Obligation d’information annuelle de la caution et liquidation judiciaire

Publié le 13/05/2016 Vu 13 012 fois 2
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Obligation d'information annuelle de la caution, portée et preuve de l'obligation, déchéance du droit aux intérêts, et hypothèse de sanction dans le cas d'une liquidation judiciaire par extension avec confusion,

Obligation d'information annuelle de la caution, portée et preuve de l'obligation, déchéance du droit aux i

Obligation d’information annuelle de la caution et liquidation judiciaire

Il convient de s’intéresser à deux jurisprudences qui ont été rendues, la première assez récemment, de novembre 2015, de la Cour de Cassation, ainsi que d’un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Rennes en juillet 2014, lequel est un peu plus ancien, mais qui aborde quant à la lui le sort particulier de la caution d’une société en liquidation judiciaire, pour laquelle la caution est elle-même en liquidation judiciaire, en l’état d’une extension sans confusion des masses actives et passives,

Il convient de rappeler que la loi bancaire du 1er mars 1984 et plus particulièrement son article 48, a mis à la charge de certains créanciers une obligation d’information des cautions.

Ainsi, l’information due par tout créancier professionnel est imposée par la Loi à toute caution personne physique puisque a été introduit dans le Code de la consommation un nouvel article, qui est fixe, ce qui pourrait constituer le droit commun à la matière.

Désormais codifié, le nouvel article L 341-6 du Code de la consommation impose une obligation d’information annuelle à tout créancier professionnel.

L’information est due à toute caution personne physique.

Il faut souligner que certaines conditions supplémentaires envisageables sont écartées, ce qui confère au texte une portée large.

L’information s’impose, que le cautionnement soit d’ailleurs donné par acte authentique ou par acte sous seing privé.

Il n’est pas tenu compte de la nature du cautionnement, que celui-ci soit solidaire ou simple, ou bien encore défini ou indéfini.

Par ailleurs, il n’est pas non plus imposé que le cautionnement soit la condition d’un concours financier accordé au débiteur principal.

Ainsi, le créancier est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation en garantie, ainsi que le terme de ses engagements.

Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

En cas de non-respect de l’obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des modalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Le texte en vigueur ainsi que la jurisprudence ont clairement consacré le fait que cette obligation d’information imposée par la Loi s’impose à tous les titulaires de créance professionnelle en cas de cautionnement à durée indéterminée consenti par une personne physique.

Ceci s’applique tant bien même en cas de pluralité de cautions solidaires, l’information devant être donnée à chacune d’entre elles.

Cette obligation d’information doit être exécutée jusqu’à l’extinction totale de la dette.

Bien plus, la jurisprudence précise encore que le créancier doit exécuter son obligation alors même qu’il a assigné la caution en paiement.

Si la question relative à l’obligation d’information de la caution semble bien assise, la pratique génère de nouvelles questions, notamment relatives à l’exécution pratique de l’obligation elle même et des contestations ou interrogations qui peuvent en découler,

C’est ce à quoi les arrêts étudiés tendent à apporter quelques précisions,

Pour ce faire, il convient de rappeler que pèse surtout sur le créancier la charge de la preuve de ce que ce dernier a bien exécuté son obligation.

L’information en tant que telle est un fait juridique, qui peut se prouver par tout moyen,

La jurisprudence a envisagée cette démonstration sur la base d’une double preuve.

En premier lieu, le créancier doit rapporter la preuve qu’il a bien adressé une notification à la caution.

Ceci laisserait à penser que ce dernier opterait pour le courrier recommandé avec accusé de réception, mais cela n’est pas jamais fait en pratique en l’état du coût de l’opération en tant que tel, ce qui peut sembler paradoxal vu les frais bancaires facturés pour remplir cette formalité,

Plus classiquement, l’établissement bancaire se contente de produire aux débats un listing des envois émis par ordinateur,

En deuxième lieu, la jurisprudence est venue rappeler que le créancier doit démontrer que le document adressé à la caution contient bien l’ensemble des informations exigées.

Dès lors, la preuve de l’envoi de la lettre n’est pas suffisante en tant que telle, il doit en effet être démontré que celle-ci contenait les informations exigées par la Loi, à savoir le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courrier au 31 décembre de chaque année,

Dans le premier arrêt qui nous occupe, de novembre 2015, la Cour de Cassation a eu effectivement vocation à s’intéresser à la question spécifique du caractère probatoire de la production des relevés informatiques en tant que tels.

En effet, en décembre 2000, un établissement bancaire avait consenti à une société AB, un prêt d’un montant de 327 765,39 €, garanti par le cautionnement solidaire de Monsieur X.

La société ayant été mise par la suite en redressement puis en liquidation judiciaire, l’établissement bancaire en question avait donc assigné la caution en exécution de son engagement.

Monsieur X soutenait alors n’avoir pas été destinataire de l’information annuelle due à la caution, en application de l’article de L 313-22 du Code monétaire et financier.

Il soutenait en effet que l’établissement bancaire ne l’avait pas informé au 31 mars de chaque année du montant principal, intérêts et accessoires et sommes restant dus par la société AB sur le prêt consenti en son temps.

S’il est vrai que l’article L 313-22 du Code monétaire et financier n’impose pas à l’établissement bancaire de rapporter la preuve de la réception effective des lettres d’information par la caution, il n’en demeure pas moins qu’il est quand même fait obligation à l’établissement bancaire de justifier de leur envoi selon des formes et modalités de nature à établir que la caution a été en mesure d’en prendre connaissance.

Ainsi, la Cour de Cassation est sensible à la motivation retenue par la Cour d’Appel qui considérait que pour prononcer la déchéance des intérêts, ladite Cour d’Appel avait retenu que l’établissement bancaire produisait la copie de lettres simples, datées de 2002, 2003, 2004, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011, à laquelle était annexée un décompte des soldes dus à cette date, les relevés informatiques de l’ensemble des lettres d’information envoyées au caution en février ou mars de chaque année, ainsi que la directive générale de la caisse, enjoignant ses agences d’envoyer ces informations.

Pour autant, Monsieur X considérait que ces documents ne permettaient pas de vérifier que ces informations annuelles avaient bel et bien été fournies par l’établissement bancaire en son temps, de telle sorte qu’il serait bien fondé à réclamer les sommes en question.

La Cour de Cassation considère qu’en statuant ainsi, sans préciser en quoi les documents produits par la caisse était insuffisants pour établir le respect des exigences légales d’information annuelle de la caution, la Cour d’Appel avait méconnu le texte susvisé.

De telle sorte que la Cour de Cassation casse et annule la décision en litige sur la seule question de l’information de la caution et des conséquences relatives à la déchéance des droits à intérêts conventionnels pendant les périodes en question.

Dès lors, tout laisserait à penser que la banque pourrait se libérer de ses obligations en justifiant de relevés informatiques de l’ensemble des lettres d’information envoyées au caution en février ou mars de chaque année, ainsi que de la directive émanant de la caisse centrale ou régionale enjoignant ses agences d’envoyer ces informations, sauf à ce que, inversement, il soit démontré que ces documents soient insuffisants pour établir le respect des exigences légales d’information annuelle de la caution.

Ceci d’autant plus, qu’il semblerait que, dans les débats, ait été fourni copie des lettres en question, lesquelles lettres comportaient bien le montant du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoires et pénalités encourus au 31 décembre de l’année précédente, au titre de l’information bénéficiant à la caution, ainsi que le terme de l’engagement.

Aussi, dans cette jurisprudence, tout laisse à penser que la banque a rempli ses obligations.

Le deuxième cas de figure permet de nous intéresser aux conséquences lorsque, inversement, l’établissement bancaire n’est pas en mesure de justifier du respect de l’obligation d’information annuelle de la caution,

Nous avons abordé le fait que la sanction immédiate est celle de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pendant toute la période, ce qui est extrêmement satisfaisant, puisque le créancier est privé du droit de percevoir les intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Se pose cependant la question de savoir de ce qui peut en être si le débiteur caution est lui-même en liquidation judiciaire.

C’est ce qui nous amène à l’étude de cette deuxième jurisprudence étudiée, arrêt de la Cour d’Appel de Rennes, de juillet 2014, qui aborde cette question spécifique.

En effet, dans cette deuxième affaire, l’établissement bancaire avait en 1988 octroyé à une société D.O., représenté par son gérant et unique associé, Monsieur D., un prêt d’un montant de 1 222 500,00 FF à l’époque.

Monsieur D. s’était porté caution solidaire et hypothécaire de la société emprunteuse pour le remboursement des sommes dues par elle en principal, frais, intérêts et accessoires.

Or, le 22 mai 1991, la société D.O. avait été placée en liquidation judiciaire à Guinguamps et, malheureusement, une extension de procédure avait été faite à l’encontre de Monsieur D., qui, par jugement du 30 septembre 1992, confirmé par arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 21 février 1993, le plaçait lui-même en redressement, puis en liquidation judiciaire.

Cette extension était d’importance car tout laisse à penser que le mandataire judiciaire en son temps visait le patrimoine personnel de Monsieur D., qui était propriétaire d’un bien sur la commune de Brest.

L’établissement bancaire, en sa qualité de créancier hypothécaire des époux D. avait donc pris soin de procéder à une déclaration de créance et avait même envisagé la saisie du bien immobilier des époux D en son temps.

Toutefois, Monsieur D. étant rapatrié, il avait sollicité dès 1999, de bénéficier des dispositions relatives au désendettement des rapatriés installés dans une profession non-salariée, procédure spécifique qui avait entraîné le « gel » et la suspension des effets de la procédure collective, ce qui explique l’ancienneté de la procédure et l’arrêt récent qui en découle.

Le droit des rapatriés d’Algérie n’a malheureusement pas permis à ce dernier d’obtenir une prise en charge de la commission nationale de désendettement des rapatriés.

Dans la mesure où le Conseil d’Etat a par la suite rejeté la demande de Monsieur D., la procédure collective a repris ses droits, et par là-même ceux des créanciers.

C’est dans ces circonstances que Monsieur D. a contesté la créance de la banque et a donc sollicité que grand nombre des intérêts réclamés soient rejetés, notamment au motif pris que l’établissement bancaire était dans l’incapacité de justifier des lettres d’information de la banque au profit de la caution entre novembre 1992 et le 31 décembre 2010.

La banque n’étant absolument pas en mesure d’en justifier de quelque manière que ce soit,

En effet, en l’état de la liquidation judiciaire de Monsieur D. la banque semblait avoir cru s’exonérer de cette obligation, 

Ainsi, c’est donc à bon droit que la Cour d’Appel de Rennes a confirmé le premier jugement en ce qu’il a considéré que l’établissement était déchu du droit aux intérêts échus sur la créance déclarée au passif de la procédure collective entre novembre 1992 et décembre 2010, faute d’information annuelle de la caution.

Dans ce cas d’espèce spécifique, le débiteur caution a pu se obtenir une déchéance des droits à intérêts sur une période de plus de dix-huit ans, ce qui est remarquable.

Cependant, dans le cas particulier de Monsieur D., celui-ci avait été placé en liquidation judiciaire dans le cadre d’une action en extension engagée par le mandataire liquidateur de la société D.O.,

Effectivement, dans pareil cas, Monsieur D. n’aurait de toute évidence pu tirer aucun bénéfice de cette déchéance du droit à intérêts pendant plus de dix-huit ans puisque la confusion des procédures découlant de l’extension des deux procédures collectives avec confusion des masses actives et passives,

Car cette extension des masses actives et passives a pour effet de faire admettre au passif personnel de Monsieur D., le passif de l’entière société en liquidation judiciaire, de telle sorte que la dite confusion annihile les effets de la déchéance du droit aux intérêts.

Ces jurisprudences sont intéressantes en ce qu’elles viennent rappeler l’obligation qu’ont les établissements bancaires de justifier de leurs démarches relatives à l’information annuelle de la caution, au plus tard au 31 mars de chaque année.

Il appartient toujours au débiteur de le contester, à charge pour l’établissement bancaire de rapporter la preuve de ce que ces dernières diligences ont été effectuées, la caution pouvant éventuellement contester le caractère insuffisant des relevés informatiques fournis, à condition de bel et bien justifier que ceux-ci sont caractéristiques d’un manquement de la banque.

Il convient en effet de rappeler que les établissements bancaires doivent dans leurs correspondances faire état des décomptes exacts, en principal, frais et intérêts, de la créance due et ce jusqu’à la fin de son engagement.

La caution a donc bon nombre d’actes et de moyens de droit à sa portée, en ce compris le manquement à l’obligation d’information annuelle du créancier, pour se défendre lorsque l’établissement bancaire vient le poursuivre en paiement de sommes parfois bien importantes.

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1 Publié par Visiteur
02/10/2017 20:50

Bonjour, nous avons céder les parts d'une société en 2014 pour laquelle nous etions cautions de l'emprunt au moment d ela cession nous avons sollicité la banque par écrit afin qu'elle substitue les acquéreurs à notre caution. ces nouveaux acquéreurs ont ensuite vendu toujours les mêmes parts de société à d'autres acquéreurs sans même que nous en soyons informés par la banque qui gérait les comptes bancaires de cette société et était donc parfaitement informé des ces mouvements de titres. Les derniers acquéreurs ont déposé le bilan de cette société, nous n'avons pas reçu d'informations de ces cautions de 2014 à 2017. Aujourd'hui la banque se retourne contre nous pour le reglement de la caution, avons nous un moyen de recours Guy

2 Publié par laurentstz
03/10/2017 09:17

cher Monsieur,
j'ai pris bonne note de vos explications,
il y a effectivement une difficulté,
cependant j'ai besoin d'éléments pour analyser objectivement la situation,
je vous invite à m'adresser un courrier électronique avec les éléments de rigueur,
mon courriel: latapie.avocat@hotmail.fr
dans cette attente,
bien cordialement,
Laurent Latapie Avocat

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