Saisie immobilière et contestation du TEG et des décomptes de la banque

Publié le 06/07/2014 Vu 2 808 fois 0
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Nonobstant l’adage « erreur ne vaut pas compte », l’emprunteur est-il en mesure de contester la validité de la procédure de saisie immobilière alors que les décomptes et le TEG du prêt sont erronés?

Nonobstant l’adage « erreur ne vaut pas compte », l’emprunteur est-il en mesure de contester la validitÃ

Saisie immobilière et contestation du TEG et des décomptes de la banque

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation en date du 20 mars 2013 et qui est relatif à une procédure de saisie immobilière.

Les faits sont les suivants. Par acte authentique en date du 28 août 2004, un établissement bancaire avait consenti aux époux X un prêt immobilier d’un montant de 378 788,00 , remboursable en 300 mensualités, avec un Taux Effectif Global de 4,24943%.

Or, à la suite d’échéances impayées, la banque a notifié la déchéance du terme et a fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière, auquel les emprunteurs ont opposé la nullité du prêt, ainsi que le caractère erroné du taux d’intérêt.

Il convient de rappeler que la procédure de saisie immobilière est strictement encadrée par le décret du 27 juillet 2006.

Il convient de s’attarder un tant soit peu au contenu du commandement de payer valant saisie immobilière, lequel est fixé avec précision dans l’article 15 du décret du 27 juillet 2006, désormais codifié.

Cet article précise « outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte ».

Treize points sont évoqués et en point trois, il est prévu « le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus » ainsi que « l’indication du taux des intérêts moratoires ».

L’article finit en rappelant que « Les mentions prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité ». Toutefois la nullité n’est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier, suivant l’adage erreur ne vaut pas compte.

Une première lecture du texte laisse donc à penser que l’emprunteur ne pourrait entamer une discussion sur les montants présentés par la banque dans le commandement de payer. Cela est d’autant plus regrettable qu’il n’est pas rare de constater que les montas réclamés, parfois après plusieurs années de crédit en cours et après plusieurs années de paiements effectués scrupuleusement par l’emprunteur jusqu’au jour fatidique de l’incident de paiement, dépassent largement le montant initial emprunté

Ainsi, et de prime abord, l’emprunteur ne pourrait envisager une discussion juridique aux fins de nullité du commandement sur les décomptes présentés, qui sont d’ailleurs bien souvent contestables à bien des égards.

Mais, comme à chacun sait, « quand on aime, on ne compte pas » et, finalement ledit article vient justement rappeler in fine que les liens unissant l’établissement bancaire à l’emprunteur qui est désormais appelé débiteur, avec toute la connotation négative que cela peut supposer, sont suffisamment forts pour que la procédure demeure parfaitement valable alors même que la banque se tromperait dans ses décomptes, cette erreur n’étant pas une cause de nullité du commandement de payer.

Pour autant, il est tout aussi évident que l’emprunteur saisi ne peut faire l’économie de cette analyse et des moyens juridiques de contestations qui vont de pair. Car faute de contestations ces montants parfois erronés (à la hausse) seraient admis par le juge de l’orientation et l’établissement bancaire serait réglé sur cette base sur le prix de vente du bien immobilier, réduisant d’autant les chances déjà minces du débiteur de récupérer quelque boni que ce soit.

Fort heureusement, l’arrêt de la Cour de Cassation du 20 mars 2013 vient finalement malmener cette approche en retenant « qu’en statuant sans rechercher, comme elle y avait invitée, que la banque n’avait pas commis une faute en poursuivant le recouvrement forcé des sommes fixées en considération d’un Taux Effectif Global erroné et donc pour partie indu, la Cour d’Appel n’a pas légalement justifié sa décision ».

Le Taux Effectif Global et la clause de stipulation des intérêts, qui vont avec le prêt, sont extrêmement importants et extrêmement règlementés.

Il est d’ailleurs précisé aux termes de la Loi, que ceux-ci doivent être justes et cela se comprend d’autant plus que l’établissement bancaire est un professionnel de la finance et qu’il est finalement le seul à être en mesure de calculer avec précision le Taux Effectif Global du prêt.

Il est bien évident que ce n’est pas l’emprunteur, fût-il averti, qui serait en mesure de vérifier la véracité des calculs.

Il n’est pas rare de constater que les clauses et conditions générales des prêts en question ne brillent pas par une grande clarté et demeurent vagues et générales.

Il convient pourtant de revenir sur les textes du calcul du Taux Effectif Global puisque les modalités de calcul sont clairement définies par l’article L313-1 du Code de la consommation, comme suit :

Article L313-1

Modifié par Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 – art. 38 JORF 24 mars 2006

Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l’application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

En outre, pour les prêts qui font l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance.

Un décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions d’application du présent article.

Dès lors, il est patent que le tribunal ne peut se satisfaire de simples décomptes, sans mention du TEG et sans avoir une quelconque explication sur les modalités de calcul du TEG.

La jurisprudence est précise en la matière et impose, notamment, la prise en compte, par exemple des éléments suivants : le coût et les frais liés à la souscription de parts sociales, ou bien encore la constitution d’un fonds de garantie crée par une société de caution mutuelle.

Ainsi, dans cet arrêt, la Cour souligne qu’il y a une concomitance entre la souscription de parts sociales de la banque intimée, ainsi que la demande d’adhésion des deux emprunteurs à une assurance décès invalidité à 100%, lesquels n’étaient pas particulièrement intéressés en raison de son coût.

L’avis favorable de la banque à l’octroi du prêt établit que cette adhésion des deux emprunteurs à l’assurance est une exigence de l’établissement financier et non pas une simple faculté.

Par conséquent, la Cour considère que cette deuxième assurance au taux de 0,42% aurait dû être prise en compte dans la détermination du Taux Effectif Global, lequel, de ce fait, ne peut plus être de 4,24943%, tel que prévu dans l’acte, mais aurait dû être de 4,7131%, tel que le démontrent les époux X, en fournissant par ailleurs calculs et analyses actuariels.

La Cour considère qu’il y a bel et bien une indication erronée du Taux Effectif Global dans les actes susmentionnés, ce qui a pour principal effet d’entraîner, non la nullité du prêt, mais seulement la nullité de la clause de stipulation des intérêts du prêt, ainsi que la substitution du taux d’intérêt contractuel par le taux d’intérêt légal.

Ainsi, cette substitution est extrêmement importante, sur un terrain tant juridique qu’économique, car, dans la mesure où la substitution du taux d’intérêt contractuel par le taux d’intérêt légal se fait par annulation de clause, l’annulation de clause s’entend comme étant une suppression rétroactive au jour même de la signature de l’acte de ladite clause.

Par conséquent, les effets de cette annulation courent, non pas à compter de la décision de justice rendue, mais courent à compter de la signature de l’acte de prêt.

En règle générale, l’emprunteur s’efforce de rembourser en premier lieu les intérêts du prêt et, en second lieu, le capital, dont le remboursement ne représente somme toute qu’une somme modique dans la somme importante prélevée tous les mois par l’établissement bancaire, grevée par la charge des intérêts.

Ainsi, le re-calcul au taux légal a pour conséquence immédiate de modifier tout l’équilibre de ces intérêts extrêmement importants remboursés en premier lieu par l’emprunteur et tous ses paiements deviennent, par le fait de l’annulation, des paiements indus qui ont vocation à être, soit remboursés par la banque, soit ré-imputés sur le capital.

La Cour rappelle que la mention d’un T.E.G. inexact est sanctionnée par la substitution de l’intérêt au taux conventionnel par l’intérêt au taux légal fixé par la Loi.

Mais bien plus, la Cour de Cassation apporte une pierre nouvelle à l’édifice ô combien technique de la procédure de saisie immobilière, en venant préciser que le juge ne peut dénaturer les termes du litige et doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Ainsi, la Cour précise que le contrat de prêt doit être conclu et exécuté de bonne foi par la banque, qu’en l’espèce, elle constate que les montants réclamés par la banque sont erronés, ne respectent pas le T.E.G. contractuel.

Elle vient également sanctionner la banque en faisant finalement droit à la demande de dommages et intérêts des consorts X, alors que la Cour d’appel les avait débouté au prétexte qu’ils ne sauraient reprocher à la banque d’avoir diligenté une procédure pour recouvrer des sommes impayés.

La Cour d’appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée par les consorts X, si la banque n’avait pas commis des fautes, en refusant de rectifier le montant de ces prélèvements établis, sur des bases qu’elle savait mathématiquement et juridiquement fausses.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs que s’il est vrai qu’aux termes de l’article 3-4 de la loi du 9 juillet 1991, seule les actes notariés revêtus de la forme exécutoire constituent des titres exécutoires, il n’en demeure pas moins que les poursuites de saisie immobilière ne peuvent se fonder sur un titre, fût-il notarié, s’il ne contient pas des éléments permettant l’évaluation certaine de la créance, de sorte que sa liquidité fait défaut.

La Cour de Cassation est finalement rassurante en ce qu’elle vient sanctionner la Cour d’Appel, qui relève elle-même que l’acte notarié prévoyait des mentions non conformes au Taux Effectif Global contractuel convenu, et qui lui a substitué un autre décompte.

La Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel ne pouvait juger qu’il y avait lieu de procéder à la vente forcée de l’immeuble, sur la foi d’un titre dont les mentions ne permettaient pas de constater une créance liquide.

Est-il besoin de rappeler que l’établissement bancaire est le professionnel de la finance qui a la logistique, les moyens humains, techniques et mathématiques pour présenter des prêts parfaitement justes.

Cette justesse dans la détermination de l’ensemble des frais et intérêts du prêt sert également à mettre en concurrence les différents établissements bancaires les uns avec les autres.

Ainsi, l’emprunteur doit pouvoir vérifier la véracité des frais et intérêts du concours bancaires, tant au moment de l’obtention du prêt qu’au jour où les difficultés économiques et les impayés provoquent la déchéance du terme du prêt en question.

Pareillement, l’établissement bancaire doit également changer ses habitudes et se doit, en toute bonne foi, de répondre aux questions légitimes de l’emprunteur, tout comme de la juridiction saisie.

Dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, l’emprunteur saisi est également en droit de demander des comptes à l’établissement bancaire tantôt pour contester la procédure de saisie immobilière proprement dit, tantôt pour réduire comme peau de chagrin la créance litigieuse et empêcher que l’établissement bancaire n’appréhende l’intégralité du prix de vente du bien.

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