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Assurances : licenciement sans cause d’un agent et paiement d’un rappel d’heures sup’ (CPH Nantes départ 7/11/23)

Publié le 27/01/2024 Vu 1 426 fois 0
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Dans un jugement du 7 novembre 2023 par la juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Nantes, un agent des services généraux obtient la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause.

Dans un jugement du 7 novembre 2023 par la juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Nantes, un agent d

Assurances : licenciement sans cause d’un agent et paiement d’un rappel d’heures sup’ (CPH Nantes départ 7/11/23)

Il obtient également le paiement d’heures supplémentaires, des dommages intérêts pour non-respect du repos quotidien et des dommages intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention des risques.

Au total, il obtient 23 000 euros bruts.

Le jugement est définitif, les parties n’ayant pas fait appel. 

I.                   Les faits

 Monsieur X a été engagé par le GIE FICS le 21 janvier 2019 en qualité d'agent des services généraux, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, au statut employé, classe B. La convention collective des entreprises de courtage d'assurances s'applique à la relation de travail. Monsieur X bénéficiait d'un logement de fonction sans obligation de résidence dans les locaux de l'entreprise où il a emménagé en mai 2019. Monsieur X a fait l'objet des arrêts de travail suivants :

- du 26 août au 8 septembre 2019,

- du 2 au 20 octobre 2019 à la suite d'un accident du travail,

- du 23 mars au 1° avril 2020,

- du 7 mai au 19 juin 2020,

- du 3 au 28 février 2021,

- et du 6 mars au 23 avril 2021.

Le GIE a convoqué Monsieur X, par courrier du 6 avril 2021, à un entretien préalable à licenciement. Monsieur X a été mis à pied à titre conservatoire pour la période du 7 au 23 avril 2021. Par lettre datée du 22 avril 2021, Monsieur X a été licencié pour faute grave et insuffisance professionnelle.

Monsieur X a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes le 15 décembre 2021 des demandes précisées plus haut et soulève que partie des faits reprochés sont prescrits.

L'employeur demande le débouté de l'intégralité de ses demandes et sa condamnation à lui verser 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile, le conseil de prud'hommes de Nantes se rapporte aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 19 septembre 2023, pour un plus ample exposé.

II.                 Motifs du jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 7 novembre 2023

Le Conseil de prud'hommes de Nantes, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

. Constate que les faits de contestation retenus comme griefs par l'employeur sont prescrits :

. Requalifie le licenciement de Monsieur X pour faute grave et insuffisance professionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. Fixe le salaire moyen de référence de Monsieur X à 2 092,28 euros bruts ;

. Condamne le GIE FICS à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

- 203,47 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires sauf à déduire les heures supplémentaires déjà réglées (1 heure supplémentaire majorée à 25% et 1 heure supplémentaire majorée à 200% sur son bulletin de paie de juillet 2019 ; une demi-heure supplémentaire majorée à 25% sur son bulletin de pale de decembre2019;1 heure et 15 minutes supplémentaires majorées à 25% sur son bulletin de pale de Janvier 2020) ;

- 20,35 euros bruts au titre des congés payés afférents sous déduction des congés payés déjà versés ;

- 1 500 euros nets à titre de dommages-intérêts du fait du non-respect du repos quotidien ;

- 1 500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation en matière de prévention des risques ;

- 386,96 euros bruts à titre de rappel de salaire du fait de la mise à pied conservatoire ;

- 38,69 euros bruts au titre des congés payés afférents :

-4 184,56 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 418,45 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 3 923,02 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement :

- 7 322,98 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ces sommes portant intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter de la notification du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire, avec anatocisme ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne au GIE FICS de remettre à Monsieur X l'attestation Pôle Emploi, un bulletin de paie récapitulatif et un solde de tout compte conformes à ce jugement, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document à compter du 30éme jour suivant la notification de ce jugement jusqu'au 90éme jour :

Déboute Monsieur X de ses demandes de rappels de salaire pour astreintes, indemnité pour dissimulation d'emploi salarié et dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et circonstances brutales et vexatoires du licenciement :

Déboute le GIE FICS de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par GIE FICS des indemnités-chômage perçues par Monsieur X à Pole Emploi dans la limite de 6 mois ;

Condamne le GIE FICS aux dépens.

***

1)      Sur la requalification de certains griefs en faits fautifs et leur prescription :

L'article L.1332-4 du Code du travail prévoit : "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales". Le délai de 2 mois court à compter du jour où la faute est portée à la connaissance de l'employeur.

En l'espèce, le salarié fait valoir que les griefs qualifiés par l'employeur d'insuffisance professionnelle et consistant dans un "un esprit contestataire ", "Contestation systématique des missions demandées avant de les exécuter parfois partiellement », seraient, s'ils étaient justifiés, constitutifs d'une faute et non d'une insuffisance professionnelle.

La faute est un acte volontaire ou une abstention également volontaire qui constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles. L'insubordination décrite plus haut entre dans la catégorie de la faute en raison de son caractère volontaire. Monsieur X ayant été convoqué à un entretien préalable le 7 avril 2021, l'ensemble des faits antérieurs au 7 février 2021 ou non datés sont prescrits.

Les faits d'insubordination n'étant pas datés, ils sont donc prescrits.

2)      Sur le grief de faute grave du 31 mars 2021 :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. En matière disciplinaire, il incombe à l'employeur d'énoncer des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables (Cass. Soc. 14 mai 1996 n°94-45499). En cas de doute, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur expose dans la lettre de licenciement qui circonscrit les griefs disciplinaires que le 31 mars 2021 "vous avez agressé verbalement" un technicien d'une entreprise prestataire "au point qu'il a eu peur de votre réaction et d'une agression physique". Monsieur X ne conteste pas avoir eu un échange verbal que sa compagne qualifie de "ferme" avec l'employé mais réfute avoir eu une attitude ou des propos agressifs. L'employeur justifie de l'émotion de ce salarié en produisant l'attestation de son responsable qui dit avoir été informé le jour même. Cependant le salarié prestataire, Monsieur Y, s'il atteste que Monsieur X est « sorti de son appartement torse-nu » et dit avoir ressenti son attitude "de manière très agressif et menaçant », ne précise pas les gestes et les propos de son interlocuteur. Les gestes et les propos ne sont pas plus précisés dans la lettre de licenciement. Le rappel par Monsieur Z (cadre de la société prestataire) que : "Concernant les prestations de 2020, les altercations avec le gardien ont débuté dès le mois de février. Elles se sont reproduites avec une agressivité verbale importante. Nos techniciens ont pris peur plusieurs fois" ne contient pas plus de précisions et n'a pas donné lieu à recadrage ou avertissement. Monsieur A, collègue de Monsieur Y, Indique "avoir été à plusieurs reprises importuné par le gardien Monsieur X à l'occasion de nos interventions en entretiens espaces verts". L'emploi du mot « Importuné » ne caractérise pas pleinement des faits d'agressivité verbale.

En conséquence, le doute devant profiter au salarié et l'employeur n'ayant pas entièrement justifié du fait fautif, le conseil de prud'hommes ne retient pas ce grief.

3)      Sur l'insuffisance professionnelle :

Au terme de la requalification de certains griefs opérée et de la prescription, il ne subsiste plus dans le courrier de licenciement que les griefs suivants :

- « Non-application du planning » :

Cependant lors de son entretien individuel au titre de l'année 2020, Monsieur B a indiqué que ce planning n'était pas applicable à son poste.

Par conséquent, ce grief est infondé.

- "Refus de voir quelqu'un utiliser votre bureau arguant l'absence de nettoyage ; manquements dans certaines de vos missions (par exemple : lors de votre ronde du soir, vous n'avez pas effectué toutes les vérifications nécessaires et avez enfermé un salarié dans les locaux)."

L'employeur allègue que la justification d'autres insuffisances ressortirait des entretiens annuels d'évaluation. Cependant le conseil de prud'hommes constate que le premier entretien n'est pas signé et n'a de ce fait pas de force probatoire.

En ce qui concerne le second, les mentions négatives sur le salarié ne sont pas corroborées par d'autres éléments (ex-attestations de salariés, mail de rappel de taches mal faites, etc.) à l'exception du reproche tenant à une ronde n'ayant pas permis de déceler la présence de deux salariés qui ont dû faire appel à Monsieur X pour ouvrir la porte, l'horaire de fermeture étant dépassé. L'employeur date ce fait dans ses conclusions au mois de mars 2020 alors qu'un des témoins parle d'avril 2020 (étant rappelé que sur partie de ces deux mois le salarié avait son contrat suspendu par un arrêt de travail).

Il résulte de l'attestation de Monsieur C, qui écrit : "Monsieur D est venu me chercher au 3 étage après être descendu au rez-de chaussée pour me faire remarquer qu'il ne pouvait pas partir. Or, elles étaient toutes fermées à clé. J'ai alors appelé Monsieur X au téléphone. Celui-ci a mis beaucoup de temps pour me répondre et me faire remarquer que l'entreprise fermait à 17h. Il a quand même finalement accepté de passer ouvrir les locaux (vers 17h30). Le lendemain lorsque j'ai revu Monsieur X, je lui ai indiqué qu'il aurait dû remarquer lors de son tour de ronde obligatoire que Monsieur D et moi-même étions toujours dans les bâtiments et que nous avions eu la crainte d'y être enfermés, toutes les sorties étant verrouillées. Monsieur X m'a alors fait comprendre que cela me servirait de leçon et que je n'avais qu'à sortir à l'heure la prochaine fois. » que le salarié a ouvert les portes qui avaient été préalablement fermées à l'heure officielle de sortie.

Le fait de ne pas avoir aperçu les salariés qui étaient restés au-delà de l'heure sans penser à le prévenir peut s'expliquer par la taille des locaux, leur absence momentanée de leur bureau. Il existe donc un doute sur les circonstances de cette ronde n'ayant pas permis de percevoir la présence de deux salariés et le conseil de prud'hommes ne retient pas ce grief.

En ce qui concerne les autres griefs d'insuffisance professionnelle, en l'absence d'éléments les accréditant, autre qu'une mention elliptique sur le second entretien d'évaluation, ils ne sont pas non plus justifiés. En conséquence, le licenciement est qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4)      Sur les demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail :

Le salaire moyen de référence de Monsieur X est de 2 092,28 euros bruts.

- Sur l’Indemnité de licenciement :

L'article L.1234-9 du Code du travail dispose que : "Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement". Selon l'article 37 de la convention collective nationale : "L'indemnité prévue au présent article se calcule, par tranches additionnelles, comme suit :

- de 8 mois jusqu'à 18 mois d'ancienneté : 50 % du salaire mensuel de référence tel que défini à l'alinéa précédent,

- au-delà de 18 mois et jusqu'à 3 ans d'ancienneté : 100% du salaire mensuel de référence tel que défini a l'alinéa précédent".

Monsieur X avait 2 ans et 3 mois d'ancienneté, soit :

(2.092,28 euros bruts x 1,5) + [(2.092,28 euros bruts x 0,75) x 0,5] = 3 923,02 euros.

Par conséquent, le conseil de prud'hommes condamne le GIE FICS à payer à Monsieur X la somme de 3923,02 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- Sur l'indemnité de préavis :

L'article L.1234-5 du Code du travail dispose que : "Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice".

L'employeur est donc condamné à lui régler la somme de 4 184,56 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents d'un montant de 418,45 euros bruts.

- Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire :

Le licenciement notifié à Monsieur X étant sans cause réelle et sérieuse il est reçu dans sa demande de rappel de salaire et l'employeur est condamné à lui régler 386,96 euros. et 38,69 euros de congés payés afférents.

- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Monsieur X a, préavis compris, une ancienneté de 2 ans et 5 mois.

Il justifie de sa situation de demandeur d'emploi entre mai et octobre 2021 et a retrouvé un contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2021.

Compte tenu de cette situation pécuniaire, le conseil de prud'hommes condamne l'employeur à lui verser la somme de 7 322,98 euros.

5)      Sur les dommages et intérêt pour conditions brutales et vexatoires du licenciement et exécution déloyale du contrat de travail :

Monsieur X fait valoir que la demande de quitter son logement de fonction a été brutale, cependant, d'une part, le contrat de travail prévoit expressément que le logement de fonction situé sur les lieux du travail dépend du contrat et, d'autre part, il a été laissé au salarié plus de trois semaines pour déménager (d'autant que Monsieur X admet lors des débats qu'il avait déjà anticipé ce déménagement en entreposant ses meubles dans un box) de telle sorte que la demande de quitter le logement n'est pas brutale.

Monsieur X soutient que le contrat de travail a été exécuté de manière déloyale car il lui a été imposé de déménager des meubles dans des locaux autres que ceux de son employeur (selon la mention manuscrite apposée sur la pièce du demandeur pour une personne membre du GIE), cependant le salarié ne justifie pas du préjudice qui serait résulté de ces heures de travail.

Monsieur X ajoute qu'il aurait fait l'objet d'une vidéo surveillance du logement de fonction sans information préalable.

L'employeur reconnaît qu'en mars 2021 des caméras ont été installées dans les espaces extérieurs des locaux du GIE mais alors qu'avant la saisine des prud'hommes, l'employeur avait indiqué au salarié que la caméra avait été paramétrée avec un filtre pour empêcher de visualiser les fenêtres et porte du logement de fonction de Monsieur X et l’avait invité à venir le vérifier en venant visualiser les images, le salarié semble n'en avoir rien fait. En outre il ne justifie pas du préjudice qui serait résulté pour lui de ce grief allégué.

En conséquence, Monsieur X est débouté de cette demande de dommages et intérêts.

 6)      Sur les demandes relatives à l'exécution du travail :

Monsieur X sollicite :

- 17 506 € au titre d'astreintes réalisées au cours des deux années d'exercice au sein du GIE.

- 357.83 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les Interventions.

- Sur les astreintes :

L'article L. 3121-9 du Code du travail définit comme suit cette sujétion : "une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.".

Il incombe au salarié de justifier qu'il était obligé de demeurer constamment à son domicile ou à proximité en vue de répondre à un appel de son employeur pour effectuer un travail au service de l'entreprise.

Monsieur X affirme qu'il était chaque midi, nuit et chaque week-end en astreinte, y compris durant ses arrêts-maladie sauf pendant ses congés, depuis qu'il avait emménagé dans son logement de fonction.

L'employeur soutient qu'à défaut d'avoir stipulé les astreintes dans le contrat de travail (ce qui aurait été impossible d'ailleurs car elles n'étaient prévues ni par accord collectif, ni fixées après consultations des institutions représentatives du personnel), il ne résulte pas du fait non contesté que le salarié est intervenu environ 1 fois par mois pour exécuter une tâche (principalement ouverture et fermeture des locaux) qu'il était soumis à une astreinte et devait se tenir à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, le salarié était muni d'un téléphone professionnel et les appels y compris de SECURITAS qui avait ce numéro professionnel ont été passés par le biais de ce téléphone. Le salarié ne justifie pas (autrement que par une mention portée sur un entretien d'évaluation non signé) qu'il était tenu de garder le téléphone professionnel ouvert hors ses heures de travail.

D'ailleurs, à son mail du 22 avril 2020 par lequel Monsieur X signalait à son N+2 : « Contrainte téléphonique (téléphone de fonction) les soirs, les week-ends et les jours fériés sans rémunération (contrainte téléphonique 24/24, 7jours/7 pour être disponible pour Securitas et/ou de la direction et/ou des chauffeurs de la direction). Selon mon contrat de travail, l'avantage en nature de ce logement de fonction ne stipule aucunement que je sois présent et/ou intervienne en cas de déclenchement de l'alarme incendie et/ou d'intrusions les soirs de semaine, les week-ends et les jours fériés, ce qui est pourtant le cas depuis mai 2019. Et que cela permet à certains collaborateurs ou directeurs de profiter de ma présence pour jouir d'un quelconque droit sur ma personne et de profiter de ma présence pour ne pas respecter les règles établies me concernant. Malgré mon arrêt maladie du mois de mars 2020 je suis intervenu sur une alarme dérangement dans le local 509 (local informatique) ».

L'employeur précisait en réponse : « Contrainte téléphonique : un téléphone professionnel vous a été attribué compte tenu de vos fonctions. Il n'a pas vocation à être utilisé systématiquement les soirs et week-ends. Là encore cela doit s'inscrire dans le cadre évoqué au point 1. Je vous invite à faire un récapitulatif des cas dont vous faites mention pour voir quelles mesures pourraient être prises. Sur les interventions ponctuelles tardives : elles ne peuvent qu'être exceptionnelles et sous réserve de votre disponibilité. Là encore, cela doit rentrer dans le cadre défini au point 1° ».

Le salarié savait donc depuis ce mail qu'il n'était pas tenu de garder son téléphone de fonction ouvert pour répondre aux sollicitations.

D'ailleurs sa compagne indique qu’à plusieurs reprises pendant l'absence de mon compagnon, « j'ai été réveillée par les alarmes en pleine nuit ». Or le salarié n'a pas reçu de recadrage pour ses absences indiquées par sa compagne qui ne lui ont pas permis de procéder au contrôle requis par SECURITAS en cas d'alerte ce qui démontre que l'employeur n'exigeait pas de lui une disponibilité constante.

Le salarié n'ayant pas justifié qu'il était soumis à des astreintes, sa demande d'indemnité ou de rappel de salaire à ce titre est rejetée.

- Sur les interventions :

L'article L.3121-9 du Code du travail dispose que « La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. »

Le salarié justifie des interventions suivantes (le conseil de prud'hommes souligne que le salarié est intervenu sans contrainte puisque n'étant pas d'astreinte il pouvait suspendre son téléphone professionnel mais relève que l'employeur bien qu'avisé de ces interventions ne les a pas encadrées d'emblée et qu'elles s'analysent donc en heures supplémentaires autorisées) :

- Le 29 avril 2019, Monsieur X "a été contraint" d'ouvrir les locaux de l'entreprise à Enzo ;

- Les 27 et 28 mai 2019, Monsieur X "a été contraint" de fermer les locaux de l'entreprise à 21h15 ;

- Le 29 mai 2019, Monsieur X "a été contraint de fermer les locaux de l'entreprise à 23h30 ;

- Le 18 juin 2019, Monsieur X "a été contraint" d'intervenir dans les locaux de l'entreprise à 17h30 ;

- Le 19 juin 2019, Monsieur X "a été contraint" d'intervenir dans les locaux de l'entreprise à 8h30 et entre 12h et 12h30 ;

- Le 20 Juin 2019, Monsieur X "a été contraint" d'intervenir dans les locaux de l'entreprise a 3h30, entre 12h et 12h30 el à 17h30 ;

- Le 21 Juin 2019, Monsieur X "a été contraint* d'Intervenir dans les locaux de l'entreprise à 8h30, entre 12h et 12h30 et à 17h30 ;

- Le 24 juin 2019, Monsieur X "a été contraint d'intervenir dans les locaux de l'entreprise à 8h30, entre 12h et 12h30 et à 17h30 ;

- Le 25 juin 2019, Monsieur X *a été contraint* d'intervenir dans les locaux de entreprise à 7h ;

- Le 26 juin 2019, Monsieur X *a él6 contraint de fermer les locaux de l'entreprise à 23h15 ;

-  Le samedi 14 mars 2020, Monsieur X *a été contraint d'ouvrir les locaux de l'entreprise à 8h30 et de les fermer à 15h30 suite à une intervention informatique ;

- Le 29 avril 2020, Monsieur X a été contacté à 7h25, 13h59 et 0h25 par SECURITAS et a dû se déplacer pour intervenir ;

- Le vendredi 17 juillet 2020, Monsieur X a été contraint de fermer les locaux de l'entreprise à 23h25 suite à une intervention Informatique ;

- Le vendredi 16 octobre 2020, Monsieur X a été contraint" de fermer les locaux de l'entreprise à 23h45 suite à une intervention informatique ;

- Le 23 novembre 2020, alors qu'il était en arrêt-maladie, Monsieur X a été contacté à 19h50 par SECURITAS pour une alerte incendie ;

- Le 1er janvier 2021, jour férié, Monsieur X a été contraint d'assurer la fermeture des locaux qui n'avait pas été effectuée la veille au soir par SECURITAS ;

- Le 13 janvier 2021, Monsieur X a été contacté à 8h25 par le chauffeur de Monsieur B ;

- Le 14 janvier 2021, Monsieur X a été contacté à 12h15 par le chauffeur de Monsieur B ;

- Le 15 janvier 2021, Monsieur X a été contacté à 8h25 par le chauffeur de Monsieur B ;

- Le 25 janvier 2021 à 21h10, Monsieur X a été contacté par un collaborateur de l’entreprise afin qu'il lui rouvre les locaux pour récupérer son ordinateur portable ;

- Le 14 février 2021, Monsieur X a été contacté à 12h15 par le chauffeur de Monsieur B ;

- Le 18 février 2021, alors qu'il était en arrêt-maladie, Monsieur X a été contacté à 1h38 par SECURITAS pour une alerte incendie et a "di se déplacer pour intervenir ;

- Le 5 mars 2021, Monsieur X *o été contraint de fermer les locaux à 19h45 alors que cette tâche était désormais dévolue à SECURITAS et qu'il était en arrêt-maladie ;

- Le 18 mars 2021, alors qu'il était en arrêt-maladie, Monsieur X a été contacté à 1h32 par SECURITAS pour une alerte incendie et a "di se déplacer pour intervenir ;

- Le 30 mars 2021, durant son arrêt-maladie, Monsieur X a été contraint d'ouvrir le parking à un collaborateur du GIE FICS, celui-ci ayant été fermé par SECURITAS ;

- Le 4 avril 2021, alors qu'il était en arrêt-maladie, Monsieur X a été contacté à 0h11 et 1h22 par SECURITAS pour une alerte incendie et a dû se déplacer pour intervenir ;

- Le 6 avril 2021, alors qu'il était en arrêt-maladie, Monsieur X a été contacté à 9h47 par SECURITAS.

Le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il réclame.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé qu'en cas de litige relatif à existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectués, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, Monsieur X est intervenu, à plusieurs reprises entre le 29 avril 2019 et le 7avril 2021, dans les locaux de la société en dehors de ses heures de travail.

L'employeur ne conteste pas ces interventions mais fait valoir que ces interventions ont été rémunérées de la manière suivante :

- une heure supplémentaire majorée à 25% et 1 heure supplémentaire majorée à 200% sur son bulletin de paie de juillet 2019 ;

- une demi-heure supplémentaire majorée à 25% sur son bulletin de pale de décembre 2019 ;

- une heure et 15 minutes supplémentaires majorées à 25% sur son bulletin de pale de janvier 2020 cependant ces rémunérations n'incluent pas l'ensemble des interventions retracées plus haut qui correspondent à 12,5 heures supplémentaires majorées à 25% ;

- 7 heures supplémentaires majorées à 200% pour le travail de nuit après 22h ;

- 0,5 heure supplémentaire majorée à 200% pour le travail un jour férié (01/01/2021).

Par conséquent, le conseil de prud'hommes condamne le GIE FICS à payer à Monsieur X la somme de (11,2259 X 25% x 12,5) + (11,2259 X 7,5 x 200%) = 203,47 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, et 20,35 euros bruts au titre de congés payés afférents sous déduction des heures supplémentaires déjà réglées (1heure supplémentaire majorée à 25% et 1 heure supplémentaire majorée à 200% sur son bulletin de pale de juillet 2019 ; une demi-heure supplémentaire majorée à 25% sur son bulletin de paie de décembre2019 ; 1heure et 15 minutes supplémentaires majorées à 25% sur son bulletin de paie de janvier 2020).

7)      Sur les dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien :

Selon l'article L.3131-1 du Code du travail, "tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

En l'espèce, le salarié soutient sans être contredit que la durée du repos quotidien a été raccourcie :

- Le 29 mai 2019, Monsieur X a été contraint de fermer les locaux de l'entreprise à 23h30 au lieu de 20h45 pour reprendre son poste le lendemain matin à 9h, soit un repos de 9,5 heures au lieu de 11h ;

- Le 18 juin 2019, Monsieur X a été contraint d'intervenir à 17h30 alors qu'il terminait son poste à 17h ;

- Le 24 juin 2019, Monsieur X a quitté son poste à 20h45 et a été contraint d'ouvrir les locaux de l'entreprise à 7h le lendemain, soit un repos de 10,25 heures au lieu de 11h ;

- Le 26 juin 2019, Monsieur X a été contraint de fermer les locaux de l'entreprise à 23h15 au lieu de 20h45 pour reprendre son poste le lendemain matin à 9h, soit un repos de 9,75 heures au lieu de 11.

En conséquence, au regard du caractère de santé et de sécurité attaché à la règle européenne de respect du repos, le conseil de prud'hommes condamne le GIE FICS à payer à Monsieur X la somme de 1500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien.

8)      Sur la demande d'indemnité au titre d'un travail dissimulé :

Au regard du faible nombre d'heures supplémentaires le conseil de prud'hommes dit que l'intention de l'employeur n'est pas établie et déboute Monsieur X de sa demande à ce titre.

 

9)      Sur les dommages-intérêts pour manquement en matière de prévention des risques d'atteinte à la santé mentale et physique des travailleurs :

L'article L.4121-1 du Code du travail dispose que : "L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes".

L'article L.4121-2 du même Code précise que : "L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques :

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concere la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.".

En l'espèce, Monsieur X se plaint d'avoir subi des nuisances sonores dans son logement de fonction du fait des jardiniers.

Le conseil de prud'hommes, au regard de la faible fréquence d’intervention de la société « Les jardins de Gally », prestataire du GIE FICS, pour entretenir le jardin à proximité immédiate du domicile, retient qu'il s'agit d'un bruit ne constituant pas par sa répétition ou son intensité une nuisance. Monsieur X se plaint de ne pas avoir été convoqué à une visite médicale de reprise après son accident de travail ayant entraîné un arrêt de travail du 2 au 20 octobre 2019, toutefois la visite de reprise obligatoire en application de l’article R.4624-31 du Code du travail ne se justifie qu’après un accident de travail avec arrêt de travail de plus de 30 jours. Monsieur X soutient avoir été exposé à des risques électriques et justifie n'avoir obtenu son habilitation pour la maintenance des installations électriques du bâtiment qu'en septembre 2020, de même il n'a reçu des chaussures de sécurité et des gants qu'au milieu de l’année 2019 et lors du premier confinement, il n'a pas (comme la majeure partie des Français) reçu masque, ni gants adaptés.

L'employeur tenu à une obligation de moyens renforcée ne verse pas les documents exigés par l'article R.4121-1du Code du travail (L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L.4121-3.).

En conséquence, le conseil de prud'hommes condamne la société à payer à Monsieur X la somme de 1500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de prévention des risques.

Sur le calcul des intérêts :

Les sommes allouées à Monsieur X produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la notification de ce jugement pour les autres, outre le bénéfice de l'anatocisme.

10)  Sur la remise de documents de fin de contrat conformes :

Afin de permettre à Monsieur X l'exercice de ses droits sociaux, le conseil de prud'hommes ordonne au C FICS de lui remettre l'attestation Pôle Emploi, un bulletin de paie récapitulatif et un solde de tout compte conforme à ce jugement, sous astreinte, de 20 euros par jour de retard et par document à compter du 30éme jour suivant la notification de ce jugement jusqu'au 90éme jour.

11)  Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'employeur succombant est condamné aux dépens, débouté de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné à verser au salarié la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les conditions de l'article L.1235-4 du Code du travail étant réunies, le conseil des prud'hommes ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644

.Lille: : 45, Rue Saint Etienne 59000 Lille – Ligne directe +(33) 03.20.57.53.24

 

 

 

 

 

 

 

 

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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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