la validité de la procédure de saisie immobilière et que la péremption du commandement de payer s’imposait par la force des choses de telle sorte que la Cour pouvait la relever d’office.
Il convient de rappeler qu’une procédure de saisie immobilière ne peut se poursuivre sur la base d’un commandement de payer valant saisie immobilière qui serait périmé.
La Cour avait ordonné la réouverture des débats,
La banque lui en faisait grief puisqu’elle considérait que le principe de l'égalité des armes implique qu'une partie ne soit pas placée dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire,
Or, en ordonnant la réouverture des débats, par son arrêt du 18 mai 2017, afin de permettre aux débiteurs saisis de former devant elle une demande tendant à voir constater la péremption du commandement au détriment de la banque, cette dernière considérait que la Cour d'Appel l’avait placée dans une situation de net désavantage par rapport aux débiteurs saisis.
La banque tente d’échapper à cette problématique de péremption en rappelant la rigueur de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, qui prévoit qu’à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
De telle sorte que le délai de validité du commandement de payer valant saisie a expiré avant l'audience d'orientation et que le débiteur saisi s'est abstenu de demander, au plus tard le jour de l'audience d'orientation, la constatation de la péremption du commandement, il est irrecevable à la demander après cette audience.
Or, en l'espèce, la banque faisait valoir qu'à suivre le raisonnement des débiteurs saisis, le délai de validité du commandement avait expiré le 6 juin 2013, soit avant l'audience d'orientation qui s'était tenue le 20 juin 2013, de sorte que la demande en constatation de la péremption du commandement, formée pour la première fois après cette audience, était irrecevable en application de l'article R. 311-5 précité.
La banque soutenait encore que la péremption du commandement n'intervenait pas de plein droit et qu’elle ne pouvait être relevée d'office par le juge.
Pour la banque, la constatation de la péremption du commandement doit être demandée au juge et ce, au plus tard à la date de l'audience d'orientation si la péremption est acquise avant cette date de telle sorte que les débiteurs saisis étaient irrecevables à demander la constatation de la péremption du commandement après la date de l'audience d'orientation compte tenu de l'acquisition de la péremption avant cette date,
A bien y comprendre, la Cour d'Appel ne pouvait ordonner la réouverture des débats afin d’inviter les parties à présenter leurs observations sur cette problématique.
Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et considère que le juge qui constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé peut le relever d'office.
Cette décision est salutaire car elle rappelle que le juge a un devoir de contrôle de la procédure de saisie immobilière.
Ce qui est regrettable est que la jurisprudence se cantonne à un pouvoir d’office du juge sur la seule problématique de la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière alors qu’il convient de rappeler que bon nombre de prêt immobilier sont assujettis aux dispositions du Code de la Consommation.
Ce même Code offre un panel très large de dispositions protectrices du consommateur et de l’emprunteur que le juge peut relever d’office.
Il serait également judicieux que le juge de l’orientation relève d’office la validité de la déchéance du terme ou encore la prescription de la créance ce qui à mon sens mérite encore un débat.
Puisse la Cour de cassation être sensible à ma réflexion….
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,