Procédure de surendettement et critère de bonne foi

Publié le 08/06/2015 Vu 2 701 fois 0
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Le critère de bonne foi du débiteur en surendettement doit-il s'entendre au jour de la demande de surendettement ou au jour ou la banque octroi son concours? entre bonne foi contractuelle et bonne foi procédurale,

Le critère de bonne foi du débiteur en surendettement doit-il s'entendre au jour de la demande de surendette

Procédure de surendettement et critère de bonne foi

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ce 27 janvier 2015, relatif à une procédure de surendettement et qui vient trancher la question spécifique de l’ouverture du droit au surendettement.

La cour d’appel avait vocation à s’exprimer sur un jugement qui avait été rendu par le Tribunal d’Instance de Draguignan en date du 5 septembre 2013, statuant en matière de surendettement, sur contestation de l’un des créanciers des consorts X, en ce que ce dernier créancier venait contester les mesures imposées et recommandées en octobre 2012 par la Commission de surendettement des particuliers du Var.

Cette commission de surendettement avait justement abordé le traitement de la situation de surendettement des consorts X.

Or, fort du recours manifesté par le créancier, ledit tribunal d’instance a prononcé l’irrecevabilité des consorts X au bénéfice de la procédure de traitement du surendettement faute de bonne foi, puisqu’il souligne notamment que les débiteurs avaient, en septembre 2010, lors de la souscription de l’emprunt, déclaré l’absence de crédit en cours alors qu’ils avaient déjà souscrit auprès d’autres établissements pas moins de sept prêts, représentatifs d’un montant total de mensualités de remboursement à hauteur de 1 449,00 €, ce qui, compte-tenu de leur importance ne pouvait pas résulter d’une simple erreur mais témoignait d’une volonté de dissimulation.

C’est dans ces circonstances que les consorts X ont frappé d’appel cette décision et la question qui pouvait se poser était de savoir comment devait être interprétée la notion de bonne et de mauvaise foi, critère déterminant pour l’accessibilité du débiteur au droit du surendettement des particuliers,

La première question qui se pose dans cette affaire est de savoir si, oui ou non, le juge du tribunal d’instance pouvait revenir sur la saisine de la commission de surendettement.

En outre, il est aussi de question de savoir à quel moment doit être interprétée la notion de bonne ou mauvaise foi.

Ainsi, doit-elle s’entendre au moment de la conclusion des prêts en question ou doit-elle s’entendre, aussi et surtout, au niveau de la saisine de la commission de surendettement ?

En effet, il ressort des circonstances de la cause que les consorts X ont été recevables à solliciter la Commission de surendettement des particuliers du Var, puisque celle-ci avait notamment rendu sa décision en ce sens.

Cette décision implique, durant la procédure et pour un mois maximum, que la demande soit recevable au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers, le dossier étant alors orienté vers un traitement amiable.

Ledit traitement amiable consiste à rechercher un réaménagement des dettes, avec une phase de négociation avec les créanciers.

Dès lors, dans la mesure où la Commission de surendettement des particuliers du Var avait considéré que la demande était recevable, il était loisible pour les consorts X de conclure que ladite demande satisfaisant aux dispositions des articles L 330-1 et suivants du Code de la Consommation, le juge de l’exécution ne pouvait revenir sur la première décision et exclure les consorts X du bénéfice du droit du surendettement.

Pour autant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ne partage pas cette analyse,

L’arrêt rendu amène à s’interroger sur la nature procédurale de la bonne foi, et les conditions de sa prise en considération.

En effet, lorsque les consorts X ont saisi la Commission de surendettement des particuliers du Var, ces derniers étaient bel et bien surendettés et ces derniers n’ont absolument pas cachés quelque information que ce soit sur leur situation financière  et n’ont ni fait preuve de quelque absence de bonne foi procédurale caractérisée tout au long de la procédure de surendettement.

Dès lors, le juge d’instance pouvait être malvenu à déclarer les consorts X irrecevables à saisir la commission de surendettement, dans la mesure où ces derniers avaient déjà été jugés recevables et qu’à ce stade, aucune mauvaise foi ne pouvait leur être reprochée.

Ceci d’autant plus que rien ne laissait à penser qu’au jour de la saisine de la commission de surendettement, ces derniers aient sciemment fait de fausses déclarations ou aient remis quelque document inexact.

Ils n’ont d’ailleurs pas plus détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou dissimuler, tout ou partie de leurs biens dans le cadre de ladite procédure de surendettement.

Ceux-ci avaient bien pris soin, tantôt devant la commission de surendettement, tantôt, par la suite, lorsque le contentieux a été engagé devant le tribunal d’instance, d’adresser une correspondance manuscrite dans laquelle ils expliquaient leur situation économique et les difficultés personnelles qu’ils avaient rencontrées.

Dès lors, en matière de procédure, il découlait, pour les consorts X que l’examen matériel de la recevabilité de l’instruction de leur demande se faisait devant la commission de surendettement des particuliers.

Ainsi, dans la mesure où cette dernière avait prononcé la recevabilité de la demande, notamment sur la question de la bonne foi, au titre de l’article L 331-3 du Code de la consommation, il apparaissait évident que le juge ne pouvait revenir, dans le cadre de sa décision, sur l’ouverture de la procédure de surendettement.

Par là-même, il ne pouvait déclarer les consorts X irrecevables au bénéfice de ladite procédure.

De plus, les consorts X tentent de remettre en question le recours admis par le créancier, au motif pris que celui-ci ne formalisait pas un recours, en tant que tel, contre la décision relative à l’ouverture de la procédure de surendettement des particuliers mais visait à contester les modalités de surendettement qui étaient proposées par ladite commission.

De telle sorte, qu’il n’était pas tant question de la recevabilité du droit du surendettement qui était contestée, mais bel et bien des modalités élaborées par la commission de surendettement au sein de ladite procédure, laquelle était déjà ouverte et, par là-même, acquise.

Du moins c’est ce que croyait bon penser les consorts X…

En effet, le juge ne retient pas cette approche et vient sanctionner une absence de bonne foi en rappelant que l’article L 332-2 du Code de la consommation prévoit en son alinéa IV, que le juge peut s’assurer que les débiteurs se trouvent bien dans la situation définie à l’article L 331-2 du même Code de la consommation, en vérifiant bien qu’ils sont débiteurs de bonne foi.

Par un tel raisonnement, le juge aurait toute compétence pour statuer sur la recevabilité du débiteur au droit du surendettement, cette discussion restant ouverte jusqu’à ce stade de la procédure de surendettement.

Dès lors, le juge peut vérifier tant la bonne foi et le comportement du débiteur, tant sur une analyse de bonne foi procédurale, au jour du dépôt du dossier de surendettement, que sur une analyse de bonne foi contractuelle au jour ou les engagements financiers litigieux sont octroyés.

La Cour rappelle et souligne que s’il est vrai que le créancier, à hauteur du recours, contestait les mesures et non pas spécifiquement la recevabilité, c’était expressément pour prétendre au bénéfice de la quotité saisissable afférente à des revenus mensuels de 2 649,00 €, soit d’un montant de 1 260,00 €, au lieu d’une mensualité de surendettement de 702,82 €,

Cette contestation des propositions de la Commission revenait pour le créancier à empêcher un effacement partiel de 43 790,20 €,

Ainsi, en contestant la quotité disponible des débiteurs et les propositions de remboursement trop faibles, in fine, le créancier se retrouve à soutenir l’irrecevabilité de la procédure de surendettement.

Dans pareil cas, le critère de la bonne foi redevient déterminant.

C’est dans ces circonstances que le créancier que la bonne foi contractuelle des débiteurs était loin d’être caractérisée

Effectivement, dans le cadre des documents intitulés renseignements complémentaires confidentiels, remplis à la machine, et donc par un opérateur du créancier, mais signés par les consorts X, il avait été fait état, pour cette nouvelle offre préalable de prêt personnel de 13 000,00 €, suivant une durée de soixante mois, d’une rubrique, dans laquelle était mentionnée « indications : votre crédit 0 ».

Or, sur la base d’analyse purement factuelle, la Cour considère qu’il était manifeste que cette réponse était fausse puisque c’était au total près de douze contrats de financement contractés entre mars 2009 et novembre 2011 qui sont énumérés, in fine, à l’état des créances, dont le montant total impayé atteignait les 114 000,00 €.

Par un tel exposé des faits, la Cour caractérise l’absence totale de bonne foi contractuelle, de telle sorte que le débiteur ne peut prétendre au bénéfice des dispositions du droit du surendettement.

Cette décision peut sembler un sévère car il convient de rappeler que les personnes en surendettement se retrouvent parfois acculées dans des situations de faillite et de renouvellement de prêt pour justement faire face au précédent.

Bien plus, c’est omettre aussi la légèreté suivant laquelle l’établissement financier octroi un énième concours sans procéder aux vérifications d’usage.

S’il est constant que l’établissement bancaire est assujetti à des obligations de conseil et de mise en garde, celui-ci est pareillement tenu à un minimum de devoir d’information, autrement appelé « devoir de curiosité », afin justement d’éviter pareil scénario dans lequel les consorts X ont cumulés pas moins de 12 crédits personnels et crédits consommation.

Pour autant, l’arrêt ne répond pas à la question spécifique de savoir quelles sont les alternatives qui s’offriraient aux consorts X, faute de procédure de surendettement.

Il est bien évident que ces derniers, en quasi-cessation des paiements ne peuvent faire face, en tant que tels, à la multiplicité des créances auxquelles ils doivent faire face.

Ne pouvoir bénéficier du droit du surendettement alors que le débiteur est immanquablement en faillite, faillite financière, faillite sociale, faillite humaine…, peut sembler paradoxal.

Fort heureusement, des palliatifs au droit du surendettement des particuliers existent.

Cet arrêt rappelant l’importance du critère de bonne foi doit inciter les différents acteurs à s’interroger sur ses obligations respectives.

A charge pour l’emprunteur de s’imposer un minimum de prudence,

A charge surtout pour l’établissement bancaire de respecter les obligations professionnelles qui sont les siennes, entre obligation de conseil, de mise en garde ou bien encore obligation de proportion ou obligation d’information…

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