Saisie immobilière de deux époux pour deux engagements de cautionnement séparé

Publié le 23/03/2020 Vu 1 043 fois 0
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La question est de savoir si des engagements de cautionnement pris séparément par les deux époux emportent ou non consentement de l’un à l’engagement de l’autre?

La question est de savoir si des engagements de cautionnement pris séparément par les deux époux emportent

Saisie immobilière de deux époux pour deux engagements de cautionnement séparé

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juin dernier qui vient aborder la problématique du cautionnement d’une même dette souscrit pas deux époux mais séparément.

La question est de savoir si ces engagements de cautionnement pris séparément par les deux époux emportent ou non consentement de l’un à l’engagement de l’autre.

La Cour de Cassation rappelle que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés qu’avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres,

Dans cette affaire, en sa qualité de caution des engagements souscrits par une société créée par son fils, et malheureusement placée en liquidation judiciaire, Madame H, sa maman, a été condamnée à payer diverses sommes à la banque en sa qualité de caution.

Curieusement son mari, Monsieur H, et père du fils qui avait créé sa société, et qui s’était également porté caution pour les mêmes engagements que son épouse, mais par un acte de cautionnement séparé n’avait pas été poursuivi.

La banque ne bénéficiant donc pas de titre exécutoire contre ce dernier. 

Aux fins de recouvrement de sa créance, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière portant sur un immeuble dépendant de la communauté existant entre Madame H et son époux Monsieur H et les a assignés aux fins de vente forcée de l'immeuble.

C’est dans ces circonstances que les cautions ont invoqué l'absence de consentement donné par Monsieur H au cautionnement contracté par son épouse, seule, et partant, l’impossibilité pour la banque de saisir l’actif commun. 

En effet, les époux H, parties saisies, étaient mariés sous le régime de la communauté et que dans pareil cas toute dette contractée par l'un d'eux, qui n'est pas une dette propre de l'un époux, engage les biens de la communauté, entre dans le passif de celle-ci, alors même que l'époux qui n'a pas passé l'acte n'est pas personnellement débiteur du créancier.

Les biens communs sont ainsi engagés sauf la récompense due à son conjoint après la dissolution du régime matrimonial si la dette ne fait pas partie du passif définitif de la communauté.

Dès lors, la présomption de communauté s'applique.

Pour autant la Cour de Cassation rappelle que n'échappent à cette présomption et n'engagent pas les biens communs que les dettes contractées pour la constitution ou l'administration du patrimoine propre de chaque époux.

La Loi exige l'accord de l'autre conjoint pour que la communauté soit engagée ce qui ne signifie pas que cet autre conjoint doive s'engager dans un titre exécutoire.

Les biens communs qui sont la copropriété des époux, peuvent donc être saisis par les créanciers qui ne disposeraient de titre exécutoire qu'à rencontre de l'un d'eux.

Il convient de rappeler que l’article 1415 du Code Civil édicte une exception au droit de gage général de la communauté des engagements pris personnellement et isolément par l'un des époux.

Ce texte dispose que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt sauf lorsque ceux-ci ont été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, qui dans ce cas n 'engage pas ses biens propres ».

Le texte n'affecte pas la validité de l'engagement de caution de l'époux signataire du cautionnement, mais l'étendue gage dont le créancier dispose en garantie de cet engagement de caution quand le conjoint n'y a pas consenti.

Son droit de poursuite s'en trouve alors diminué en excluant les biens communs de son gage pour le limiter aux biens propres de l'époux qui s'est engagé.

Pour saisir les biens communs, il faut soit que la preuve soit rapportée par la banque que le mari a donné son consentement au cautionnement donné par son épouse, ou qu'il l'a ratifié a posteriori, ce qui, dans les deux cas, n'exige aucun titre exécutoire en complément de celui détenu contre l'épouse soit qu'il s'est lui-même valablement porté caution de la même dette, ce qui écarte la limitation apportée par l'article 1415 du Code Civil au droit de poursuite des créanciers bénéficiant du cautionnement sous-seing privé de l'épouse.

Il importe de préciser que seule Madame H avait fait l’objet d’un jugement la condamnant en qualité de caution et la banque bénéficiait donc d’un titre exécutoire à son encontre mais pas à l’encontre de Monsieur.

Ce dernier était donc à même d’invoquer l'article 1415 du Code Civil au soutien de la contestation de la saisie.

La banque quant à elle se prévaut d'un deuxième acte sous-seing privé de cautionnement solidaire établi au nom du mari, lequel, s'il est valable, équivaut à un consentement donné par lui au cautionnement donné par son épouse à la banque.

Monsieur H a donc formé un pourvoi en cassation d’autant plus que les juges du fond avaient considéré que le titre exécutoire est clair et définitif et non sujet à interprétation et que la qualité de caution de Monsieur H ayant consenti expressément à l'acte n'étant nullement remise en question dans le dispositif des décisions.

Pour autant la Cour de Cassation ne suit pas l’argumentation de la banque et souligne que les cautionnements souscrits unilatéralement par Monsieur et Madame H n'établissaient pas à eux seuls le consentement exprès de chacun d'eux à l'engagement de caution de l'autre.

Ce qui empêche la banque de poursuivre la saisie immobilière du bien immobilier commun aux deux époux. 

Cette jurisprudence est intéressante à ce titre, 

D’autant plus que Monsieur H demeure en outre fondé à contester la validité de son cautionnement tant sur le fond que sur la forme.

A bon entendeur. 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

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