Saisie immobilière et dessaisissement du débiteur saisi

Publié le 01/07/2014 Vu 3 196 fois 0
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Le débiteur en liquidateur dessaisi de ses droits peut il faire obstacle à la saisie de son bien immobilier? Dans la négative, le mandataire liquidateur peut il être à la fois le représentant des créanciers et celui du débiteur?

Le débiteur en liquidateur dessaisi de ses droits peut il faire obstacle à la saisie de son bien immobilier?

Saisie immobilière et dessaisissement du débiteur saisi

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu le 18 janvier 2011 par la Chambre Commerciale de la Cour de cassation sous le numéro 09-72961, qui vient aborder la question du dessaisissement du débiteur dans le cas d’une procédure de saisie immobilière.

En effet, cet arrêt consacre le principe selon lequel si le débiteur est dessaisi de ses droits et actions par les faits du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire, il demeure en droit d’exercer un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la vente aux enchères publiques d’un immeuble lui appartenant.

Toutefois, il est cependant irrecevable à former un incident de saisie immobilière.

Dans cette affaire, les époux X avaient été mis en liquidation judiciaire par des jugements respectivement de décembre 94 et de mars 1997.

Et, peu de temps après, le juge-commissaire, en charge de cette procédure collective, a autorisé la vente aux enchères publiques d’un immeuble leur appartenant.

Les consorts X, souhaitant manifester quelque opposition et quelque argumentation en droit et en fait lors de l’audience d’orientation, ont soulevé un incident de saisie qui a été rejeté par un jugement du 31 octobre 2007.

Les époux X ont frappé d’appel cette décision et la Cour d’appel a dit que leur appel était irrecevable.

C’est dans ces circonstances qu’ils ont saisi la Cour de cassation.

Ces derniers soutiennent que le débiteur, en liquidation judiciaire, peut toujours exercer seul une action pourvu qu’il le fasse contre le liquidateur judiciaire ou en sa présence de telle sorte qu’il est effectivement en droit de faire un incident et de se défendre devant le Juge de l’orientation.

La Cour de cassation considère qu’il résulte de l’article L622-9 du Code du Commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises que, si le débiteur, dessaisi de ses droits et actions par l’effet du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire, peut exercer un recours contre l’ordonnance du Juge-commissaire et autoriser la vente aux enchères publiques de l’immeuble lui appartenant, il est par contre irrecevable à former un incident de saisie immobilière.

Il est en effet regrettable que le débiteur, qui jouit pourtant d’un certain nombre de droits propres ne puisse se défendre devant le Juge de l’orientation.

Il est vrai que le jugement de liquidation judiciaire entraîne un dessaisissement du débiteur par le simple effet légal du jugement de liquidation judiciaire.

C’est ce que rappelle l’article L641-9 nouveau du code du commerce.

Ainsi, le débiteur en liquidation judiciaire ne peut plus administrer ou disposer de ses biens, ses droits et actions sont exercés par le liquidateur.

On maintient le liquidateur pendant toute la durée de la procédure de liquidation judiciaire.

Toutefois, et fort heureusement, ce dernier conserve des droits propres, c’est-à-dire la possibilité d’exercer un certain nombre de prérogatives, étant entendu que ces prérogatives sont des prérogatives d’ordre juridique et judiciaire.

La jurisprudence a consacré le fait que le débiteur conserve l’exercice de droit strictement attaché à sa personne telle que la constitution de partie civile, l’action en réparation et atteinte à la réputation suite à une publication d’article, la représentation d’une société, l’exercice d’une activité salariée

A cela, s’ajoute également les droits propres du débiteur qui sont également exclus du dessaisissement.

Ses droits propres permettent au débiteur de se manifester au cours de la procédure, soit parce que la loi le lui permet, soit parce que la jurisprudence l’y autorise et cela est important car il convient de ne pas omettre que, si le débiteur est dessaisi, il n’est pas décédé et il est tout à fait en droit de s’exprimer pour faire valoir ses droits dans telle ou telle procédure si cela lui apparaît nécessaire, sans avoir forcément à avoir besoin de tancer ou de convaincre le mandataire liquidateur, lequel est classiquement essentiellement préoccupé par l’intérêt collectif des créanciers, étant ainsi animé par la prise de décision sur la seule considération patrimoniale.

Ainsi, échappe au dessaisissement toutes les actions réservées au débiteur notamment les droits de recours offerts par la loi au débiteur en lui-même.

Or, dans cette affaire, le Juge-commissaire avait autorisé la vente aux enchères publiques de l’immeuble appartenant au débiteur et, effectivement, cette ordonnance est susceptible d’un recours du débiteur au titre de ses droits propres comme le rappelle l’article L661-5 du Code du commerce.

En effet, ce dernier a la possibilité de frapper d’appel l’ordonnance du Juge-commissaire comme le rappelle l’article L642-19-1 et l’article L642-37-1 et 3 du Code du commerce permettant ainsi au débiteur dessaisi de ne pas avoir son bien vendu aux enchères et de par là même se défendre dans le cadre de la procédure collective.

C’est d’ailleurs ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt en ce qu’effectivement, le débiteur, s’il est vrai qu’il est dessaisi de ses droits et actions par l’effet du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, peut cependant exercer un recours contre l’ordonnance du Juge-commissaire et autoriser la vente aux enchères publiques d’un immeuble lui appartenant.

Toutefois, cette règle n’est malheureusement pas absolue et générale et il est regrettable de constater que la Cour de cassation considère que le débiteur n’a pas de droit propre à exercer un recours dans le cadre d’une autre procédure que celle de la liquidation judiciaire.

C’est dans ces circonstances qu’il est déclaré que le débiteur est déclaré irrecevable à former un incident de saisie immobilière et par là même, il ne peut donc pas conclure en défense dans le cas d’une audience d’orientation, ni même de faire d’incident lors d’une audience de criée.

Il est vrai que cette solution n’est pas nouvelle, pour avoir été actée à bien des égards par la jurisprudence, notamment en Cour de cassation, Chambre commerciale 2 avril 1996
n° 93-10.453.

La jurisprudence rappelle également qu’il y a ce dessaisissement, vaut également en matière de saisie immobilière de telle sorte que le débiteur ne peut absolument pas élever de contestation contre saisie-attribution comme le rappelle la jurisprudence, Cass com, 19 janvier 99 n°96-256.

Bien plus, il ne peut pas non plus demander la main levée d’une saisie-vente, Cass. Com., 1er octobre 2002, acte proc.coll.2002 commentaire 261.

Ainsi, en raison du dessaisissement qui frappe le débiteur, le seul incident qui peut être fait est par celui qui le représente, à savoir le mandataire liquidateur, ce qui est parfaitement paradoxal puisque ce dernier représente déjà les créanciers.

En effet, le mandataire judiciaire intervient dans l’intérêt collectif des créanciers n’ait et procède à la réalisation des actifs pour justement désintéresser les créances au passif de telle sorte qu’il apparaît bien évident que ce dernier ne sera pas à même ou en mesure de prendre en considération les incidents que pourraient soulever, à tort ou à raison, le débiteur, qui devrait normalement être représenté par le mandataire judiciaire.

Toutefois, en cas de liquidation judiciaire, le dessaisissement représente quand même une difficulté en ce que le mandataire judiciaire est à la fois procéduralement le créancier demandeur et le saisi.

En effet, à l’audience d’orientation, le créancier diligente une procédure de saisie immobilière strictement réglementée afin de solliciter au Juge d’orientation soit une vente amiable si le débiteur a déjà été en mesure d’en proposer une, soit une vente judiciaire, une vente aux enchères publiques.

Dès lors, il est, en sa qualité, le demandeur puisqu’il représente l’ensemble des créanciers de la procédure collective.

Mais dans la mesure où le débiteur est dessaisi, qu’il est lui-même représenté par le mandataire liquidateur, cela reviendrait à déduire que le débiteur saisi n’est pas le débiteur dessaisi mais son mandataire liquidateur, de telle sorte que, finalement, le mandataire liquidateur judiciaire serait à la fois le demandeur et le défendeur de la procédure.

Ceci est pour le moins curieux.

Ainsi, par la force des choses, tant en fait qu’en droit, ce n’est pas le mandataire judiciaire qui va, en qualité de représentant du dessaisi, soulever une argumentation et générer un incident qui serait opposé à ce même mandataire liquidateur, lequel est par ailleurs le représentant des créanciers.

Cette subtilité juridique semble acquise et parfaitement valable par la Cour de cassation, ce qui malgré tout peut être extrêmement mal compris par le débiteur saisi et dessaisi qui voit ses actifs immobiliers réalisés aux enchères publiques par un mandataire liquidateur qui est pourtant censé le représenter et se gardera bien de faire quelque incident que ce soit.

Ceci peut sembler d’autant plus paradoxal lorsque le débiteur aura pourtant pris soin de sensibiliser cet organe de la procédure collective sur les difficultés qui pourraient se présenter dans le cadre de la saisie, ce qui fait que, finalement le mandataire liquidateur se retrouverait parfaitement à l’abri de toute cause d’irrecevabilité ou de cause d’irrégularité dans sa procédure qui est pourtant strictement encadré dans des délais et un formalisme d’autant plus stricts que cette procédure de saisie immobilière est attentatoire au droit de la propriété.

Toutefois, l’arrêt ne répond pas à la question de savoir si, le débiteur dessaisi et saisi sur le terrain de la procédure de saisie immobilière ne pourraient pas mettre à la barre un mandataire ad hoc qui serait désigné par le Président du Tribunal de commerce afin justement de faire valoir ses droits et de les opposer au mandataire judiciaire.

Cela pourrait pourtant être justifié dans l’hypothèse où, nonobstant le sort de l’action en réalisation de l’actif immobilier, il y ait d’autres éléments dans la procédure collective qui permettraient de penser que le bien n’a pas forcément vocation à être vendu dans l’immédiat.

Ainsi, il est regrettable de constater que le débiteur est dessaisi et que, par conséquent, il ne peut pas empêcher une saisie immobilière engagé par le mandataire liquidateur sauf à anticiper cette procédure immobilière et à combattre ardemment dès le commencement et à assurer la défense de ses droits dans le cadre de la procédure collective et tout au long de son déroulement tant en suivant et en contestant au besoin la procédure de réalisation des actifs qui ne se fait devant le Juge-commissaire qu’en contestant, en vérifiant avec une grande attention et en contestant autant que faire se peut les créances déclarées afin de réduire le passif comme peau de chagrin, ce qui permettrait justement de faire obstacle à la procédure de saisie immobilière.

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