Liquidation judiciaire et résiliation du bail commercial, quelle procédure ?

Publié le 22/07/2020 Vu 1 890 fois 0
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En cas de non-paiement des loyers et charges d’un local commercial postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire, le bailleur peut-il obtenir la résiliation du bail commercial et la restitution des clés ?

En cas de non-paiement des loyers et charges d’un local commercial postérieurs au prononcé de la liquidati

Liquidation judiciaire et résiliation du bail commercial, quelle procédure ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en octobre dernier et qui vient rappeler les conditions dans lesquelles le bailleur peut obtenir la restitution de son fonds de Commerce lorsque le preneur à bail a fait l’objet d’une procédure collective.

Dans cette jurisprudence, la Cour de Cassation a considéré qu’en application des articles L. 641-12, 3°, et R. 641-21, alinéa 2, du Code de Commerce, lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des condition spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du Code de Commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail. 

Cela mérite bien sur quelques explications. 

Revenons-en au fait, 

Dans cette affaire, en 2005 la SCI B avait donné en location à la société C des locaux destinés à l'exercice de son activité commerciale.

La société C avait été mise en liquidation judiciaire le 17 novembre 2016, Maître E étant désigné mandataire liquidateur.

Par ordonnance du 8 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société C.

Pour autant, et par requête en date du 21 mars 2017, la SCI B, bailleresse, a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire.

C’est dans ces circonstances que l'acte de cession du fonds de commerce, comprenant le droit au bail, avait été signé le 25 avril 2017, sous les doubles conditions que l'ordonnance du 8 mars 2017 ne soit pas infirmée et, surtout, du prononcé d'une décision définitive rejetant la demande de constatation de la résiliation du bail qui aurait forcément mis à néant la cession en question.

C’est dans ces circonstances que le juge-commissaire a, par ordonnance du 16 juin 2017, rejeté la requête tendant à la constatation de la résiliation du bail.

Il convient de rappeler que, selon l'article L. 641-12 du Code de Commerce, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire.

Ou bien, lorsque le bailleur fait constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire dans les conditions prévues aux troisièmes et cinquièmes alinéas de l'article L. 622-14 du même Code.

Deux hypothèses sont donc possibles. 

En effet, cet article précise que la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur, et utilisé pour l'activité de l'entreprise, intervient lorsque que le bailleur demande la résiliation ou lorsque le bailleur fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, 

Ce même texte précisant que le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Dès lors, si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.

Cette spécificité propre au droit de l’entreprise en difficulté est dérogatoire des dispositions de l’article L.145-41 du Code de Commerce qui rappelle que toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le juge saisi d'une demande de délais de grâce, peut en accordant des délais, suspendre la résiliation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

Or dans cette affaire, par requête du 21 mars 2017, la SCI bailleresse a sollicité du juge-commissaire la constatation de la résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture.

Dans le cadre de ce pourvoi, le mandataire liquidateur soutenait que les dispositions de l'article L 622-14 du Code de Commerce ne dérogeaient pas aux dispositions de l'article L 145-41 du même Code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement.

Le mandataire liquidateur entendait échapper à ses obligations alors qu’il engageait clairement sa responsabilité, en considérant qu’il pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L 145-41 et solliciter des délais de paiement, ainsi que la suspension des effets la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n’était pas constatée par une décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

Il considérait que la résolution de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges pendant plus de trois mois après le jugement d'ouverture n'était pas acquise tant qu'il n'y avait pas eu, en application de l'article L.145-41 du Code de Commerce, délivrance par acte d'huissier d'un commandement de payer au preneur.

Il rappelait que si des loyers avaient été impayés postérieurement au jugement d'ouverture du 17 novembre 2016, il résultait de l'ordonnance du 16 juin 2017 que, lors de l'audience du 27 avril 2017, le liquidateur judiciaire avait remis à l'avocat de la SCI bailleresse un chèque de 65.155,90 euros représentant le montant des loyers dus depuis l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, mais que ce chèque avait été refusé par la SCI.

Il considérait que la SCI B n’apportait pas la preuve de l'autonomie de la procédure de constat en droit des procédures collectives et qu’il était bien fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-41 et même solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'était pas constatée par une décision passée en force de chose jugée.

Pour autant, la Cour de Cassation ne partage pas son analyse.

Elle rappelle que le bailleur, qui agit devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d'une clause résolutoire, n'est pas dans l'obligation de délivrer le commandement exigé par l'article L. 145-41 du Code de Commerce et peut donc solliciter la résiliation du bail pour non-paiement des loyers.

Le mandataire judiciaire ne peut quant à lui ni solliciter des délais des paiements ni la suspension des effets de la clause résolutoire pour la simple et bonne raison qu’elle n’est pas évoquée par le bailleur.

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle rappelle la dualité existante entre l’action faire par le bailleur devant le juge commissaire et l’action faite par le bailleur devant le juge des référés.

La première étant en parfaite autonomie sans que le bailleur ait besoin de signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire alors que devant le juge des référés celui est obligé de le faire et de soutenir que la clause résolutoire est acquise avec les incidences procédures que cela peut avoir.

Cette jurisprudence rappelle les axes de procédures à choisir et il important de préciser que le bailleur a les moyens de se défendre et d’obtenir la résiliation du bail commercial et la restitution des clés en cas de non-paiement des loyers et charges postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire. 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

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