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Clause de non-concurrence - Nullité de la clause d’un Directeur des opérations d’Elior Entreprises (CPH Nanterre, Encadrement 9/01/2020)

Publié le 21/02/2020 Vu 5 379 fois 0
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En 1997, Monsieur X est embauché en qualité de Directeur des opérations par Elior Entreprises, société de restauration collective.

En 1997, Monsieur X est embauché en qualité de Directeur des opérations par Elior Entreprises, société de

Clause de non-concurrence - Nullité de la clause d’un Directeur des opérations d’Elior Entreprises (CPH Nanterre, Encadrement 9/01/2020)

Le 1er janvier 2012 le salarié a signé un avenant prévoyant une interdiction de concurrence.

La clause interdit au salarié l’exercice d’une activité concurrence sur l’ensemble du territoire français pendant 1 an et demi (18 mois) pour une contrepartie de :

-       25% du dernier salaire brut pendant 12 mois ;

-       20% du dernier salaire brut pendant les 6 mois suivants.

La clause ajoute qu’en cas de violation de l’interdiction de non-concurrence, le salarié devra rembourser à la société les sommes perçues et lui verser 6 mois supplémentaire de salaire.

Enfin, la clause précise que « la société pourra cependant réduire la durée d’application de la présente clause ou libérer le co-contractant de l’interdiction de concurrence ».

En août 2018, le Directeur des Opérations a notifié sa démission.

La société a décidé de ne pas lever sa clause de non concurrence de son Directeur.

L’ancien Directeur des opérations a adressé en décembre 2018 un courrier à la société arguant de la nullité et du nul effet de la clause de non concurrence.

C’est dans ces conditions que le 17 décembre 2018, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de Nanterre.

***

Dans son jugement du 9 janvier 2020, le Conseil de prud’hommes de Nanterre considère que les conditions cumulatives de licéité de la clause de non-concurrence ne sont pas réunies et il conclut à la nullité de la clause de non-concurrence du Directeur des Opérations.

Le Conseil de Prud’hommes condamne Elior Entreprises à payer au Directeur des opérations la somme de « 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ».

Le salarié obtient également 500 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Le Jugement du Conseil de Prud’hommes de Nanterre 9 janvier 2020 n’est pas définitif, les parties peuvent interjeter appel dans un délai d’un mois.

 ***

La jurisprudence a construit le régime des clauses de non-concurrence validant leur licéité sous réserves de la réunion de 4 conditions cumulatives :

1.       La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ;

2.       La clause doit comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. ;

3.       La clause doit être limitée dans le temps et dans l'espace ;

4.       La clause doit tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié ;

 

 1) Sur la protection des intérêts légitimes de l’employeur et le versement d’une contrepartie financière au salarié

 Dans son jugement du 9 janvier 2020, le Conseil de Prud’hommes de Nanterre affirme que :

 «  A l’aune des niveaux de contreparties pécuniaires pratiqués sur le marché de la restauration collective, le Conseil ne considère pas qu’il s’agisse d’une contrepartie qualifiable de dérisoire.

Plus délicate sont en revanche d’une part, la réduction au bout de douze mois d’interdiction de concurrence de la contrepartie pécuniaire de 5% et d’autre part la circonstance selon laquelle la clause pénale à laquelle s’exposerait Monsieur X en cas de violation de l’interdiction de concurrence soit d’un montant significativement supérieur (six mois au regard de l’avenant du 1er janvier 2012) au montant de la contrepartie pécuniaire. 

Le Conseil en déduit qu’il existe donc une disproportion manifeste entre la nécessité pour la société ELIOR ENTREPRISES de sauvegarder ses intérêts commerciaux et l’atteinte à la liberté de travailler de Monsieur X. 

En cela, la clause de non-concurrence conclue en date du 1er janvier 2012 devra être considérée comme disproportionnée.»

En l’espèce ce n’est pas la contrepartie versée au salarié qui a été jugé disproportionné par les juges mais bien la sanction pécuniaire auquel le salarié s’exposait en cas de violation de la clause.

 

En effet le montant de 6 mois de salaire ainsi que le remboursement de toutes sommes perçues par le salarié a emporté la décision du Conseil de Prud’hommes jugeant la clause disproportionnée.

 

2) Sur le périmètre géographique

 Dans son jugement, le Conseil de Prud’hommes de Nanterre affirme que :

 

« S’agissant du champ d’application professionnel et géographique de la clause de non-concurrence de Monsieur X, le Conseil considère que la France métropolitaine ne peut, en application du droit positif, être considéré comme étant un périmètre trop large d’interdiction de concurrence »

La limitation spatiale doit correspondre à l’implantation de l’entreprise ou encore aux lieux de travail du salarié.

La limitation temporelle renvoie à la durée nécessaire de protection des données concurrentielles. L’appréciation se fait in concreto.

Même si cette solution jurisprudentielle est critiquable, le Conseil de Prud’hommes a fait application d’une jurisprudence constante visant à valider la clause de non concurrence visant l’ensemble du territoire français (Cass Soc 15 décembre 2009 n°08-44.847).

 

3) Sur les spécificités de l’emploi du salarié

Dans son jugement, le Conseil de Prud’hommes de Nanterre affirme que :

« Les fonctions de Directeur des opérations couvrant un spectre particulièrement large au sein d’une entreprise, l’interdiction pour Monsieur X d’occuper des fonctions dans des activités relevant du secteur de la restauration collective, s’agissant d’un salarié ayant construit la quasi intégralité de son expérience professionnelle dans ce domaine, est de nature à porter une atteinte disproportionnée à sa liberté de travailler. »

La clause de non-concurrence, par ses modalités, ne doit pas se transformer en une impossibilité pour le salarié de retrouver un emploi.

La jurisprudence de façon constante décide que « pour être valable, une clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre » (Cass. soc., 18 oct. 1952 :) et ne doit pas porter « gravement atteinte à la liberté du travail » (Cass. soc., 4 mars 1970 :).

A cet égard, la Cour de cassation a par exemple jugé qu’une clause de non-concurrence qui interdisait au salarié d'entrer au service, en France et pendant un an, d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente au détail de vêtements et matériel de sport grand public, et qui ne permettait pas au salarié de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle, était illicite et devait être annulée (Cass. soc., 18 sept. 2002, n° 99-46.136 ).

 

4) Sur la faculté de l’employeur de modifier l’étendue de l’obligation de la clause de non concurrence

Le Conseil de Prud’hommes de Nanterre considère que :

 « S’agissant du caractère prétendument potestatif de la clause, le Conseil relève que l’avenant précité ouvre la possibilité à la société de « réduire la durée d’application de la présente clause » ce qui participe effectivement du caractère potestatif de l’interdiction à la liberté de travailler portée à Monsieur X. »

Lorsque la clause ne dépend que de la volonté de l’une des parties elle est dite potestative.

De manière constante, la jurisprudence considère nulle dans son ensemble la clause de non-concurrence réservant à l’employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle fait peser sur le salarié, celui-ci ne pouvant être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler (Cass. soc., 2 déc. 2015, n° 14-19.029).

 

Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

Marion Simoné, élève avocate

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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