Saisie immobilière, prescription biennale et maison d’habitation avec fonds de commerce

Publié le 15/05/2014 Vu 3 361 fois 0
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La prescription biennale est elle toujours opposable à la banque lorsque le prêt immobilier finance une maison à usage d’habitation avec en son sein une partie commerciale? Quels sont les effets de la nullité de la procédure de saisie immobilière concernant les demandes du débiteur saisi en annulation de la clause de stipulation des intérêts?

La prescription biennale est elle toujours opposable à la banque lorsque le prêt immobilier finance une mais

Saisie immobilière, prescription biennale et maison d’habitation avec fonds de commerce

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 4 avril 2014, qui est relatif à une procédure de saisie immobilière et qui vient consacrer une nouvelle fois la prescription biennale avec une particularité d’espèce qui est relative au fait que le bien immobilier comprenait notamment un bail commercial et que l’acquéreur, justement, avait souhaité exploiter une activité dans ce bien.

Les faits sont les suivants : Monsieur Y s’est porté acquéreur en avril 2003 du bien en question et a contracté, auprès d’un établissement bancaire, un prêt d’un montant de
196 000 euros, l’acte de prêt étant formé par acte authentique revêtu de la force exécutoire.

De 2003-2005, Monsieur Y va payer ses échéances de crédit.

Toutefois, un premier incident de paiement aura lieu en octobre 2005 et par la suite, plus aucun paiement ne sera effectué.

Par la suite, l’établissement bancaire ne prononce la déchéance du terme qu’en décembre 2006, soit un an plus tard, et ce n’est qu’en décembre 2011 que la banque, finalement, délivre un commandement de payer, valant saisie immobilière, pour l’assigner par la suite devant le juge de l’orientation en mars 2012.

Or, il convient de rappeler que la prescription biennale a été consacrée par la Cour de Cassation récemment, de telle sorte que désormais, et à la lueur de l’article L137-2 du Code de la consommation, toute action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Ainsi les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par les organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels et sont, comme tels, soumis à cette fameuse prescription biennale.

C’est d’ailleurs ce que soutenait, à juste titre, Monsieur Y.

Toutefois, l’établissement bancaire soutenait, quant à lui, que le bien financier était destiné à l’exercice de l’activité commerciale de l’emprunteur puisqu’au moins une partie de l’actif immobilier de cette maison d’expression comprenait un local commercial qui devait faire l’objet d’un bail tout aussi commercial.

Dès lors, la banque considérait que les dispositions protectrices du Code de la consommation ne pouvaient s’appliquer puisque le prêt immobilier en litige, en l’état de la configuration du bien avait finalement vocation à financer une activité professionnelle.

L’établissement bancaire se fondait notamment sur un certain nombre de pièces, bien maigres en l’occurrence, puisqu’il ne se fondait que sur des factures de téléphone sur lesquelles il était mentionné qu’il s’agissait d’un contrat professionnel. Il se servait également de contrats d’abonnement au service téléphonique.

Cependant, l’analyse détaillée des actes de cession et de l’offre de prêt, ont permis de déjouer l’argumentation dangereuse de la banque.

En effet, le prêt notarié de juillet 2003 stipulait effectivement que l’immeuble acquis était une maison à usage d’habitation, élevée d’un étage sur rez-de-chaussée, comprenant deux chambres dont une à l’étage, une cuisine, un séjour, une salle d’eau, un WC, un garage et un local commercial située au rez-de-chaussée.

Toutefois, fort heureusement, ce même acte stipulait également, en paragraphe objet du prêt, que l’emprunteur s’engageait à affecter exclusivement le montant du prêt à l’acquisition d’un pavillon ancien, destiné à sa résidence principale.

Encore et surtout, au chapitre des stipulations contractuelles propres au prêt demandé, il est très clairement précisé que les stipulations contractuelles sont explicitement rédigées en référence aux dispositions des articles L312-1 à L312-36 du Code de la consommation, qui sont d’ailleurs mentionnés dans leurs intitulés, à bien des égards, à différents endroits dans l’offre de prêt, dites mentions au Code de la consommation et à ses différentes dispositions qui sont également reprises dans l’acte notarié.

En effet, non seulement l’acte de prêt faisait référence expressément aux dispositions du Code de la consommation, mais surtout il n’était absolument pas fait mention que ce prêt était à usage professionnel.

A cet égard, il convient de rappeler que la Cour de cassation a expressément rappelé que la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse. En effet, dans un arrêt en date du 20 décembre 2007, la Cour de cassation précise :

« Attendu que pour écarter l’application des dispositions du Code de la consommation, l’arrêt attaqué relève que le prêt et le découvert ne pouvant s’expliquer que par la création du fond de commerce exploité par Madame X, le financement avait été accordé pour les besoins de l’activité commerciale, et non pour ceux d’une consommatrice, qu’en statuant ainsi alors que la destination professionnelle d’un crédit ne peut résulter que d’une stipulation expresse, la Cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé de l’article L311-3 du Code de la consommation ».

Dès lors, c’est bien vainement que la banque vient constater l’application de la prescription biennale au sens de l’article L137-2 du Code de la Consommation.

Grâce à cela, Monsieur Y a pu voir l’action de la banque rejetée puisque la Cour a confirmé la décision déjà prise par le premier juge de l’orientation qui avait déclaré que l’action de la banque était prescrite lorsque le commandement valant saisie immobilière avait été délivré, de telle sorte que la procédure était nulle.

Dans pareil cas, dans la mesure où la procédure est nulle, aucun autre créancier ne peut se subroger, de telle sorte que l’annulation du commandement, qui est l’acte préalable à la procédure immobilière, emporte celle de toute la procédure immobilière dont il est le premier acte et le fondement essentiel.

Ainsi cette annulation anéantit la poursuite dans laquelle aucune subrogation ne peut donc avoir lieu faute de support.

Une particularité procédurale également de cette unité de la procédure de saisie immobilière est que Monsieur Y avait également imaginé contester la clause de stipulation des intérêts et un certain nombre d’éléments relatifs à l’offre de prêt pour voir prononcer l’anéantissement des intérêts conventionnels qui, immanquablement, avaient, pendant toute cette période, fait grossir de manière inconsidérée la créance initiale.

Or, la Cour rappelle qu’en effet, la compétence du juge d’exécution n’a lieu que pour trancher des contestations qui s’élèvent à l’occasion de la saisie immobilière et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent au fond du droit, le juge de l’orientation serait compétent pour faire droit à la demande d’annulation de la clause de stipulation des intérêts.

Toutefois, la Cour rappelle aussi que, dans la mesure où la procédure de saisie immobilière est annulée, le juge de l’orientation, ne dispose plus d’aucun chef de compétence pour statuer sur toute autre demande, telle une demande de paiement, au titre d’une répétition de l’indu ou d’annulation de stipulation de la clause de stipulation des intérêts, voire même d’échéance du prêt.

Il convient d’ailleurs de souligner que, nonobstant la demande d’annulation de la clause de stipulation des intérêts, Monsieur Y avait également pris soin de soutenir le barattage passif, c’est-à-dire l’inaction fautive de la banque pendant toutes ces années, qui n’avait engagé aucune procédure de saisie immobilière ou quelque poursuite que ce soit, de telle sorte que la créance, à la hauteur des intérêts contractuels, avait multiplié considérablement la créance initiale.

Ainsi, la procédure de saisie immobilière étant annulée, ces moyens de contestation le sont tout autant…

Cependant, cette décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, extrêmement récente, est à saluer en ce qu’elle vient consacrer la prescription biennale pour un prêt immobilier, alors même qu’une partie de ce bien avait une destination commerciale.

Ainsi l’acquéreur d’un bien immobilier qui se servira de ce bien en résidence principale, mais qui peut comprendre en son sein une partie commerciale, demeure un consommateur dans la mesure où le bien est principalement à usage d’habitation, qu’importe qu’il y ait en son sein une partie commerciale.

Par voie de conséquence, il est bien évident que cet acquéreur a donc droit au bénéfice des dispositions du Code de la consommation.

Enfin, il ne faut pas omettre les effets de la nullité de la procédure en ce qu’elle annule également les moyens de défense formalisées par le débiteur saisi, notamment concernant l’annulation de la clause de stipulation des intérêts et la contestation des intérêts conventionnels du prêt, ou bien encore la réclamation relative à l’inaction fautive de la banque.

La nullité de la procédure empêche le juge de l’orientation de trancher ces points.

Enfin, la dernière interrogation qui reste encore en suspens est celle relative à l’attitude de la banque suite à la décision de nullité de la procédure de saisie immobilière. Celle-ci étant prescrite sur un terrain contractuel, ne pourrait-elle pas se retourner sur le fondement de l’enrichissement sans cause ? Cela semble peu plausible puisque cette argumentation judiciaire, propre à la fameuse action de in rem verso, ne vaut que dans l’hypothèse où il n’y a aucun autre lien juridique.

Or, force est de constater que dans pareils cas, il y a bel et bien un lien juridique, c’est l’offre de prêt, c’est la déchéance du terme qui a été prononcée avec, et c’est surtout l’inaction fautive, à grands renforts d’intérêts pendant ses longues années qui laisse à penser que l’action pour enrichissement sans cause ne permettrait pas non plus à la banque d’obtenir gain de cause, ce en quoi le débiteur peut tout à fait se défendre, ce qui est une bonne chose.

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