Surenchère nulle et redressement judiciaire du débiteur saisi,

Publié le 15/01/2017 Vu 3 085 fois 0
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Quid de l’arrêt des poursuites individuelles et du redressement judiciaire d’une SCI intervenu non pas avant l’adjudication du bien vendu aux enchères publiques, mais après celle-ci et après qu’une surenchère ait été formalisée par une société en formation, ladite surenchère étant malheureusement nulle,

Quid de l’arrêt des poursuites individuelles et du redressement judiciaire d’une SCI intervenu non pas av

Surenchère nulle et redressement judiciaire du débiteur saisi,

Il convient de s’intéresser à un arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 2 novembre 2016 qui vient aborder la question spécifique du prononcé du redressement judiciaire d’uns SCI faisant l’objet d’une procédure de saisie immobilière et qui dépose le bilan après que l’adjudication ait eu lieu et après qu’une tierce personne ait formalisée une surenchère, malheureusement nulle,

La SCI en question était poursuivie par l’établissement bancaire qui lui avait fait délivrer le 25 mars 2014 un commandement valant saisie immobilière d’un immeuble situé dans les beaux quartiers parisiens dont le prêt immobilier était relativement conséquent,

Par jugement d’orientation du 2 octobre 2014, la vente forcée du bien a été ordonnée, étant d’ailleurs précisé que la SCI en question n’avait pas su briller par une argumentation en défense efficace dans le cadre de la saisie immobilière puisque leur conseil avait manqué de soulever l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa disposition devant le Juge de l’orientation,

Il convient en effet de rappeler que le débiteur saisi doit soutenir l’ensemble des moyens de défense au plus tard lors de l’audience d’orientation sans quoi il ne peut plus le faire par la suite, même en cause d’appel,

Appel avait été interjeté du jugement d’orientation mais dans la mesure où les moyens d’arguments en première instance avaient été extrêmement faibles et en l’absence de tout effet dévolutif de l’appel devant la Cour, la vente aux enchères publiques du bien en question avait été immanquablement confirmée par la Cour.

Dès lors par jugement d’adjudication en date du 1er octobre 2015, une société H s’était porteur adjudicataire pour le prix de 2.715.000 euros, ce qui pouvait sembler extrêmement intéressant pour l’adjudicataire, dans la mesure ou la valeur marché du bien semblait supérieure,

Il est vrai que l’aléa des enchères représente pour le débiteur une source de vraie occupation économique, car en ces temps de difficultés financières et économiques, les biens saisis sont souvent mal vendus aux enchères, ce qui n’est pas satisfaisant pour le créancier, qui n’est pas totalement désintéressé de sa créance, et ce qui l’est encore moins pour le débiteur qui, non content de perdre son bien immobilier, demeure débiteur d’un créancier qui risque fort de poursuivre les mesures d’exécution.

Ceci étant dit, ces dans ces circonstances que le 9 octobre 2015, la société B, en cours d’immatriculation, a formalisé une déclaration de surenchère.

La société H, l’adjudicataire, a contesté la validité de celle-ci faisant valoir que la société B n’avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 26 octobre 2015 au-delà du délai de surenchère, de telle sorte que par jugement de janvier 2016, le Juge de l’Exécution de Paris avait déclaré la contestation recevable et prononçait la nullité de la surenchère.

Curieusement, une fois n’est pas coutume, c’est la société débitrice, la SCI L, qui a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la Cour le 5 février 2016.

L’affaire avait été initialement fixée pour plaidoirie en mai 2016, puis a fait l’objet d’un renvoi pour être plaidée en novembre 2016, pour la simple et bonne raison, qu’il a été porté à la connaissance de la Cour que le Tribunal de Grande Instance de Paris avait par un jugement de mai 2016 ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société L.

La question qui se posait alors était de savoir si oui ou non, la société L, la SCI saisie, pouvait bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles propre aux dispositions du droit de l’entreprise en difficulté.

Pour autant, c’était sans compter la question spécifique de la validité d’une surenchère par une société en création,

En effet, nonobstant les dispositions propres au Code du commerce ainsi que la jurisprudence relative à une société en cours de formation et la validation de ses actes préparatoires, il n’en demeure pas moins que la Cour de Cassation s’est toujours refusée de valider la surenchère d’une société en création dans la mesure où celle-ci n’a pas encore d’existence légale,

Il convient de rappeler qu’en Droit des Sociétés, la société peut reprendre les engagements antérieurs des associés repris en annexe.

Pour autant, la jurisprudence de la Cour de Cassation a considéré dès le 21 septembre 2000, que la capacité du surenchérisseur doit être appréciée au plus tard à la date de l’expiration du délai prévue pour la déclaration de surenchère de telle sorte que nonobstant les dispositions de l’article 1243 du code civil…

A bien y comprendre, une enchère ne peut être faite par une société en formation qui n’a pas d’existence légale à la fin du délai d’enchère,

Pour autant, il y avait lieu de se demander si cette jurisprudence avait également vocation à s’imposer en matière de surenchère,

Cette question intéressait au plus haut point le débiteur saisi puisque si la société L considère que dans la mesure ou la surenchère n’est pas nulle il pourrait bénéficier du principe de l’arrêt des poursuites individuelles,

La SCI conclut à la validité de la surenchère par la société en formation quand bien même elle n’avait pas été régularisée au motif pris notamment que rien n’empêche à une société en formation de procéder à un commencement d’activités sociétaires et donc d’effectuer des actes y compris celui de la surenchère,

Celle-ci procède par analogie en révisant les jurisprudences administratives qui considèrent qu’une réponse à un appel d’offres peut être effectuée par une société en cours de formation, sous réserve que les références et attestations exigées par le règlement de consultation peuvent être vérifiées au niveau des personnes agissant pour le compte de la société (C.E 28.07.2004 numéros 230 et 1115).

Elle souligne également que le Conseil d’Etat a admis qu’une société en formation puisse demander que soit suspendu l’exercice du droit de préemption d’une commune sur un immeuble qu’elle avait l’intention d’acquérir pour exploiter un fonds de  commerce (C. E  1ère et 6ème sous section 23.01.2006 numéro 284 – 788)

Dès lors, quand bien même l’ensemble des formalités ne serait pas accompli, dans la mesure où les premiers actes de constitution sont intervenus, notamment la signature des statuts et leur enregistrement, rien n’empêche la validité de la surenchère.

Sur le terrain civil, bon nombre de jurisprudences ont considéré que le début d’activité sociétaire tel que précisé aux statuts ait pu être valablement effectué avant même la formation de la société.

Concernant le droit de la saisie immobilière, plusieurs jurisprudences ont amené à réfléchir à la validité de la surenchère d’une société en formation.

Pourtant, il a toujours été considéré que la capacité du surenchérisseur doit être appréciée à la date de l’expiration du délai prévu pour la déclaration de surenchère, de telle sorte qu’à défaut, la jurisprudence a toujours retenu que la surenchère portée au nom d’une société alors dépourvue d’existence légale  n’était pas valable.

Cependant, la Cour de Cassation a, par la suite, opéré un revirement de jurisprudence admettant ensuite l’acquisition d’un immeuble en formation pour le compte d’une société en cours de formation comme le précise cette jurisprudence du 19 décembre 2002, n°00-20 250.

Une autre jurisprudence du 10 septembre 2009 de la Cour de Cassation visait également   cette approche puisque par un attendu de principe, la Haute juridiction considère que l’enchère portée au nom et pour le compte d’une société en cours de formation n’encourt pas la nullité lorsqu’en raison de la reprise des actes accomplis pendant sa formation, l’enchère est réputée avoir été conclue dès l’origine par la société ultérieurement immatriculée.

C’est sans compter le dépôt de bilan de la SCI qui a été déposé alors que la surenchère a eu lieu et alors que le Tribunal de Grande Instance a dit nul cette surenchère et qu’appel avait été interjeté.

La SCI en redressement judiciaire évoque dès lors les avantages de l’article L 622-21 du code du commerce qui précise que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au 1 de l’article L 622-17 du même code et il arrête également ou interdit toute procédure d’exécution de la part de ses créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que sur toutes le procédures de distribution, n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

La question était de savoir effectivement si oui ou non le jugement d’adjudication emportait effet attributif alors même que celui-ci était frappé d’une surenchère, tant bien même celle-ci serait finalement nulle,

Par un tel raisonnement, la SCI L entendait surtout faire acter que la procédure de saisie immobilière n’est pas définitive.

En effet, dans la mesure où l’adjudication n’est pas définitive pour avoir fait l’objet d’une surenchère fusse-t-elle contestée, la procédure de saisie immobilière n’est pas définitive.

Ainsi, dans la mesure où le jugement d’adjudication ne revêt pas le caractère de l’autorité de la chose jugée comme le rappelle d’ailleurs la jurisprudence (Cour cass. 2ème Ch Civ. 11.07.2013), la procédure de saisie immobilière ne serait pas définitive,

En effet, dans la mesure où le jugement d’adjudication ne statue sur aucun incident, celui-ci n’est pas revêtu de la chose jugée et dans la mesure où une surenchère a été formalisée, la procédure est toujours en cours.

Or, la jurisprudence précise que par l’effet de la surenchère et jusqu’à l’adjudication de la surenchère, l’immeuble demeure au risque du saisi, comme le souligne la jurisprudence, Cour de cassation le 17 novembre 2011, n°10-201959, et rappelle que le surenchérisseur ne devient propriétaire du bien que par l’effet de l’adjudication sur surenchère,

Jusqu’à cette date, l’immeuble demeure au risque du débiteur saisi, l’arrêt des poursuites pourrait s’imposer dans l’hypothèse où le redressement judiciaire interviendrait entre temps.

La procédure de saisie immobilière n’étant pas achevée, la SCI serait alors bien fondée à déposer le bilan et bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles,

Ceci d’autant plus que par arrêt de la 2ème chambre civile du 24 mars 1993, la Cour de Cassation avait autorisé le redressement judiciaire, bénéficiant ainsi de l’arrêt des poursuites individuelles, préservant ainsi l’actif de la saisie immobilière quand bien même une surenchère a été rendue.

Toutefois, c’était sans compter la nullité de la surenchère,

La question était double,

La surenchère d’une société en formation est elle valable ?

Et dans la négative, peut-on considérer que l’effet attributif de transfert de propriété  au profit de la société adjudicataire est effectuée non pas au jour du jugement d’adjudication, qui n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée, mais plutôt au jour de la confirmation de ladite nullité par la Cour d’Appel dont la décision interviendrait après le jugement de redressement judiciaire, permettant à la SCI de bénéficier du principe de l’arrêt des poursuites individuelles,

Pourtant, l’arrêt des poursuites individuelles présente également un intérêt sur le terrain économique, puisque le droit de l’entreprise en difficulté permet au débiteur saisi de préserver l’actif tout en réglant ses créanciers sur 10 ans, dans le cadre d’un plan de redressement, de telle sorte que le créancier intégralement désintéressé n’aurait pas de raison de s’y opposer,

Ceci se comprendrait d’autant plus que dans le cadre de la vente aux enchères publiques le bien a été adjugé à un prix insuffisant pour désintéresser intégralement le créancier qui pourrait également avoir un intérêt économique à adhérer à pareil raisonnement juridique,

L’attrait économique d’un tel raisonnement par le débiteur saisi est évident,

Non seulement celui-ci peut conserver son actif immobilier,

Mais il peut continuer à percevoir les fruits de sa location, notamment pour payer ses créanciers dans le cadre d’un plan de redressement judiciaire, tout en lui permettant s’il le souhaite de le revendre à bon prix cette fois-ci, et ce, sous le contrôle du tribunal, du mandataire judiciaire, et du commissaire à l’exécution du plan,

Le seul lésé serait l’adjudicataire bien que sur le terrain indemnitaire il appartiendrait à ce dernier de justifier d’un préjudice ce qui n’est pas acquis, et qui serait de toute façon intégré dans le passif de la procédure collective, 

Pour autant, la            Cour d’Appel n’a pas cru bon suivre cette argumentation et a considéré que nonobstant l’absence de l’autorité de la chose jugée, le jugement d’adjudication emportait effet translatif de propriété.

La Cour retient que l’arrêt des poursuites individuelles découlant de l’article L622-21 du code du commerce, arrêt interdit toute procédure d’exécution sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant jugement d’ouverture.

Telle est la question,

Toutefois, la Cour ne retient pas l’argumentation du débiteur saisi,

Elle considère que c’est à tort que la SCI L croit pouvoir soutenir que la surenchère a pour effet de remettre le bien dans son patrimoine alors que seule une surenchère régulièrement formée a pour effet d’anéantir le jugement d’adjudication et de remettre le bien saisi dans le patrimoine du débiteur en attendant la nouvelle vente.

En l’espèce, la Cour retient que le bien est entré dans le patrimoine de cette dernière société H, adjudicataire, par jugement d’adjudication du 1er octobre 2015 et s’y trouve toujours.

La survenue postérieure du redressement judiciaire n’ayant pas d’incidence sur cette réalité.

La question mériterait surement un pourvoi,

Pour autant, le transfert de propriété ayant bien eu lieu, de par l’effet de la nullité de la surenchère, l’actif n’appartient plus à la SCI, laquelle n’a plus d’actif et ne peux plus raisonnablement présenter de plan de redressement,

Malgré ce mariage audacieux entre droit de la saisie immobilière et droit de l’entreprise en difficulté, le débiteur, SCI saisi n’a pas réussi à sauver son actif immobilier,

Courte guerre, l’important est de ne pas s’avouer vaincu, car bon nombre de moyens juridiques et judiciaires sont à la portée d’un débiteur, personne physique, ou personne morale, en passe d’être saisi par le créancier,

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