Contrat de financement de pose de panneaux solaires, quelle juridiction compétente ?

Publié le 08/06/2016 Vu 4 163 fois 0
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En cas d'action judiciaire contre la société de pose de panneaux photovoltaïques mais également contre l'établissement de crédit qui a financé l'installation, quels sont les problèmes de compétence et de procédures peut opposer la banque?

En cas d'action judiciaire contre la société de pose de panneaux photovoltaïques mais également contre l'Ã

Contrat de financement de pose de panneaux solaires, quelle juridiction compétente ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui été rendu par la Cour de Cassation en décembre 2015 et qui aborde le sort d’un contentieux contre un établissement bancaire sur la base d’un contrat de prêt affecté à un financement bien précis, celui de la pose de panneaux photovoltaïques,

Cette jurisprudence a été rendue par la Haute Juridiction au visa de l’article L 311-32 du Code de la Consommation, qui rappelle que la suspension de l'exécution du contrat de crédit affecté est décidée s’il y a lieu par le tribunal saisi de la contestation sur l'exécution du contrat principal, le prêteur intervenant à l'instance ou étant mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Cette jurisprudence aborde à la fois une question de fond, relative à la responsabilité de l’établissement bancaire, et à la fois une question de procédure, relative à la compétence de la juridiction saisie, et ce, dans le cadre d’une action engagée à titre principal contre le contrat de pose de panneaux photovoltaïques, et à titre subsidiaire, à l’encontre du contrat de financement qui va de pair,

En effet, dans l’hypothèse où un particulier est démarché par une société de pose de panneaux photovoltaïques, ce qui est le cas en l’espèce, le vendeur des panneaux photovoltaïques peut proposer un financement qui va de pair.

Ceci est le cas dans les faits qui nous occupent.

Ainsi, dans l’arrêt de la Cour de Cassation évoqué, suivant offre préalable acceptée le 22 février 2012, la banque avait consenti aux consorts X, les emprunteurs, un crédit d’un montant de 26 000,00 €, destiné à financer la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques par la société G.

Les emprunteurs ont assigné la société G, ainsi que l’établissement bancaire, devant le tribunal d’instance aux fins d’annulation et subsidiairement de résolution du contrat principal.

Les consorts X ont ensuite assigné la banque devant la juge des référés aux fins d’obtenir la suspension de l’exécution du contrat de crédit affecté,

Cela se comprend aisément, car dans la mesure où le contrat principal fait l’objet d’une procédure aux fins d’annulation ou de résolution, et dans la même mesure ou par effet ricochet il sollicite également l’annulation ou la résolution du contrat de financement affecté, le demandeur est légitimement en droit d’envisager de suspendre également les paiements le temps de la procédure,

Il convient de s’intéresser à la dépendance juridique liée à ces deux contrats,

D’autant plus que c’était la société de pose de panneaux photovoltaïques qui avait également proposé un contrat de financement.

Dès lors qu’un contrat se trouve placé dans un rapport de dépendance juridique vis-à-vis d’un autre, qui conditionne l’existence même de sa cause ou celle de son objet, il convient d’admettre qu’il doive disparaître en même temps que celui-ci.

L’annulation du contrat principal doit donc provoquer celle du contrat qui lui est subordonné.

Si le particulier consommateur a vocation à demander la résolution du contrat principal, notamment aux torts de la société de pose de panneaux photovoltaïques, cette demande de résolution entraîne également celle du contrat de crédit, dès lors que les deux opérations ont été présentées comme liées par l’acquéreur ou le vendeur, et ce même en l’absence de mention au contrat de crédit.

Dès lors, c’est cette indivisibilité qui va déterminer l’action, ainsi que la compétence du tribunal, de telle sorte que la nullité de l’un entraîne forcément la nullité de l’autre.

Cela peut amener également à une contestation sérieuse concernant la compétence de la juridiction saisie,

Dans l’hypothèse où le consommateur envisage la nullité ou la résolution de la vente aux torts de la société qui a posé les panneaux photovoltaïques, il apparaitrait judicieux que cette dernière appelle également en cause devant la même juridiction, et au titre tant du principe de concentration des moyens que du principe d’indivisibilité des deux contrats, l’établissement bancaire qui va de pair.

Le contrat principal étant de prés de 26 000,00 € il apparaît naturel de saisir le tribunal de Grande Instance et d’y attraire l’établissement bancaire,

Toutefois, l’établissement bancaire pourrait soulever un problème d’incompétence en soutenant qu’aux termes des dispositions de l’article L 311-52 du Code de la Consommation, le tribunal d’instance a une compétence exclusive pour trancher les litiges relatifs aux crédits à la consommation.

L’article L 311-3, deuxième, du Code de la Consommation, excluant cette compétence d’ordre public dans l’hypothèse d’opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200,00 € ou supérieur à 75 000,00 €.

Ainsi, l’article 221-33 du Code de l’organisation judiciaire attribue compétence au tribunal d’instance pour toutes les actions relatives à l’application du Chapitre Premier, du Titre I, du Livre III du Code de la Consommation.

Le tribunal d’instance est donc légalement seul compétent pour trancher les litiges relatifs au crédit à la consommation et cette compétence est d’ordre public.

Aussi, au regard du principe global de l’administration de la justice, une opération commerciale unique qui constituée des deux contrats en cause, il apparaitrait nécessaire de ne pas analyser les deux contrats séparément, d’autant plus qu’ils sont réputés indivisibles, de telle sorte que ce serait finalement le tribunal d’instance qui serait compétent sur ces deux crédits.

Ainsi, la jurisprudence fait application de ces règles, notamment un arrêt de la Cour d’Appel de Paris, du 24 aôut 2013, qui précise que le sort du contrat de prêt étant nécessairement lié à la validité du contrat de vente, dont la régularité est contestée, tout litige né de l’interdépendance du contrat principal de vente et du crédit à la consommation, entre donc dans le champ de compétence exclusive du tribunal d’instance.

D’autres décisions vont également dans ce sens,

Notamment une décision de décembre 2014, rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris, qui s’est déclaré compétent au profit du tribunal d’instance, en ces termes : 

« Selon l’article L 311-52 du Code de la consommation, le tribunal d’instance est seul compétent pour connaître des litiges afférents au crédit à la consommation.

Le montant du crédit accordé à la banque à Monsieur D. est de 25 500,00 € et il est un crédit soumis aux dispositions relatives au crédit à la consommation.

Il ressort de l’article L 311-1, alinéa 9, du Code de la consommation, que le contrat de crédit affecté, servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers, constitue avec le contrat principal une opération commerciale unique, laquelle est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit, ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés.

En l’espèce, le contrat principal signé par Monsieur D. et le crédit de consommation consenti par la banque S. forment une opération commerciale unique, ces deux contrats étant interdépendants.

S’agissant d’un contrat affecté, constituant avec le contrat principal une opération commerciale unique, le tribunal d’instance est donc seul compétent pour l’ensemble du litige ».

A bien y comprendre, l’établissement bancaire serait bien fondé à soulever une exception d’incompétence d’une action qui serait engagée devant le tribunal de grande instance au profit du tribunal d’instance.

Dans une autre décision, le Juge de la Mise en état du Tribunal de Grande Instance de Lyon a également tranché en faveur de la compétence du tribunal d’instance, et ce, au visa des dispositions des articles L 311-52, L 311-3, Deuxième, et L 311-17 du Code de la consommation,

« Attendu que dans un souci de bonne administration de la Justice, l’examen des demandes d’annulation du contrat principal et du crédit affecté, ne peut être jugé par des juridictions différentes,

Attendu que la compétence du tribunal d’instance s’impose au regard de la compétence exclusive d’ordre public dont il dispose,

Attendu qu’au regard du domicile de l’une des parties, la banque ayant son siège social à Lyon, il y a lieu de déclarer le Tribunal de Grande Instance de Lyon incompétent au profit du Tribunal d’Instance de Lyon. »

La jurisprudence est également confortée par la doctrine qui abonde en ce sens,

Ainsi, plusieurs auteurs ont considéré que relève de la compétence du tribunal d’instance aussi bien le contentieux relatif à la formation ou à l’exécution du contrat principal que le contentieux relatif au contrat de prêt lié au contrat principal.

« On peut justifier cette exclusion de compétence par l’unicité de l’opération de crédit. On ne voit pas pourquoi il faudrait « dépecer » l’opération en deux contrats pour donner compétence à des juridictions différentes, alors que le contrat de crédit à la consommation forme un tout. »

Un autre auteur précise quant à lui que « le but du législateur a été de créer un bloc de compétences. Il serait gênant que le contentieux du crédit à la consommation soit partagé entre les tribunaux d’instance et de grande instance. Préférence a été donnée aux tribunaux d’instance dans lesquels la procédure est plus rapide et moins coûteuse. Ils tendent ainsi à devenir les juges naturels des litiges de consommation. ».

Dès lors, il y aurait donc lieu de considérer que le tribunal d’instance serait compétent sur la base d’une opération commerciale unique, puisque le contrat principal et le crédit affecté forment, selon les termes de la Loi, une opération commerciale unique, comme justement le rappellent les dispositions de l’article L 311-1, alinéa 9, du Code de la consommation, qui conduiraient à ce moment-là à donner compétence au tribunal d’instance pour juger de la validité des deux contrats, contrat principal et crédit affecté.

En décembre 2015, la Cour de Cassation retient que viole le texte susvisé la Cour d’Appel qui retient que le texte ne dit pas que seul le tribunal saisi de la contestation sur l’exécution du contrat principal a le pouvoir de suspendre l’exécution du contrat de crédit affecté.

A bien y comprendre, seul le tribunal d’instance serait compétent pour trancher tout litige lié à un prêt à la consommation, qu’importe l’objet et le montant du litige du contrat principal et la compétence juridictionnelle qui pourrait en découler,

Pour autant, il résulte de l’article L 311-30 du Code de la consommation que la suspension de l’exécution du contrat de crédit affecté est décidée, s’il y a lieu, par le tribunal saisi de la contestation sur l’exécution du contrat principal, le prêteur intervenant à l’instance ou étant mis en cause par le vendeur ou l’emprunteur.

Dès lors, il y a lieu de se demander si cette demande de suspension de l’exécution du contrat de crédit a vocation a être exclusivement envisagé devant le tribunal d’instance, ou si cette demande peut également être formulée devant la première juridiction saisie, voire même devant le juge de la mise en état qui viendrait justement trancher la question de la compétence du tribunal d’instance,

La Cour de cassation semble désormais préciser que seul le tribunal d’instance serait compétent pour en connaître, et considère que viole en conséquence ces dispositions la Cour d’Appel qui accueille une demande de suspension ou d’exécution d’un contrat de crédit affecté en retenant que l’article précité ne prévoit pas que seule le tribunal saisi de la contestation sur l’exécution du contrat principal a le pouvoir de suspendre l’exécution du contrat de crédit affecté.

Dès lors, le tribunal d’instance devient de plus en plus le juge du crédit à la consommation, fut ce t’il affecté à un contrat principal qui serait, s’il était analysé seul, abordé devant le Tribunal de grande instance,

L’effet attractif du droit de la consommation et de la compétence de son juge naturel, le tribunal d’instance semble de prime abord satisfaisant,

Pour autant, dans l’hypothèse d’une action en référé aux fins d’expertise au contradictoire de l’entreprise de pose de photovoltaïque et de sa compagnie d’assurance  au titre de désordres et d’infiltrations d’eau qui s’ajoutent malheureusement à la demande de nullité du contrat, et ce, au contradictoire de l’établissement bancaire,

En présence d’un contentieux long et difficile pour le consommateur et particulier, et alors même que le juge de l’expertise demeure le juge des référés du tribunal de grande instance, la question de la suspension de l’exécution du contrat de prêt affecté à l’installation litigieuse pet se poser,

Pour autant, le contentieux devrait il être dissocié et générer une action complémentaire devant le Tribunal d’instance,

Ou inversement peux t’on imaginer laisser cette compétence au tribunal de grande instance et à son juge des référés lorsque cela s’impose,

Ainsi, cette jurisprudence de décembre 2015 semble amener à plus de questions que de réponses,

A charge pour le juriste et praticien de faire œuvre sinon d’imagination, à tout le moins de construction juridique et judiciaire, et ce, toujours dans un but éclairé, celui de la défense du consommateur,

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