Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix en Provence en ce mois de mai 2019 sur la tentative de nullité de la réitération d’une vente au titre de problématique urbanistique.
Dans cette affaire, l’agence immobilière I s’était vue confier par l’hoirie Q un mandat de vente portant sur une villa à usage d’habitation située sur la Côte d’Azur.
Ce bien résultait de la division d’une parcelle en deux lots.
Le premier dénommé lot A objet du mandat litigieux d’une superficie de 321 m2 et le second dénommé lot B objet d’un autre mandat de vente d’une superficie de 501m2.
Le 4 mars 2013, l’hoirie Q a signé une promesse de vente du lot A aux consorts L.
Cette promesse était conclue sous deux conditions suspensives, savoir l’obtention d’un prêt par les acquéreurs et l’obtention d’un permis de construire sur le lot B mitoyen par les futurs acquéreurs de celui-ci.
La réitération par acte authentique était fixée au 15 octobre 2013 et la rémunération de l’agence immobilière était fixée à la somme de 15 000 euros à la charge des acquéreurs.
Durant l’année 2013, le lot B avait été vendu à Monsieur C qui commençait ses travaux.
Parallèlement, les consorts L obtenaient le prêt nécessaire pour acquérir le lot A, financement versé entre les mains du notaire en charge de l’établissement de l’acte réitératif de vente.
C’est dans ces circonstances que le 26 juin 2014, le notaire convoquait les acquéreurs pour le 21 juillet 2014 à effet de procéder à la signature de l’acte de vente, date à laquelle un procès-verbal de carence avait été dressé en l’absence de comparution des consorts L.
C’est dans ces circonstances que le Juge de l'Exécution a autorisé la société I à procéder à la saisie conservatoire sur les fonds versés entre les mains du notaire de la somme de 16 000 euros au titre de sa commission.
La société I a fait assigner les consorts L en paiement de la somme de 12 000 euros au titre des honoraires de vente outre 6 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Les acquéreurs potentiels qui étaient de nationalité étrangère ont sollicité la nullité de la vente.
Ils estimaient avoir été trompé par le vendeur et l’agence immobilière sur deux points majeurs.
Tout d’abord si le lot B avait fait l’objet de l’octroi d’un permis de construire, les travaux engagés par Monsieur C empiétait largement sur leur terrain ce qui était une source d’inquiétude car, rappelons le, les deux lots étaient de petite surface.
De plus, les consorts L faisaient grief à l’agence immobilière de les avoir prévenus après la signature du compromis de vente et par simple appel téléphonique qu’ils devaient enlever la baie vitrée de la terrasse au motif que celle-ci ne serait pas aux normes urbanistiques.
L’ensemble de ces éléments avaient inquiétés les consorts L qui se sont alors rapprochés du notaire.
Ils sollicitaient la nullité de la vente au motif pris d’erreur et de dol ainsi que la caducité du compromis de vente au motif pris qu’il n’avait pas été réitéré dans les délais fixés dans ledit compromis.
Pour autant la Cour d'Appel ne partage pas son analyse et rend un arrêt un peu sévère à mon sens.
Elle rappelle que la vente était conclue sous des conditions suspensives d’obtention par les acquéreurs d’un prêt ainsi que de l’obtention d’un permis de construire selon les modalités suivantes « cette promesse est consentie expressément sous condition suspensive d’un permis de construire sur la parcelle B et provenant de la division d’une parcelle de terrain cadastrée section BE n°2259 d’une superficie de 758m2 purgé de tous recours qui devra respecter la réglementation de la zone et qui ne devra pas dépasser la surface plancher autorisée soit 90m2 «
La réitération de la vente était fixée au 15 octobre 2013.
Les consorts L concluent à la nullité de la promesse synallagmatique de vente en soutenant que leur consentement était vicié par erreur et par dol.
Il convient de rappeler que s’entend non seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée mais aussi de celle qui a trait à ses qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contractés.
Pour les consorts L l’erreur était constituée par les incertitudes techniques et juridiques relatives au permis de construire du lot B et aux surfaces urbanistiques du lot A de sorte qu’ils n’auraient pas contracté en présence d’un double risque de contentieux urbanistique.
La Cour d'Appel considère qu’ils ne démontrent l’existence d’un contentieux ou d’un risque de contentieux concernant le permis de construire afférent au lot B.
Elle précise qu’ils étaient parfaitement informés qu’un permis de construire devait être obtenu pour ce lot puisqu’il s’agissait d’une des conditions suspensives du compromis et qu’ils ne pouvaient ignorer que le lot qu’ils achetaient était issu d’une division parcellaire, la situation étant clairement exposée dans la promesse de vente.
La Cour d'Appel considère que les difficultés alléguées lors de la réalisation des travaux par le propriétaire du lot B consistant en un décaissement des terres sur une partie du lot pour permettre l’édification des fondations ne peuvent constituer un quelconque vice du consentement lequel s’apprécie au jour de la conclusion du contrat et non postérieurement.
Les consorts L indiquent devant la Cour d'Appel qu’ils ont été victimes de réticence dolosive puisqu’aux questions posées par leur conseil aucune réponse claire et précise n’a pas été apportée par les vendeurs, l’agent immobilier et le notaire faisant ainsi référence aux lettres de leur avocat aux différentes parties.
Là encore, la Cour brille par une certaine sévérité car elle considère que le dol ne peut être constitué par une absence de réponse du notaire et rejette la demande de nullité.
Par ailleurs, les consorts L sollicitaient la caducité du compromis de vente au motif que le délai prévu pour réitérer la vente n’a pas été respecté.
La Cour d'Appel retient que la date à laquelle la réitération de la vente doit intervenir n’est pas n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter.
En d’autres termes, l’expiration de la date de réitération de la vente ne saurait à elle seule fonder une demande de caducité à moins que le terme fixé pour la signature de l’acte authentique ne soit assorti de cette sanction.
En l’occurrence, la promesse litigieuse mentionne uniquement « date prévue pour la signature de l’acte authentique : 15 octobre 2013 » sans plus de précision de sorte que le dépassement de délai ne pourrait être sanctionné par la caducité de la promesse.
Pour autant, la Cour prononce la résolution de la promesse synallagmatique de vente de mars 2013 aux torts des consorts L et ordonne la restitution des fonds versés par la banque en vue de la réitération de la vente et séquestrée chez le notaire.
La Cour considère donc que la vente est parfaite constatée par la signature de la promesse synallagmatique du 4 mars 2013 et qu’il n’est pas contesté que les conditions suspensives ont toutes été levées.
Par ailleurs, dans la mesure où les parties n’ont pas fait de la réitération de l’acte authentique une des conditions de la validité de la vente, l’opération était effectivement conclue.
La Cour considère enfin que la non-réitération du compromis par acte authentique n’a pas d’incidence sur le paiement de la rémunération de l’agence immobilière sauf à ce que les parties aient expressément subordonnées cette rémunération à une telle condition.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,