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Un cadre dirigeant obtient 96.000 euros bruts d’heures supplémentaires aux prud’hommes

Publié le Modifié le 10/03/2016 Vu 2 539 fois 0
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Le cadre dirigeant « est celui auquel sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps (1er critère), qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome (2ème critère) et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou son établissement (3ème critère) ; que les critères ainsi définis, qui impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise (4ème critère), sont cumulatifs ».

Le cadre dirigeant « est celui auquel sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une gran

Un cadre dirigeant obtient 96.000 euros bruts d’heures supplémentaires aux prud’hommes

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation sur la durée du travail et les heures supplémentaires.

Toutefois, si le salarié cadre dirigeant peut prouver qu’il n’est pas cadre dirigeant car il ne remplit pas les 4 critères cumulatifs du cadre dirigeant, il peut obtenir le paiement de ses heures supplémentaires, sous réserve d’en justifier.

C’est ce que vient de juger le Conseil de prud’hommes de Meaux (départage) dans un jugement particulièrement motivé.

Cette condamnation au paiement des heures supplémentaires du « cadre dirigeant » intervient à la suite de la conclusion d’une rupture conventionnelle avec son employeur et dans un contexte de co emploi du salarié, par différentes sociétés.

Maître Frédéric CHHUM est avocat du salarié cadre dirigeant.

I) Les Faits

Le 1er juillet 2000, Monsieur X a été nommé sous-Directeur de l’Hôtel, par avenant à sous contrat de travail. Le 22 octobre 2001, Monsieur X a signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec la SARL SOCIETE GESTION HOTEL DE BOULOGNE, repreneur de l’Hôtel Campanile Marne La Vallée – Torcy, et également filiale de la Société Groupe ENVERGURE, en qualité de Directeur.

Le 1er mai 2005, Monsieur X est passé Cadre dirigeant. Le 1er juin 2010, le contrat de travail de Monsieur X a été transféré de la SARL SOCIETE GESTION HOTEL DE BOULOGNE à la SNC CLORA, franchise de la Société KYRIAD ET PREMIERE CLASSE, filiale de la Société Groupe LOUVRE HOTELS. Le même jour, Monsieur X a conclu un nouveau contrat de travail avec la SNC CLORA, en qualité de Directeur d’Hôtel Kyriad.

A) Fonctions de Monsieur X

Au titre de ses fonctions de Directeur, Monsieur X était notamment en charge de Gérer et former le personnel, Organiser le travail de l’équipe, Veiller à la propreté générale de l’établissement, Tenir régulièrement la comptabilité en conformité avec les procédures internes, Suivre le règlement des fournisseurs, Développer au niveau local les contacts avec la clientèle potentielle, Mener des actions pour accroitre le chiffre d’affaires de l’établissement ;

Cependant, suite à son transfert au sein de la SNC CLORA, Monsieur X ne pourra plus exercer ses fonctions de manière autonome, mais sera désormais contraint de se plier aux instructions de la société-mère LOUVRE HOTEL GROUPS.

B) Circonstances du litige

1) 8 avril 2013 :        contestation par Monsieur X de son statut de Cadre dirigeant

Suite à une énième contestation, par la SNC CLORA et LOUVRE HOTELS GROUP, des attributions de Monsieur X, ce dernier a adressé à Monsieur Y, Responsable Régional de LOUVRE HOTELS GROUP, un e-mail en date du 8 avril 2013, contestant son statut de Cadre dirigeant.

2) 12 juin 2013 : conclusion d’une rupture conventionnelle entre Monsieur X et la SNC CLORA

Le 5 juin 2013, Monsieur X a été convoqué à un entretien relatif aux modalités de l’éventuelle rupture conventionnelle.

Cet entretien s’est déroulé le 12 juin 2013, au cours duquel le formulaire a été signé par les parties. Monsieur X a effectué son dernier jour de travail le 19 juillet 2013.

Par courrier du 19 août 2013, Monsieur X a contesté son solde de tout compte.

3) 25 octobre 2013 : saisine du Conseil de prud’hommes de Meaux

Le 25 octobre 2013, Monsieur X a saisi le Conseil de prud’hommes de Meaux en contestation de son statut de Cadre dirigeant et d’une demande de paiement de ses heures supplémentaires.

II)  Le jugement du Conseil de prud’hommes de Meaux du 16 octobre 2015

A) Sur le co emploi

Le Conseil de prud’hommes relève que :

« Monsieur X est salarié de la SNC Clora devenue RMH, celle-ci faisant partie depuis 2008 et jusqu’en 2013 de LOUVRE HOTELS GROUP.

Il est établi (…) que LOUVRE HOTELS GROUP était l’associée unique de la SNC Clora et d’autre part que Monsieur Y gérant de la SNC Clora était également Directeur des Opérations au sein de Louvre Hotels Group.

Les échanges de mails et divers mémorandums produits démontrent encore que la stratégie de la SNC Clora était déterminée par Louvre Hotels Group, par l’intermédiaire de ses managers de la Direction du revenu ; il en était ainsi des tarifs, et promotions applicables à l’hotel Kyrial de Chelles ainsi que de la « stratégie pricing  dynamique » et de la gestion du planning de réservation.

Il apparait en outre que la gestion financière notamment les achats, la comptabilité et la gestion sociale était assurée par Louvre Hotels Group, qu’il s’agisse des embauches ou de la gestion de congés ou des contrats de prestations de services.

L’ensemble des emails revèle que Monsieur X recevait ses instructions de Louvre Hotels Group soit directement, soit par l’intermédiaire de son supérieur hiérarchique direct également responsable régional de Louvre Hotels Group.

Il est établi que la société Clora  ne disposait pas de son propre service de ressources humaines, l’embauche et la procédure de rupture conventionnelle de Monsieur X ayant été suivie par Madame Z, RRH de Louvre Hotels Group.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il existe entre RHM et  Louvre Hotels Group une confuse d’intérêt, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière et qui va au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les société appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer.

Il y a lieu de constater que Louvre Hotels Group est co employeur de Monsieur X ».

B) Sur le statut de cadre dirigeant

Dans une décision très motivée, le Conseil de prud’hommes relève que

« Monsieur X a été promu cadre dirigeant à compter du 1er mai 2015 et a exercé effectivement des fonctions conformes à son statut jusqu’au 1er juin 2010, date à laquelle, son contrat de travail a été transféré à la SNC CLORA.

Il ressort des documents versés aux débats :

  • qu’il a perdu la charge de la comptabilité ;
  • qu’il s’est vu imposer par Louvre Hotels Group les tarifications et offres promotionnelles ;
  • qu’il s’est vu imposer une nouvelle méthode de management appelé « pricing dynamique » ;
  • que la mise en place d’un système de réservation central spécifique à l’ile de France, la société  Louvre Hotels Group s’est substituée aux directeurs des hotels filiales pour les décisions relatives à la fixation des prix et au remplissage des hôtels ;
  • que Louvre Hotels Group s’est immiscée dans la gestion de ses embauches ;
  • que les contrats de prestations de services auparavant conclus par les directeurs d’hotel étaient désormais signés par le mandataire social du Groupe ;
  • que Monsieur X devait chaque semaine remplir un planning prévisionnel pour l’ensemble du personnel de son établissement, lui inclus ;
  • qu’il n’a jamais participé à la direction de l’entreprise et n’a jamais été consulté ni avisé des décisions stratégiques et des modifications des méthodes de gestion de son établissement.

S’agissant de sa rémunération, l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’elle figurait parmi les plus élevées de Louvre Hotels Group ».

Le Conseil de prud’hommes conclut que :

« Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Monsieur X a été progressivement dépossédé de l’ensemble des responsabilités dont il avait la charge et qui caractérisaient son statut de cadre dirigeant.

Il s’en suit que l’employeur ne peut lui opposer les dispositions spécifiques au statut de cadre dirigeant dès lors qu’elles sont plus défavorables au salarié, notamment en matière d’heures supplémentaires ».

« Monsieur X peut ainsi prétendre au paiement des heures supplémentaires au-delà de la durée hebdomadaire de 35 heures ».

C) Sur les heures supplémentaires

Le Conseil de prud’hommes relève que :

« Monsieur X produit les tableaux récapitulatifs des heures qu’il dit avoir travaillé et les plannings hebdomadaires du personnel, en ce compris lui-même pour les années 2010 à 2013.

Les défendeurs ne versent quant à eux aucun élément au débat pour justifier des heures réellement faites par le salarié, étant en outre relevé qu’en lui opposant sa qualité de cadre dirigeant pour justifier le non paiement d’heures supplémentaires, l’employeur reconnait explicitement l’existence de celles-ci, à défaut d’en connaitre le nombre exact.

Il ne peut pour les mêmes raisons opposer au salarié le fait que les heures supplémentaires auraient été effectuées par Monsieur X de sa propre initiative, sans l’accord de l’employeur alors qu’il reconnait expressément que ces plannings lui étaient adressés à titre indicatif et qu’il ne justifie pas avoir manifesté le moindre désaccord.

Enfin, le fait que Monsieur X revendique des heures effectuées sur ses jours de congés, ne discrédite en rien les informations portées sur les tableaux récapitulatifs produits  dès lors qu’il résulte d’un échange de mails entre le salarié et l’employeur que Monsieur X s’est parfois trouvé dans l’impossibilité, du fait de sa charge de travail, de prendre des congés qu’il avait pourtant posés.

Le salarié justifie d’heures supplémentaires effectuées et non payées sur les 3 années précédant la saisine dans les termes de sa demande à hauteur de 72.441 euros ainsi que des congés payés afférents ».

D) Sur le repos compensateur

Le Conseil de prud’hommes alloue au salarié la somme de 23.643 euros au titre du repos compensateur.

Le salarié est débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé au motif « qu’il ne peut être reproché à l’employeur un quelconque élément intentionnel ».

Le Conseil de prud’hommes accorde également au salarié 1.500 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Le Conseil de prud’hommes ordonne l’exécution provisoire du jugement car elle est « compatible avec la durée de l’affaire ».

Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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