Constitutionnalité d’une interdiction de gérer

Publié le 20/01/2020 Vu 1 092 fois 0
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En l’état d’une décision du Conseil constitutionnel abrogeant la peine d’interdiction de gérer et de faillite personnelle, un dirigeant peut-il contester cette sanction abrogée même postérieurement à la décision qui le frappe ?

En l’état d’une décision du Conseil constitutionnel abrogeant la peine d’interdiction de gérer et de

Constitutionnalité d’une interdiction de gérer

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation qui vient aborder la problématique de la constitutionnalité d’une interdiction de gérer et d’une faillite personnelle prononcées par une juridiction correctionnelle dans le cadre de procédures régies par l’article L. 654-6 du code de commerce, dans sa version antérieure à la décision du conseil constitutionnel, ledit article ayant été abrogé par décision du conseil constitutionnel.

Dans cette affaire, Monsieur Y avait été condamné par le Tribunal Correctionnel des chefs de banqueroute, escroquerie et fraude aux prestations sociales à deux ans d'emprisonnement dont huit mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans avec obligation de travailler ou de suivre une formation et d'indemniser les victimes

Avec également comme peine complémentaire l’interdiction d'exercer une activité de gérant ou de dirigeant de société, ainsi qu'à dix ans de faillite personnelle.

La Cour d'Appel, saisie des appels du prévenu et du ministère public, avait confirmé ce jugement.

Pour autant, cet arrêt a été cassé et annulé en ses seules dispositions relatives à la condamnation pour fraude aux prestations sociales et quant à la peine complémentaire d’interdiction de gérer et e faillite personnelle par la Haute juridiction.

A hauteur de cassation, Monsieur Y était venu contester la validité de la faillite personnelle.

Il convient de rappeler que dans l’hypothèse ou une disposition a été déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.

Dès lors nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est plus prévue par la loi, et ce, en l’état de la décision d’abrogation du texte en litige par le Conseil constitutionnel, 

Par voie de conséquence, Monsieur Y considére qu'encourt la censure l'arrêt qui a prononcé à son encontre une faillite personnelle pour une durée de dix ans.

En effet, les dispositions de l'article L. 654-6 du Code de Commerce prévoyant la peine de faillite personnelle ont été déclarées contraires à la Constitution par décision du Conseil Constitutionnel du 29 septembre 2016 et abrogées.

Or, la question se posait de savoir quelle portée avait cette décision et notamment à partir de quand cette abrogation était effective aux procédures qui n’ont pas encore fait l’objet de décision de justice.

La Cour de cassation rappelle que cette abrogation est applicable à compter du 1er octobre 2016 à toutes les affaires non définitivement jugées à cette date.

L’arrêt de Cour d’appel critiqué confirmait le prononcé de la faillite personnelle d'une durée de dix ans en répression de délits de banqueroute commis en 2009 et 2010 par application des dispositions de l'article L. 654-6 du Code de Commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 et le Ministère Public soutenait quant à lui que la décision était définitive.

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

Elle rappelle que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2016-573 QPC du Conseil Constitutionnel du 29 septembre 2016, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 1er octobre 2016,

Par là même il s’en suit que l'annulation est encourue, 

En effet, la Cour de Cassation annule, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la Cour d'Appel de Poitiers, en date du 28 avril 2016, mais en ses seules dispositions relatives au prononcé de la faillite personnelle, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.

Cette décision est intéressante puisqu’elle vient rappeler que dans la mesure où les dispositions de l’article L. 654-6 du Code de Commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ayant été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2016-573 QPC du Conseil Constitutionnel du 29 septembre 2016, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 1er octobre 2016, encourt l'annulation, par voie de retranchement, l'arrêt d'une Cour d'Appel  qui, après avoir déclaré le prévenu coupable de délits de banqueroute, commis en 2009 et 2010, prononce la faillite personnelle de celui-ci.

A bien y comprendre, la Cour de Cassation peut revenir sur une décision définitive par voie de retranchement sur une sanction prononcée au motif de ce que le Conseil Constitutionnel a déclaré la disposition inconstitutionnelle et l’a abrogé.

Dans la mesure où le texte fondant la peine complémentaire d’interdiction de gérer et de faillite personnelle a été abrogée même postérieurement à la décision rendue, il n’en demeure pas moins que nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi de telle sorte que Monsieur Y était bien fondé à solliciter l’annulation de sa condamnation relative à sa faillite personnelle.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

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