Vente de bail commercial en liquidation judiciaire et faculté de substitution

Publié le 17/05/2020 Vu 1 716 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Analyse d’une jurisprudence qui vient préciser les contours d’une offre faite avec une clause de substitution au profit d’une société en création, dans le cadre d’une procédure de vente d’un bail commercial en liquidation judiciaire.

Analyse d’une jurisprudence qui vient préciser les contours d’une offre faite avec une clause de substitu

Vente de bail commercial en liquidation judiciaire et faculté de substitution

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue en novembre 2019 qui vient aborder le cas spécifique de la vente d’un droit au bail commercial dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, la société N avait été mise en liquidation judiciaire le 25 janvier 2017, Maître T ayant été désigné mandataire liquidateur.

Cette société avait comme actif un fonds de commerce avec un droit au bail commercial. 

Le 23 février 2017, Madame Y  a présenté une offre d’acquisition du droit au bail commercial de la société en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 20 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré de ce droit au bail à Madame Y ou toute autre personne morale ou physique qu’elle se substituerait et dont elle resterait garante, moyennant le prix de 22 000 euros.

Pour autant, Madame Y a fait appel de l’ordonnance de vente de gré à gré du juge commissaire.

En effet, Madame Y prétendait dans son recours que les conditions suspensives contenues dans son offre n’avaient pas été reprises par le juge-commissaire.

Elle considérait qu’au contraire, le juge commissaire avait ajouté une faculté de substitution au profit d’une personne physique et la garantie du substitué par le substituant, 

Cette condition ne s’étant pas réalisée de sorte que la vente n’était pas parfaite.

Madame Y rappelait dans son recours qu’elle s’était bornée à proposer une clause de substitution au profit d’une société en cours de création, sans autre limitation.

Madame Y soutenait que cette offre, qui pouvait être refusée, lui laissait, si un droit de substitution lui était reconnu et qu’elle décidait de l’exercer par une cession conclue avec un tiers, la faculté de solliciter du cédé d’être libérée pour l’avenir par cet acte.

Qu’en décidant d’autoriser la cession en des termes imposant à Madame Y  de demeurer en toute hypothèse garante du tiers en cas de substitution, sans aucune possibilité de solliciter alors d’être libérée pour l’avenir par l’acte de cession à conclure, l’ordonnance du juge- commissaire avait nécessairement ajouté une charge supplémentaire à l’offre que Madame Y  avait transmise.

D’où sa contestation….

En effet, l'offre d'acquisition émise par Madame Y est ainsi rédigée : « Par la présente je formule de manière ferme et définitive une offre de reprise totale pleine et entière du droit au bail concernant le bail commercial de la société N, ledit bail commercial porte sur un local commercial de 25 m2 ainsi que sur une réserve de 25 m2, le loyer mensuel étant de 950 euros charges comprises ; que le prix offert et réglé immédiatement est de 22 000 euros acte en main ; que ce paiement se fera de la manière suivante au moyen d'un chèque de banque au comptant dès acception de cette offre ; que cette offre ne comprend aucune condition suspensive à l'exception de l'absence de tout contentieux judiciaire concernant le bail commercial en question émanant soit du bailleur soit d'un créancier inscrit, de l'intervention du bailleur à l'acte, et comprend une clause de substitution au profit d'une société en cours de création ».

Il ressort très clairement de la rédaction de celle-ci que, contrairement à ce que soutient Madame Y, celle-ci n'a assorti la clause de substitution au profit d'une société en cours de création d'aucune condition suspensive.

Il convient de rappeler que l'article 1216 du Code Civil dispose qu'un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé, la cession devant être constatée par écrit, à peine de nullité. 

L'article 1216-1 du même Code ajoute que si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l'avenir et qu'à défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l'exécution du contrat 

Cependant, Madame Y considère que le droit de substitution ne constitue pas une cession, mais uniquement la faculté reconnue d'y procéder éventuellement.

De telle sorte que si le bénéficiaire de cette faculté, qui n'a pas encore la qualité de cédant, décide ultérieurement de l'exercer, pour céder sa qualité de partie à un tiers, ainsi qu'il y est d'ores et déjà autorisé, rien ne s'oppose à ce que, devenant cédant, il sollicite de celui qui aura alors qualité de cédé à son égard, d'être libéré pour l'avenir par l'acte de cession à intervenir.

Madame Y reprochait en particulier à l'ordonnance rendue par le juge-commissaire, de n'avoir tenu aucun compte des conditions suspensives dont elle avait assorti son offre de reprise, spécialement de celle qui exigeait l'intervention du bailleur à l'acte.

La Cour de Cassation ne partage pas son analyse.

La Haute juridiction considère que l'offre de Madame Y n'avait pas soumis la clause de substitution au profit d'une société en cours de création à la condition que l'éventuelle substitution s'opérerait sans garantie de l'acquéreur substitué.

Elle considére que l’arrêt de la Cour d'Appel en a déduit exactement, en se bornant à faire référence à l'article 1216-1 du code civil que le juge-commissaire devait retenir, dans ces circonstances, que, l'acceptation de la faculté de substitution ne déchargeant jamais, à elle seule, le débiteur originaire de sa dette, Madame Y restant tenue, aux termes de son offre, du paiement du prix de cession.

Cette jurisprudence est très intéressante puisqu’elle vient préciser les contours d’une offre faite avec une clause de substitution au profit d’une société en cours de création, et ce, dans le cadre d’une procédure de vente de gré à gré d’un bail commercial d’une société en liquidation judiciaire. 

La Cour de Cassation rappelle ainsi que l'auteur d'une offre d'acquisition du droit au bail commercial dont est titulaire une société en liquidation judiciaire, qui n'a pas soumis la clause de substitution au profit d'une société en cours de création à la condition de ce que l'éventuelle substitution s'opérerait sans garantie de l'acquéreur substitué, reste tenu du paiement du prix de cession, l'acceptation de la faculté de substitution par le liquidateur ne déchargeant jamais, à elle seule, le débiteur originaire de son obligation et de son offre.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.