Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, première Chambre civile, ce 26 juin 2024, N°23-13.236, et qui rappelle que, dans le cadre d’une saisie immobilière, la description des lieux effectuée dès la signification du commandement de payer valant saisie immobilière doit s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien et doit dès lors inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, les consorts K, pour financer l’acquisition de diverses parcelles, avaient contracté un prêt auprès d’une banque garanti par une description de privilège de prêteur de deniers d’hypothèque conventionnelle.
Les consorts K, ayant rencontré des difficultés économiques, ont cessé de régler les échéances du prêt et la banque a procédé à la déchéance du terme et a envisagé le recouvrement forcé de sa créance en engageant une procédure de saisie immobilière des parcelles en question et c’est dans ces circonstances qu’elle a délivré un commandement de payer valant saisie le 14 avril 2008.
Une déchéance du terme, point de départ de la saisie immobilière
Le 05 mai 2008, soit dans la même foulée de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, Maître B, huissier de justice, a donc dressé à la demande du créancier saisissant le procès-verbal descriptif des parcelles visé au commandement de payer valant saisie.
La nullité du commandement de payer valant saisie immobilière
Le 16 novembre 2011, à la demande d’un acquéreur, un jugement a prononcé la nullité du commandement de payer, délivré le 14 avril 2008 ainsi que de tous les actes de procédure subséquent au motif pris que les parcelles saisies comportaient un bâtiment construit pour partie sur une parcelle non-saisie.
C’est dans ces circonstances que, le 22 février 2019, la banque considérant que son propre avocat intervenant pour lancer la procédure de saisie immobilière et l’huissier de justice ont commis des fautes et ont conduit l’annulation de la procédure de saisie immobilière et les a donc assignés en responsabilité et en indemnisation.
L’action en responsabilité de la banque contre son propre avocat et son propre huissier de justice
Or, l’huissier de justice s’est donc pourvu en cassation et faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de déclarer qu’il a engagé sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de la banque et de la condamner à lui payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts alors que, selon l’huissier instrumentaire dont la responsabilité était recherchée,
Quant à la question de la responsabilité de l’huissier de justice concernant la description des lieux la Cour d’appel considérait que la description des lieux telle que visée par l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution ne s’entend pas seulement de leur composition et superficie mais également de la situation juridique du bien qui doit faire l’objet d’une présentation rigoureuse dans la mesure où ce procès-verbal est annexé au cahier des conditions de vente et qui ne doit ainsi comporter aucune inexactitude de nature à affecter la contenance du bien saisi.
Tandis que ce texte ne prévoit pas que soit inclus au procès-verbal de description un état de la situation juridique du bien, de telle sort que, pour l’huissier, la Cour d’appel avait violé par fausse interprétation de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution.
Il convient de reprendre le texte de l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution qui a dit :
« Le procès-verbal de description comprend :
1° La description des lieux, leur composition et leur superficie ;
2° L'indication des conditions d'occupation et l'identité des occupants ainsi que la mention des droits dont ils se prévalent ;
3° Le cas échéant, le nom et l'adresse du syndic de copropriété ;
4° Tous autres renseignements utiles sur l'immeuble fournis, notamment, par l'occupant. »
C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation rappelle que, selon l’article R 322-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de description comprend notamment la description des lieux par leur composition et leur superficie et tous autres renseignements utiles sur l’immeuble fournis, notamment, par l’occupant.
Quel contenu dans le procès-verbal de description ?
C’est donc, pour la Haute juridiction, à bon droit que la Cour d’appel en a déduit que la description des lieux s’entendait nécessairement de la situation juridique du bien et devait, dès lors, inclure l’empiètement d’un bien sur une parcelle contiguë à celle faisant l’objet de la saisie immobilière.
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle en tant que de besoin que l’avocat intervenant, tout comme le commissaire de justice intervenant, pour l’établissement bancaire peut engager sa responsabilité lorsque finalement le débiteur ou un éventuel acquéreur arrive à faire prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et faisant ainsi tomber toute la procédure de saisie immobilière subséquente mais elle vient également rappeler que le procès-verbal de description du bien saisi doit bien sûr comprendre la description des lieux, leur composition et leur superficie, ainsi que tous autres renseignements utiles sur l'immeuble fournis, notamment, par l'occupant.
Cette description des lieux devant s’entendre nécessairement de la situation juridique du bien.
Cette obligation est à mon sens car elle est également utile et utilisable par le débiteur saisi qui peut également contester les conditions dans lesquelles ce procès-verbal de description du bien saisi peut être contesté.
À bon entendeur.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,