Un débiteur voyant sa résidence secondaire faire l’objet d’une procédure de saisie immobilière souhaite protéger son bien en se plaçant sous la protection d’une procédure de surendettement. Est-ce possible ? est-ce efficace ? Surtout lorsqu’une première procédure de surendettement a déjà été octroyée au débiteur.
Article :
Il convient de s’intéresser, une fois n’est pas coutume, à un jugement qui a été rendu par le Tribunal de proximité de Lagny sur Marne dans le département de Seine-Et-Marne ce 13 septembre 2024, jugement N°1472 dans lequel une personne en saisie immobilière voulait se protéger à travers les dispositions pourtant très protectrices du Droit du surendettement.
Quels sont les faits ?
En effet, Monsieur B faisait l’objet d’une saisie immobilière pour un solde de crédit immobilier que ce dernier avait tenté de renégocier suite à la déchéance du terme qui a été prononcée par la banque et pour laquelle, malgré de nombreuses tentatives de résolution du litige, ce dernier s’était retrouvé acculé en saisie immobilière.
Il importe de préciser que ce bien n’était pas sa résidence principale mais sa résidence secondaire, ce qui est quand même important car tout laisse à penser qu’effectivement cela a impacté l’approche du Juge de proximité dans cette affaire.
Dans cette affaire, ce dernier acculé à une saisie immobilière inévitable avait pris soin de saisir la commission de surendettement de sa résidence principale en saisissant la commission de surendettement de Seine-Et-Marne.
Une saisine de la commission de surendettement pour stopper la saisie immobilière
Pour autant, le 21 décembre 2023, la commission de surendettement de Seine-Et-Marne avait déclaré irrecevable la demande présentée par Monsieur B aux fins de bénéficier des dispositions légales propre au traitement des surendettements des particuliers au motif suivant :
- Absence de surendettement lié à un endettement personnel.
La commission constate que l’actif des époux B constitue une résidence secondaire dans le Sud estimée à 490 000.00 € et supérieur à leur passif d’un montant de 136 115.00 €.
Dès lors, la commission de surendettement précisant que les débiteurs ont la possibilité d’obtenir un délai de grâce conformément aux articles L 314-20 du Code de la consommation et de l’article 1343-5 du Code civil auprès du Tribunal judiciaire.
De telle sorte que ces derniers ont déclaré irrecevable le surendettement.
Une demande de surendettement jugée irrecevable par la commission
La décision d’irrecevabilité a été notifiée aux consorts B qui ont effectivement contesté cette mesure pour amener l’affaire devant le Juge de proximité de Lagny-Sur-Marne en Seine-Et-Marne.
Le recours du débiteur contre la décision d’irrecevabilité de la commission
En effet, dans le cadre de leur recours et dans la contestation de la décision de rejet de la commission de surendettement, ces derniers faisaient valoir que le bien immobilier estimé à 490 000.00 € était une résidence secondaire et qu’ils avaient justement sollicité la commission de surendettement aux fins de bénéficier des dispositions de la consommation leur permettant d’obtenir un délai de grâce plus long pour procéder à la réalisation de l’actif afin de désintéresser entièrement la créance.
Il rappelle que le délai de grâce sollicité n’est pas octroyé par le Juge de l’orientation qui, par nature, refuse en matière de saisie immobilière des délais pour pouvoir procéder à la réalisation des actifs.
Une demande de délai de grâce sollicité par le débiteur pour pouvoir bien vendre le bien
Il précise qu’une vente à vil prix serait défavorable tant aux droits du créancier qu’à ceux du débiteur et indique que le bien immobilier acquis à titre de résidence secondaire est l’effort et le sacrifice d’une vie entière de travail et que le droit du surendettement concerne également des débiteurs propriétaires en difficulté financière.
Des délais de grâce compatible avec la préservation des intérêts des créanciers
Ces derniers mettent en avant, par le truchement de leur conseil, leur bonne foi pour pouvoir bénéficier de la procédure de surendettement afin de bénéficier d’un premier palier d’une seule durée de deux ans ce qui, en soit, n’était pas attentatoire aux droits du créancier puisque, immanquablement, ces derniers étaient garantis par un commandement de payer valant saisie immobilière qui avait été publié à la conservation des hypothèques et que, dès lors, le créancier ne perdait rien à permettre au débiteur de vendre dans de bonnes conditions, voir, de se faire racheter la créance par un membre de sa famille.
Lors de cette audience, ces derniers représentés par mon cabinet ont exposé être retraités et propriétaires d’un bien immobilier sur la région Parisienne mais également d’une résidence secondaire située sur la commune de Fayence dans le Var avec une procédure de saisie immobilière sans octroi de délai de grâce, jugement ayant fait l’objet d’un recours et dont la décision devait être rendue par la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 26 octobre 2024.
Ces derniers précisant que le calendrier de remboursement de la dette déchue ne se présentait pas bien car ils indiquaient que leur fille devait vendre un bien immobilier personnel à Villepinte pour lequel un compromis avait été signé afin de solder la dette de ses parents.
Ils sollicitaient, par la même, la recevabilité de leur dossier de surendettement afin d’obtenir un moratoire d’une durée de vingt-quatre mois.
Une procédure de surendettement pour obtenir un moratoire de vingt-quatre mois
Dans le cadre de l’étude du dossier, il apparaissait également l’existence de deux sociétés civiles immobilières qui étaient des coquilles vides sans actif qui n’avaient pas été radiées, faute pour ces derniers d’avoir pris en charge le coût des opérations de radiation et de liquidation desdites SCI en question.
Il importe également de rappeler que, à cette audience, aucun des créanciers n’avaient comparu, certains d’entre eux ayant fait parvenir un courrier faisant état de leur créance et de ce que ces derniers s’en remettaient à la décision du Tribunal.
Ce qui n’est quand même, dans certains cas, pas rien.
C’est dans ces circonstances que la Présidente du Tribunal de proximité statuant en Droit du surendettement de Lagny-Sur-Marne s’est posé deux séries d’interrogations.
La première, sur la recevabilité de la contestation.
La deuxième, sur le bien-fondé de la contestation.
La recevabilité de la contestation de la décision de la commission par le débiteur saisi
Sur la recevabilité de la contestation, elle rappelle que l’article R 722-1 du Code de la consommation dispose que la commission examine la recevabilité de la demande et se prononce par une décision motivée.
La décision de recevabilité est notifiée au débiteur, aux créanciers, aux établissements de paiements et aux établissements de crédits teneurs de compte du déposant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La décision d’irrecevabilité est notifiée au seul débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La lettre de notification indique que la décision peut faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours à compter de sa notification par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la commission.
Elle précise que cette déclaration indique les nom, prénom et adresse de son auteur, la décision attaquée ainsi que les motifs du recours.
Elle est signée par ce dernier.
La Présidente du Tribunal de proximité constatant que le recours a été exercé dans les formes et délais prescrits par l’article R 722-1 du Code de la consommation, de telle sorte que le recours des consorts B était recevable.
Sur le bienfondé de la contestation, il convient de rappeler que l’article L 711-1 du Code de la consommation précise que le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.
Le bienfondé de la contestation du débiteur saisi
La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes professionnelles et non-professionnelles exigibles et à échoir.
Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non-professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.
Dans le cadre d’une procédure de surendettement, la bonne foi du débiteur est présumée, il appartient à celui qui se prévaut de leur mauvaise foi de démontrer celle-ci.
La bonne ou mauvaise foi doit s’apprécier compte-tenu des circonstances de la cause et en fonction du comportement du débiteur au moment du dépôt de sa demande mais aussi à la date des faits qui sont à l’origine du surendettement et pendant le processus de formation de la situation de surendettement.
Il résulte des articles précités que, si la mauvaise foi du débiteur peut résulter de la volonté systématique affichée de recours au crédit pour réaliser des dépenses somptueuses et à mener un train de vie distendu, elle n’en saurait pour autant résulter de la seule aggravation de l’endettement pour faire face à des difficultés persistantes ou encore des choix inadéquats ayant conduit le débiteur à s’inscrire dans une spirale de surendettement.
En l’espèce, la Juge retient qu’il apparait que la commission de surendettement a considéré que la situation des époux B ne comportait pas d’endettement personnel relevant du surendettement et que ces derniers étaient en mesure d’obtenir des délais de grâce par l’intermédiaire d’une requête aux fins de suspension des échéances de leur crédit immobilier par le Juge des contentieux et de la protection du Tribunal judiciaire prévu par les dispositions du Code de la consommation sans viser expressément des délais auprès du Juge de l’exécution.
Une absence d’endettement personnel du débiteur saisi
Or, il résulte des pièces versées au débat que les époux B avaient déjà saisi la commission de surendettement des particuliers du Var en date du 19 décembre 2016 avec recevabilité du dossier le 25 janvier 2017 et ont obtenu le bénéfice d’un précédent moratoire d’une durée de vingt-quatre mois par décision du 23 août 2017 de la commission de surendettement ayant préconisé la suspension de l’exigibilité des créances pendant une durée de vingt-quatre mois aux fins de procéder à la vente des biens immobiliers du couple, soit, une maison en région Parisienne, un appartement à Fréjus et un terrain avec une construction.
Néanmoins, les époux B avaient à l’époque contesté ces mesures en formulant également une demande de vérification des créances et c’est dans ces circonstances que par jugement du 18 février 2019 le Tribunal d’Instance de Fréjus en son temps avait prononcé la déchéance des époux B du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers du fait de l’absence de respect des préconisations de la commission relative à la mise en vente des biens immobiliers, de l’absence de production de l’acte de propriété de leur terrain et de l’absence de production par le débiteur des documents relatifs à son statut de gérant d’une SCI à Aulnay-Sous-Bois découvert par l’un de ses créanciers.
Sur recours des époux B, et par arrêt du 12 janvier 2021, la Cour d’appel d’Aix en Provence avait décidé de confirmer le jugement de Première Instance sur la déchéance uniquement à l’encontre de Monsieur B au bénéfice de la procédure de surendettement du fait de sa dissimulation ou tentative de dissimulation d’une partie de ses biens, sanction personnelle du fait de sa qualité d’associé de gérant de SCI, et avait renvoyé Madame B, son épouse, devant la commission de surendettement des particuliers du Var pour l’élaboration d’une nouvelle mesure, cette dernière n’ayant pas à encourir des mesures de déchéance au même titre que son conjoint du fait qu’elle n’avait pas la qualité d’associé dans lesdites SCI susvisées et que la sanction personnelle de déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement ne peut frapper que le débiteur auteur des fausses déclarations, des actes de détournement ou de dissimulations prévus à l’article L 761-1 du Code de la consommation sans pouvoir s’étendre automatiquement en présence d’un couple au conjoint dans le cadre d’une demande conjointe.
Procédure de surendettement sur surendettement ne vaut ?
Le Juge souligne encore qu’il ressort de l’ensemble des éléments produits par les époux B qu’ils bénéficient en pratique de délais depuis 2016 pour finaliser la vente de leur bien immobilier et que ces derniers ont saisi d’un nouveau dossier de surendettement la commission de surendettement de Seine-Et-Marne qui a été déclaré irrecevable par la commission pour absence de surendettement au regard de leur patrimoine immobilier avec contestation de la décision aux seules fins d’obtenir un moratoire de vingt-quatre mois pour mettre en vente leur bien immobilier à Fayence alors que, dès 2017, un délai moratoire de vingt-quatre mois avait déjà été accepté par la commission du Var pourtant contesté par les débiteurs.
Le Tribunal relève que les époux B sont dans la même situation depuis 2016 et que ces derniers tentent encore d’obtenir des délais moratoires qu’ils indiquent ne pas pouvoir obtenir devant le Juge de l’exécution dont la décision ordonnant la vente forcée de leur bien immobilier à Fayence a fait l’objet d’un recours en cours de traitement par la Cour d’appel à ce jour.
C’est dans ces circonstances que le Tribunal constate que Monsieur B a été déclaré irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement par un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 12 janvier 2021, ce qui ne la pas empêché de déposer un nouveau dossier de surendettement conjointement avec son épouse pour solliciter un nouvel examen d’une situation exactement similaire auprès de la commission de Seine-Et-Marne, redevenu leur domicile principal et qu’ils ne souhaitent plus vendre contrairement à ce qui avait été indiqué dans leur procédure de surendettement Varoise.
Un moratoire demandé par le débiteur afin d’obtenir des fonds de membre de la famille
Sur les arguments relatifs à l’obtention de délais du fait de solde du prêt de leur résidence secondaire à Fayence par leur fille, le Tribunal observe que le mandat de vente signé par la fille B sur son bien immobilier propre sis sur la commune de Villepinte ne fait pas parti du patrimoine du débiteur daté d’il y a plus d’un an sans vente effective à ce jour et surtout, que la valeur de ce bien immobilier retenue dans le mandat de vente confié pour 260 000.00 € semble avoir été artificiellement gonflée, les débiteurs produisant un nouvel avis de valeur récent de ce bien réévalué entre 130 et 140 000.00 € par l’agence X datant du 13 juin 2024 alors que, dans le cadre de la procédure Varoise, ils avaient déjà produit un avis de valeur estimé entre 150 et 176 000.00 € sur le même bien appartenant à leur fille sur la commune de Villepinte effectué par une agence Y le 27 juin 2020, soit, il y a plus de quatre ans.
Ainsi, le Tribunal de proximité précise que, même si la Loi rappelle que le débiteur propriétaire de la résidence principale dont la valeur estimée est égale ou supérieure au montant de l’ensemble de leurs dettes peuvent relever d’une situation de surendettement, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce les débiteurs sont aussi propriétaires d’une résidence secondaire à Fayence dont la vente forcée est sollicitée par le créancier, qu’il apparait que la vente de ce bien permettrait de désintéresser l’ensemble des créanciers.
Une saisie immobilière de la résidence secondaire nécessaire pour désintéresser les créanciers ?
Les époux B n’ayant manifestement effectué aucune véritable démarche depuis huit ans pour vendre un de leurs biens immobiliers et continuent d’affirmer depuis quatre ans que leur fille va procéder au remboursement des créances dues par la vente de son logement personnel en région Parisienne alors que le bien a été évalué récemment pour un montant de prix de vente entre 130 et 140 000.00 €, ce qui ne couvre pas le montant des créances dues par le couple B d’un montant de 236 515.00 €.
Dès lors, s’ils réitèrent leur demande de délais alors que le bénéfice d’un moratoire dans l’attente de la vente d’un bien immobilier en procédure de surendettement n’a, en principe, vocation qu’à éviter une procédure de redressement personnel avec liquidation judiciaire du bien immobilier afin de favoriser la vente amiable du bien immobilier à un meilleur prix alors que le débiteur ne justifie depuis plusieurs années d’aucune démarche sérieuse tendant à la mise en vente d’un bien immobilier de leur actif propre afin de rembourser leur créancier.
C’est dans ces circonstances que le Tribunal de proximité de Lagny-Sur-Marne conclut que la présomption de bonne foi des époux B est en conséquence renversée et que ces derniers ne peuvent être considérés en état de surendettement dans le cadre de l’importance de leur patrimoine immobilier qui doit leur permettre de désintéresser leurs créanciers.
Le Tribunal les déclarant ainsi irrecevables à bénéficier de la procédure de surendettement.
Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.
Nonobstant le caractère décevant de la décision proprement dite, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre la stratégie du débiteur saisie qui tente le tout pour le tout pour empêcher la saisie immobilière de sa résidence secondaire.
Le droit du surendettement, bien utilisé offre de belles perspectives et peut bloquer la procédure de saisie immobilière à plus d’un titre.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,