Contestation des prêts des collectivités territoriales et fonds de soutien

Publié le 10/05/2014 Vu 2 104 fois 0
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La loi de finances de 2014 a créé un fonds de soutien pour les collectivités territoriales lourdement endettées. En contre partie de l'aide de l'Etat, la collectivité doit expressément abandonner tout droit à contestation du TEG et des intérêts conventionnels.. est ce acceptable? fort heureusement, le Conseil Constitutionnel s'y oppose et rappelle que l'action en annulation de la clause de stipulation des intérêts demeure un droit.

La loi de finances de 2014 a créé un fonds de soutien pour les collectivités territoriales lourdement endet

Contestation des prêts des collectivités territoriales et fonds de soutien

Il convient de s’intéresser à la loi de finances pour 2014 qui a mis en place un fond de soutien d’environ 100 millions par an, pendant une période d’au moins quinze ans, et qui a été mis en place au profit des collectivités territoriales, ainsi qu’à leurs groupements et aux établissements publics locaux, afin de les aider à faire face aux situations financières désastreuses qu’ils rencontrent, notamment en l’état des financements qui ont été pris auprès des différents établissements bancaires, en ayant eu recours à des prêts bancaires complexes, également appelés « prêts toxiques » et qui ont des taux d’intérêts astronomiques qui viennent largement grever les budgets des collectivités territoriales et, immanquablement, par effet ricochet, la fiscalité de ces dernières au préjudice de nos concitoyens.

Or, ce fond de soutien visant à alléger le fardeau bancaire des collectivités territoriales a été créé de toutes pièces dans le cadre d’une loi de finances, n’a pas nécessairement fait l’objet de discussions et de débats  en tant que tel sur sa création.

C’est ainsi que ce fond de soutien a fort heureusement fait l’objet d’une censure partielle de la Cour du Conseil Constitutionnel qui est venue sanctionner la proposition faite par cette loi de finances.

Ce projet consacrait, semble t’il, l’accord mis en place par le gouvernement avec les principaux établissements bancaires car l’idée sous-jacente de ce fond de soutien était d’apporter une aide financière aux collectivités territoriales largement endettées, à charge pour elles de renoncer purement et simplement à toute contestation du prêt en question sur un terrain judiciaire.

C’est ainsi museler et empêcher les collectivités territoriales de se défendre contre les établissements bancaires, ce qui est proprement scandaleux.

D’autant plus que les intérêts financiers sont extrêmement importants et il est regrettable que la loi de finances ait tenté de mettre à néant ce contentieux spécifique qui permettait aux collectivités territoriales, qui ont contracté des prêts dont elles n’avaient pas nécessairement appréhendé l’ensemble des tenants et aboutissants financiers, et qui se retrouvent dans des situations financières extrêmement complexes, de venir les contester.

Cela est d’autant plus contestable que nul n’ignore que la santé financière des collectivités territoriales ont animés les débats électoraux  avec des taux d’endettement qui étaient arrivés à leur apogée.

Cette situation est regrettable et devraient amener ces mêmes collectivités territoriales à s’interroger sur les conditions dans lesquelles ces prêts ont été octroyés, et également s’interroger sur les conditions financières et les intérêts qui ont été octroyés dans des combinaisons complexes de montages financiers, qui se sont faits immanquablement au détriment des collectivités territoriales, et au plus grand bénéfice de ces établissements bancaires que le gouvernement vient aujourd’hui protéger en venant préserver leur rémunération.

Cela est tout simplement inacceptable.

Les dispositions du projet de loi avaient vocation à valider les contrats conclus antérieurement à la publication de la loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, de telle sorte que la validité de la stipulation des intérêts ne pouvait absolument plus être contestée, alors même que le TEG serait erroné ou que l’acte comprendrait un défaut de mention du TEG, obligations de l’établissement bancaire pourtant clairement imposées par la Loi, et plus spécifiquement par les dispositions de l’article L313-2 du code de la consommation.

Ce projet de loi amenait immanquablement à valider ipso-facto l’ensemble des prêts bancaires contractés par les collectivités territoriales, à grand renfort d’intérêts, en muselant ces dernières et en les empêchant de contester la clause de stipulation des intérêts.

Ainsi cette loi de finances est bel et bien attentatoire à la Constitution, à la séparation des pouvoirs, en tentant par voie gouvernementale d’attenter immanquablement au pouvoir judiciaire et de venir faire valider, de manière législative, un certain nombre de contrats potentiellement litigieux, dont les questions relatives aux intérêts conventionnels erronés ne peuvent qu’être tranchés par l’institution judiciaire.

La loi laissait à penser que ce fond de soutien venait finalement permettre aux collectivités territoriales d’échapper aux difficultés qu’elles avaient rencontrées et au financement qu’elles avaient pris en faisant appel à ce que d’aucuns pourraient appeler la solidarité nationale comme le précise d’ailleurs le professeur Julien MARTIN.

Il est bien évident que les véritables bénéficiaires de ces dispositions sont bel et bien les établissements bancaires qui échappent, par la force des choses, à tout contentieux relatif à la contestation de la clause de la stipulation des intérêts et ce, pour des sommes extrêmement importantes.

Il est regrettable de constater que le législateur n’ait pas pris la mesure de ces dispositions qui venaient sacrifier sur l’autel de la finance le droit à un recours judiciaire des collectivités territoriales, qui ne sont ni plus ni moins que des personnes morales comme les autres, alors même que bien souvent les maires et conseillers municipaux de ces communes, parfois des petites communes, n’ont pas nécessairement l’information et la connaissance nécessaire pour appréhender dans sa globalité le prêt complexe proposé par l’établissement bancaire, lequel prend bien soin de rendre « la mariée jolie », tout en se gardant d’évoquer les conséquences fâcheuses qui peuvent arriver par la suite.

Immanquablement, sacrifier un droit au recours judiciaire vient porter atteinte à la libre administration de la politique juridique et financière des collectivités territoriales, puisqu’elle viendrait en premier lieu s’assujettir au bon vouloir du ministre qui aurait la charge de libérer les fonds suivant son pouvoir discrétionnaire.

Surtout, cela est tout aussi contestable car cela vient priver en même temps  les collectivités territoriales de leur faculté d’ester en justice et de se prévaloir de la clause de l’absence de TEG dans leur contrat de prêt.

Ce n’est ni plus ni moins pour le pouvoir exécutif que le moyen de valider le contrat de prêt qui ne  mentionne pas le taux effectif global. 

Il y a bel et bien atteinte de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et notamment en ce qu’elle réserve un sort différent aux personnes physiques, aux particuliers, qui peuvent tout à fait contester les intérêts du prêt, et qui peuvent également solliciter l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, des collectivités territoriales qui ne seraient plus en mesure de le faire, ce qui est d’autant plus regrettable que les montants sont largement plus importants.

Il y a bel et bien atteinte au principe d’égalité consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa grande sagesse, a effectivement retenu la méconnaissance des exigences de proportionnalité pesant sur les lois de validation en ce que l’extension de la validation aux personnes morales du droit privé ne se justifie pas.

Il a également considéré les dispositions relatives à l’évolution de la sanction du taux effectif global comme un cavalier législatif qui a été sanctionné.

Ainsi, sous couvert de permettre aux collectivités territoriales de bénéficier d’un taux à meilleur fortune, en profitant des fonds disponibles en ce fond de soutien, il n’en demeure pas moins que celles-ci se retrouvent amputées d’un droit à contestation des intérêts du prêt.

De la clause de stipulation des intérêts.

Ainsi, la collectivité territoriale peut saisir ce fond, dès lors que celle-ci a à faire face à des emprunts structurés des instruments financiers comme les emprunts les plus sensibles et les contrats de couverture qui leur sont liés.

Pour bénéficier du fond, les collectivités territoriales devront demander une demande d’aide auprès du représentant de l’état dans le département, sachant que par la suite le montant de l’aide sera déterminé conjointement par le ministre chargé du budget et le ministre chargé des collectivités territoriales.

Ce qui est effectivement regrettable, c’est que, pour bénéficier du fond de soutien, il appartient également à la collectivité territoriale de conclure préalablement une transaction visant justement à interdire toute forme de contestation de la clause de stipulation des intérêts du prêt.

Le projet initial était d’autant plus contestable que si la collectivité territoriale sollicitait le fond de soutien pour un ou plusieurs prêts, la dite collectivité territoriale avait l’obligation de signer un protocole abandonnant tout droit à contestation pour l’ensemble des prêts, même ceux qui n’auraient pas été impactés par le versement d’une somme par le fond de soutien, ce qui venait complètement annihiler le droit à contestation de la collectivité territoriale.

Heureusement, dans le cadre de la préparation des différents textes, finalement cette conclusion préalable de transaction a été limitée au seul contrat de prêt pour lequel le fond a été sollicité.

On  ne peut que s’étonner de cette proposition de transaction car il convient de rappeler, comme le dit très justement le professeur Martin « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, le dispositif tout entier suppose donc l’existence d’une contestation autre que celle relative au taux effectif global qui est réglé par la même voie ».

Dès lors, on ne peut que se féliciter de la décision rendue par le Conseil Constitutionnel qui vient clairement annuler

En retenant la méconnaissance des exigences sur les lois de validation, en ce que l’extension de la validation personne morale de droit privé ne se justifie pas, il a également considéré les dispositions relatives à l’évolution de la sanction du taux effectif global, comme un cavalier législatif qui a pour principal inconvénient de laisser ouvert son inclusion dans une prochaine loi, mais tout inversement de permettre aux collectivités territoriales de contester les prêts qu’elles considèrent litigieux.

A cela, il convient également de mettre en avant l’article L423-17 du Code de la construction de l’habitation ainsi que l’article L1111-3-1 du  Code général des collectivités territoriales aux termes desquels le législateur rappelle que lorsque les collectivités territoriales ont vocation à recourir à un emprunt, il appartient à l’établissement bancaire de fournir une formule d’indexation des taux des emprunts qui doivent répondre à des critères, notamment en termes de simplicité afin de préserver la prévisibilité des charges financières des collectivités territoriales.

Ainsi, s’il est bien évident que les collectivités territoriales doivent être effectivement sensibles à une saine gestion de leurs finances publiques, il n’en demeure pas moins qu’il appartient désormais aux établissements bancaires d’être particulièrement attentifs aux obligations qui pèsent sur eux, d’information, de conseil et de mise en garde, afin d’octroyer aux collectivités territoriales, qui sont des personnes morales comme les autres, des emprunts immanquablement nécessaires, mais qui doivent satisfaire aux obligations de la loi.

A défaut, lorsque le montage financier du prêt complexe proposé par l’établissement bancaire à la collectivité territoriale vient finalement l’asphyxier, il appartient à la collectivité territoriale d’engager une action contre la banque, tant au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde, qu’au titre de la contestation des intérêts astronomiques générés tout au long de la vie du prêt.

Cela est un droit, cela est peut-être aussi un devoir. Lorsque nous sommes en présence d’un prêt occulte.

C’est ce droit, ou ce pouvoir qui a failli être muselé dans la dernière Loi de finance.

Dès lors, on ne peut que saluer la décision du Conseil Constitutionnel qui vient d’amener cette loi de finances, qui tentait purement et simplement d’annihiler tout à droit à  contestation de la clause de stipulation des intérêts du prêt par les collectivités territoriales.

Immanquablement, les établissements bancaires savent que l’action de l’annulation de la clause de stipulation des intérêts a pour effet d’entrainer judiciairement l’annulation rétroactive des intérêts conventionnels du prêt au profit du seul intérêt légal.

Il est peut-être temps que les collectivités territoriales, garants de leurs finances publiques, de leur budget et finalement de leurs citoyens et contribuables, ne l’ignorent plus.

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