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Discrimination syndicale : condamnation d’EDIMARK pour licenciement nul d'une dessinatrice d’exécution et paiement d’heures supplémentaires (CA Paris 12 juin 2025)

Publié le Modifié le 30/06/2025 Vu 774 fois 0
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Edimark est condamnée à payer à la salariée dessinatrice d’exécution des dommages intérêts pour discrimination syndicale.

Edimark est condamnée à payer à la salariée dessinatrice d’exécution des dommages intérêts pour discr

Discrimination syndicale : condamnation d’EDIMARK pour licenciement nul d'une dessinatrice d’exécution et paiement d’heures supplémentaires  (CA Paris 12 juin 2025)

La prise d’acte de la dessinatrice produit les effets d’un licenciement nul.

La société est condamnée également à payer des heures supplémentaires à la salariée.

La dessinatrice est déboutée de ses autres demandes.

1)      EXPOSE DU LITIGE

Après une collaboration en tant que graphiste indépendante, Mme  X a été engagée par la société Edimark, éditrice de publications scientifiques, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 avril 2018, en qualité de dessinatrice d’exécution niveau X, 2ème échelon de la convention collective de la presse d’information spécialisée.

Ayant obtenu une revalorisation salariale en octobre 2018, elle a sollicité par courrier du

8 janvier 2019 la reconnaissance de sa qualification de rédacteur graphiste.

La Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels lui a attribué le 25 mars 2019 sa première carte de journaliste professionnelle.

 

Mme X a saisi le 27 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Paris en sa formation de référé afin d’obtenir la communication de pièces de comparaison détenues par son employeur, en vain, l’ordonnance du 26 février 2020 ayant dit n’y avoir lieu à référé tant pour la demande principale que pour la demande reconventionnelle et laissé les dépens à la charge de la demanderesse.

 

Sur recours de la salariée, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 14 janvier 2021, a accédé à sa demande de communication du livre d’entrées et de sorties du personnel pour les années 2017 à 2019, des contrats de travail et avenants ainsi que des bulletins de salaire des années 2017 à 2019 de huit salariés (MM. M., M., B., P. et Mmes D., B., A. et M.) ainsi que des bulletins de paie d’une de ses collègues, Mme Langlais, d’avril 2018 à décembre 2018, à condition d’être préalablement anonymisés.

Du 25 novembre 2019 au 9 avril 2020, le contrat de travail de Mme X a été suspendu pour cause de maladie.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, au fond, le 27 décembre 2019.

Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 6 mars 2020.

 

Le conseil de prud’hommes de Paris, par jugement du 24 août 2023, a :

- dit être saisi de l’ensemble des chefs de demande constituant le litige,

- rejeté les pièces produites par Mme X numérotées 22, 57 et 65,

- dit sans objet la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X,

- dit recevables les demandes formées au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail,

- dit que Mme X a effectué des heures supplémentaires non rémunérées entre le

28 juin 2018 et le 22 novembre 2019,

- dit que la prise d’acte de la rupture constitue une démission,

- condamné la société Edimark à payer à Mme X les sommes suivantes :

- 2 224,43 euros au titre des heures supplémentaires,

- 222,44 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter

de la réception par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation,

- ordonné la délivrance du bulletin de paie rectificatif et d’une attestation Pôle Emploi

rectifiée,

- ordonné l’exécution provisoire,

- débouté Mme X du surplus de ses demandes,

- débouté la société Edimark de ses demandes,

- condamné la société Edimark aux dépens.

Mme X a interjeté appel du jugement le 2 octobre 2023.

2)      MOTIFS DE L’ARRET

 La cour d’appel de Paris, après en avoir délibéré,

REJETTE des débats les pièces n° 22, 57 et 65 du dossier de Mme X, ainsi que leur référence dans les conclusions de cette dernière dans le cadre de la présente instance,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la discrimination syndicale, aux effets de la prise d’acte, aux indemnités de rupture, lesquelles sont infirmées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme Véronique

X a eu les effets d’un licenciement nul,

CONDAMNE la société Edimark à payer à Mme X les sommes de :

- 2 000 € de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

- 5 200 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

- 520 € au titre des congés payés y afférents,

- 3 900 € à titre d’indemnité de licenciement,

- 16 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les intérêts au taux légal, sont dus à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes pour les créances de sommes d’argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi et à compter du présent arrêt pour le surplus,

ORDONNE la remise par la société Edimark à Mme X d’une attestation destinée à France Travail, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans les deux mois suivant son prononcé,

ORDONNE le remboursement par la société Edimark aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme X dans la limite de six mois d’indemnités,

 

2.1) Sur le rejet de pièces :

Ayant respecté les dispositions de l’arrêt du 14 janvier 2021 quant à l’anonymisation des pièces sollicitées par la salariée, la société Edimark sollicite le rejet des débats des pièces adverses n° 22, 57 et 65 et de toute référence à elles dans les conclusions, dans la mesure où ayant mis en oeuvre d’autres moyens pour obtenir en leur version intégrale les pièces dont elle sollicitait la communication forcée auprès du juge des référés, Mme X les verse in extenso, sans respecter les limites fixées par la juridiction, alors que les salariés intéressés s’opposent à cette production en justice, réitérée en cause d’appel.

 

Mme X insiste sur la parfaite recevabilité des pièces qu’elle verse aux débats et qui sont nécessaires à l’exercice des droits de sa défense, souligne que la production de ces documents ne contrevient pas à l’arrêt du 14 janvier 2021 de la cour d’appel, que la preuve est libre et peut être faite par tous moyens en matière prud’homale, que les éventuelles atteintes à la vie privée d’un salarié ne constituent pas un obstacle à la production de pièces, d’autant qu’aucune atteinte à la vie privée n’est invoquée en l’espèce.

 

La communication de pièces contenant des données personnelles, sans accord préalable du salarié concerné, caractérise l’existence d’une atteinte à sa vie privée.

 

Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

 

Les pièces litigieuses sont la lettre d’embauche de M. M. du 4 mai 2017,

pièce 65 du dossier de la salariée, et la lettre du 1er février 2016 adressée à Mme D. l’informant de l’évolution de son poste, versée aux débats sous les n° 22 et 57.

 

Les parties s’accordent sur l’opposition de M. M. et de Mme D. à la production en justice de documents contenant des données personnelles à leur sujet.

La lecture de l’arrêt du 14 janvier 2021 ordonnant la communication de différents contrats de travail, avenants et bulletins de salaire permet de vérifier que la juridiction saisie a accueilli la demande formulée par la salariée pour tous les documents sollicités, à l’exception des entretiens annuels d’évaluation et de promotion.

 

Dans la mesure où les documents litigieux sont les mêmes que ceux qui ont été anonymisés sur demande de la cour, laquelle a effectué cette mise en balance du droit à la preuve et des droits antinomiques en présence en conditionnant ladite communication à l’ anonymisation des mentions autres que les noms, les rémunérations et l’ancienneté des salariés concernés, il convient d’accueillir la demande de la société Edimark tendant au rejet des débats et de leur référence dans les conclusions de Mme X des pièces n° 22, 57 et  5 – qui comportent des précisions notamment sur la qualité du travail fourni et sur l’adresse des personnes concernées - en violation de ces prescriptions ayant autorité de la chose jugée.

 

En ce qui concerne la suppression de toute référence à ces pièces des conclusions notifiées par Mme X dans l'instance enrôlée sous le numéro RG 19/11578, correspondant

à celle ayant conduit au prononcé du jugement de première instance, la demande est devenue sans objet, cette instance étant close.

 

En ce qui concerne cette même demande relativement à l'instance enrôlée sous le numéro RG 20/03043, sans autre précision sur son actualité et la juridiction dont elle relève, la demande doit être rejetée, la cour ne pouvant intervenir qu’au titre de l’ instance dont elle  est saisie.

 

2.2) Sur la qualité de salariée de janvier à mars 2018 :

 

Mme X affirme avoir effectué une prestation de travail en qualité de salariée entre janvier et mars 2018, ayant été recrutée pour remplacer deux rédacteurs graphistes, en suivant les consignes et instructions qui lui ont été données dans le cadre de son intégration au service “création infographie”.

Elle rappelle avoir été rémunérée sur la base d’un montant fixe, à l’instar des salariés, avoir effectué une prestation de travail exclusivement pour la société Edimark et avoir bénéficié des locaux et du matériel de cette entreprise, qui a volontairement tenté d’éluder les règles relatives au salariat.

 

La société Edimark, qui sollicite la confirmation du jugement entrepris, rappelle que Mme X a exercé sa profession de dessinateur en qualité de travailleur indépendant, qu’il lui appartient donc de renverser cette présomption de non-salariat, que les éléments qu’elle produit ne permettent pas de retenir un lien de subordination, que sa “collaboration” n’avait pas pour objet de remplacer une salariée ayant quitté l’entreprise mais de traiter certains dossiers lors de périodes de forte “activité congrès”, qu’aucun VPN n’ a été configuré pour l’autoriser à accéder à distance au serveur et qu’elle n’était pas soumise aux horaires collectifs.

 

Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail.

Il se caractérise par trois critères cumulatifs, à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination juridique, critère décisif.

 

Le lien de subordination est lui-même caractérisé par l’exécution d’un contrat sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

 

Il appartient à la partie qui invoque l’existence d’une relation salariale d’apporter la preuve du contrat de travail.

 

Pour ce faire, Mme X invoque les factures qu’elle a établies et adressées en paiement à la société Edimark les 31 janvier, 28 février et 31 mars 2018 contenant le listing des pages réalisées sur les dossiers tels que “la lettre du cancérologue”, “la lettre du gynécologue”, “ la lettre du cardiologue” pour des montants variant entre 5 280 et 5 544 euros, le récapitulatif du travail effectué jour après jour du 2 janvier au 28 mars 2018 « en free lance », comme indiqué sur ledit document, le certificat de travail en date du 31 décembre 2017 de Mme A ayant occupé en dernier lieu le poste de rédactrice graphiste responsable infographie ainsi que le bulletin de salaire de Mme M d’août 2017.

 

Si ces documents établissent la réalité d’une prestation de travail de janvier à mars 2018, commandée par la société Edimark et payée par elle au vu de factures, ils ne constituent pas la preuve de ce que Mme X remplaçait deux graphistes, ni de son intégration dans le service infographie - à défaut de tout accès à distance au serveur de l’entreprise-, ni même un faisceau d’indices tendant à accréditer l’existence d’une relation salariée, en l’absence de tout élément relatif à un lien de subordination, au respect imposé des horaires et méthodes de travail, selon des directives données et contrôlées dans leur exécution et leur mise en oeuvre. Et ce, d’autant que la société Edimark produit un courriel au sujet de Mme X faisant état d’une autre mission “en free lance” concomitante à sa prestation pour elle en février 2018.

 

La demande de constat d’une relation salariale avant la conclusion du contrat de travail du 3 avril 2018 doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

2.3) Sur l’emploi de rédacteur graphiste / maquettiste, statut journaliste :

 

Mme X, qui estime avoir eu une activité principale et régulière de journaliste en apportant une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs et en lien avec l’actualité, reproche à son employeur de ne pas lui avoir reconnu le statut de “rédacteur graphiste” ou - depuis l’accord du 3 juillet 2019 - de “ rédacteur maquettiste” alors qu’elle effectuait des tâches identiques à celles de ses collègues M. et D. et qu’elle a été embauchée pour remplacer des journalistes rédacteurs graphistes ayant mis en œuvre leur clause de cession.

Elle souligne que la société Edimark recrute systématiquement des salariés en qualité de dessinateurs d’exécution avant de leur reconnaître la qualité de journalistes et de rédacteurs graphistes et que sa collaboration à des publications de presse devait conduire à ce qu’elle relève de la convention collective nationale des journalistes et non de celle de la presse spécialisée, que lui est appliquée à tort par son employeur.

 

La société Edimark souligne que Mme X a exercé des fonctions de dessinateur d’exécution, qu’elle a été engagée pour ces missions et à ce poste précis, qu’elle ne rapporte pas la preuve de fonctions distinctes de celles-ci, que la carte de presse dont elle a bénéficié est indifférente dans la reconnaissance d’un statut de journaliste professionnel, que sa participation à des congrès a été très réduite et non renouvelée et qu’elle ne saurait suffire à lui faire acquérir la qualité de journaliste, d’autant que le curriculum vitae de l’intéressée montre qu’elle n’a jamais exercé d’activité au sein d’une entreprise de presse, n’a jamais conçu de mise en page et n’a jamais suivi de formation au sein d’une école de journalisme.

 

Elle conclut donc au rejet de la demande et à la confirmation du jugement entrepris de ce chef.

 

Il résulte des articles L.7111-3 et L. 7112-1 du code du travail qu’“est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources” et que “toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.”

 

Par ailleurs, il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Déterminer la classification dont relève un salarié suppose donc l'analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments produits par les parties, et leur comparaison avec la classification de la convention collective applicable.

Il résulte de la convention collective nationale des journalistes que le rédacteur graphiste ou rédacteur maquettiste est un journaliste qui assiste le premier rédacteur graphiste, lequel, sous l’autorité de la rédaction en chef, conçoit, prépare, réalise ou fait exécuter la présentation graphique des textes, photos, dessins et, d’une manière générale, de tous les éléments visuels du journal. Il peut intervenir sur la forme journalistique donnée aux informations.

 

Si Mme X verse aux débats divers éléments relatifs à sa participation à la mise en page de revues éditées par la société intimée, à sa collaboration en binôme avec une infographiste multimédia puis avec un rédacteur graphiste, à la mise en page et à la mise en ligne de différentes publications, force est de constater que ces éléments ne sauraient suffire à démontrer de sa part des tâches habituelles relevant de l’élaboration et de la création intellectuelle, journalistique, de conception et de réalisation d’articles, de choix de textes, sa participation très ponctuelle à des congrès en tant que correspondante de presse n’ayant pu contribuer à lui faire acquérir la qualité de journaliste.

 

En outre, la mention de son nom dans l’ours d’une publication, qu’elle revendique, s’est faite en tant que “dessinatrice d’exécution”.

 

D’ailleurs, son curriculum vitae, ses diplômes et son expérience professionnelle permettent de retenir qu’elle n’avait pas le statut de journaliste, nonobstant d’une part la possession de la carte de presse n’instaurant qu’une présomption non déterminante à ce titre, d’autre part sa candidature au poste de rédacteur graphiste lors de son embauche et enfin l’évolution de carrière de ses collègues.

C’est par conséquent à juste titre que le jugement de première instance a rejeté la demande, constatant que la salariée occupait les fonctions de dessinatrice d’exécution, en dépit de ses réclamations soutenues par des représentants du personnel sans considération pour la réalité des tâches accomplies.

 

2.4) Sur l’inégalité de traitement :

 

Mme X invoque une inégalité de traitement mais cite les textes relatifs à la discrimination, estimant avoir occupé les mêmes fonctions que ses collègues et n’avoir pas eu la rémunération correspondante. Elle produit la synthèse des salaires perçus par ces derniers et par elle-même entre avril 2018 et avril 2019 et considère qu’aucun élément objectif ne permet de justifier cette différence. Elle sollicite la somme de 5 749,12 € de rappel de salaire ainsi que les congés payés y afférents.

La société Edimark sollicite la confirmation du jugement entrepris et fait état de ce que la salariée ne peut se prévaloir du statut et de la rémunération des rédacteurs maquettistes dès lors qu’elle n’a pas exercé les mêmes fonctions et ne bénéficie pas de la qualité de journaliste.

N’invoquant aucun motif discriminant à son soutien, la demande de Mme X s’analyse comme tendant à un rappel de salaire sur le fondement d’une violation du principe d’égalité de traitement.

 

Il résulte du principe "à travail égal, salaire égal" que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

 

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

 

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

 

Dans la mesure où la salariée exerçait les fonctions de dessinatrice d’exécution, elle ne saurait se prévaloir des rémunérations de ses collègues rédacteurs graphistes, d’autant que le courriel qu’elle met en avant faisant état d’une promesse d’augmentation de salaire et d’un passage comme rédacteur graphiste rapidement contient ses seules assertions, non corroborées par d’autres données objectives et que les contrats de travail et bulletins de salaire anonymisés, produits aux débats, permettent de vérifier des anciennetés, diplômes, expériences et statuts justifiant la différence de salaires constatée.

 

La salariée doit être déboutée de sa demande.

 

2.5) Sur le harcèlement moral :

Mme X dit avoir été victime d’agissements de harcèlement moral, se plaignant du refus de la déclarer salariée de janvier à mars 2018, du refus injustifié de reconnaître son emploi de rédacteur graphiste et de lui appliquer la convention collective nationale des journalistes, de l’ambiance délétère, des difficultés rencontrées dans la prise de ses congés du fait d’une réglementation opaque, de l’absence de formation de la part de sa supérieure, Mme Ochin, de remarques déplacées de la part de la direction à deux reprises en février et avril 2019, situation ayant entraîné de nombreux arrêts maladie pour burnout.

Elle se prévaut en outre de la publication par l’employeur d’une offre d’emploi en CDI correspondant à son poste alors qu’elle était en arrêt maladie, ainsi que de la suspension de la prévoyance à compter de mars 2020. Elle réclame 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour ce harcèlement moral.

 

La société Edimark conclut au rejet de la demande.

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L.1154-1 du code du travail, “lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

 

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.”

 

En l’espèce, la salariée se prévaut, outre les pièces invoquées au titre des griefs précédemment développés, de son courriel questionnant au sujet de la gestion de ses congés et RTT, du compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 22 octobre 2019 mentionnant l’intervention d’une déléguée syndicale en faveur de l’application de la convention collective des journalistes à l’appelante, de l’attestation d’une salariée d’Edimark faisant état de pressions et d’un management basé sur l’émotionnel, sur des rumeurs défavorables ou le doute jeté sur des personnes.

 

Elle invoque également son écrit à la DIRECCTE d’Ile-de-France faisant état de la demande de régularisation refusée par la présidente de la société, des échanges avec Mme O  montrant son incapacité à la faire évoluer au statut revendiqué, la lettre de la présidente de la société montrant sa surprise à la lecture du courrier électronique de la salariée relatif à sa réclamation statutaire, le courriel de Mme P., directrice des rédactions, lui reprochant “ il me semble qu’il y a un minimum de bienséance à observer vis-à-vis de sa hiérarchie. Je suis désolée, quant à moi, que cette conduite ne te soit pas connue”, alors que l’intéressée avait demandé à s’absenter pour une consultation dentaire.

 

 

 

Elle fait état aussi du courriel du 29 mai 2018 de la déléguée syndicale rapportant que “la médecine du travail a proposé de développer une prévention des RPS chez Edimark”, ainsi que des arrêts de travail et des prolongations la concernant, outre un certificat médical mentionnant que la patiente signale des “troubles du sommeil, fatigue ++, perte de l’appétit” et dit “ avoir des « problèmes relationnels avec son environnement de travail »”.

 

L’appelante produit également deux pièces relatives à une offre d’emploi de la société Edimark sur un poste de dessinateur PAO EXE H/F et un échange de courriels au sujet de la suspension de son dossier prévoyance.

 

La salariée présente ainsi des éléments de fait relatifs à des remarques, des refus, des difficultés et obstacles rencontrés en cours d’exécution du contrat de travail qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

 

La société conteste tout harcèlement moral, considère que la salariée ne verse aux débats aucun élément propre à contredire le raisonnement suivi par les premiers juges, que la direction des ressources humaines n’ a pas reçu de signe de sa détresse dans son environnement de travail, qu’elle n’a jamais exprimé la moindre situation de souffrance, tentant au contraire de profiter du contentieux judiciaire ayant opposé Mme M à Edimark sans établir une quelconque similitude entre leurs situations respectives, qu’elle a simplement été informée de la suspension de sa prévoyance, qu’un travail sur les risques psychosociaux a été déclenché à l’instar de la plupart des entreprises et que la pose des congés se faisait par formulaire.

Elle se prévaut de plusieurs échanges de courriels de mai 2018 à mai 2019 entre Mme X et la direction de l’entreprise montrant des relations cordiales, des remerciements de la première envers la présidente à plusieurs reprises pour des brins de muguet, pour des cadeaux reçus en décembre 2018, pour une invitation, pour une prime sur salaire en avril 2019, mais aussi du contentieux l’opposant à Mme M, soulignant l’absence de valeur probante, dans ces circonstances, de l’attestation de cette dernière, ainsi que des dispositions calendaires pour les jours RTT 2019 et 2020 et d’un formulaire de demande de congés.

 

Il a été vu que Mme X ne pouvait se prévaloir du statut de rédacteur graphiste, ni de l’application de la convention collective des journalistes, qu’elle ne pouvait se plaindre par conséquent d’une inégalité de traitement fondée sur ce motif, n’étant pas dans une situation comparable à celle de ses collègues occupant cet emploi, et qu’aucune période salariée n’a été dissimulée par l’employeur.

 

Par ailleurs, au vu des pièces produites par l’employeur, il y a lieu de constater que les témoignages et écrits produits émanent pour certains d’une ancienne salariée en conflit avec Edimark et pour d’autres ne concernent pas directement Mme X, qu’une offre de poste correspondant à l’emploi de l’appelante n’est pas datée, que l’autre concomitante à son arrêt de travail n’est pas démontrée comme destinée à son remplacement, que la société a informé l’intéressée de la suspension de sa prévoyance, sans lui faire de reproche et sans qu’un retard dans la transmission de son dernier arrêt de travail puisse être reproché à la direction de l’entreprise, que la remarque sur le savoir être de celle-ci doit être contextualisée et mise en lumière avec une absence inopinée, sans respect du process interne, que l’étude sur les risques psychosociaux - juste après le recrutement de l’intéressée - n’a pas été déclenchée consécutivement à des alertes en ce sens, que cette dernière n’a elle-même signalé aucun fait de harcèlement moral avant sa saisine du conseil de prud’hommes, ses réclamations réitérées transmises à l’employeur et aux institutions représentatives du personnel étant centrées sur sa qualification et la convention collective applicable.

 

Il y a lieu par conséquent de constater que la société oppose aux faits invoqués par la salariée des éléments objectifs et décisions légitimes, étrangers à tout harcèlement moral.

Il convient de rejeter la demande d’indemnisation à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.

 

2.6) Sur l’obligation de prévention :

Mme X considère que son employeur aurait dû prendre des mesures dès sa dénonciation d’un harcèlement moral, ce qui n’a pas été le cas, ainsi que dès sa saisine du conseil de prud’hommes restée sans réaction de sa part, et alors que la médecine du travail avait proposé de développer une prévention des RPS et que de nombreux arrêts maladie pour burn-out étaient transmis à la direction de l’entreprise. Elle sollicite 10 000 € en réparation du non-respect de l’obligation de sécurité.

La société intimée conclut au rejet de la demande, contestant avoir commis un quelconque manquement à son obligation de sécurité.

Selon l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d’information et de formation,

3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement descirconstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

 

L’article L. 4121-2 du code du travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

 

 

 

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

 

L'employeur, débiteur envers le salarié d'une obligation de sécurité, supporte en cas de litige, la charge de la preuve du respect de celle-ci. Il appartient toutefois au salarié, victime d'un manquement en cette matière, de présenter une allégation précise mettant l'employeur en mesure de se défendre.

 

Alors que Mme X ne justifie pas avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à son employeur, ni distingué précisément ses griefs à ce titre de ses réclamations relatives à son statut avant sa saisine du conseil de prud’hommes concomitante à son arrêt de travail, elle ne saurait reprocher à la société Edimark de pas avoir investigué sur les faits invoqués devant la juridiction.

 

Par ailleurs, il a été vu que l’étude sur les risques psychosociaux dans l’entreprise n’avait pas été précédée d’alerte particulière et qu’elle ne concernait pas spécifiquement l’appelante, nouvelle recrue dans l’entreprise à cette date ; la salariée en outre ne caractérise pas un préjudice résultant d’un quelconque manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, alors qu’aucun lien objectif n’est fait entre la suspension de son contrat pour cause de maladie non professionnelle et ses conditions de travail.

Par confirmation du jugement entrepris, il convient de rejeter la demande.

 

2.7) Sur les heures supplémentaires :

Mme X affirme avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées et réclame la somme de 2 224,43 € à titre de rappel de salaire du 28 juin 2018 au 22 novembre 2019, ainsi que les congés payés y afférents.

La société conteste ces heures supplémentaires et sollicite la réformation du jugement entrepris de ce chef.

Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quantaux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

 

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

 

A la lecture des agendas de travail produits aux débats du 27 août 2018 au 11 janvier 2019, des fichiers de pointage quotidiens renseignés sur la plate-forme E2 Time et des bulletins de salaire la concernant, Mme X présente à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement.

 

Pour sa part, la société Edimark fait état de son règlement intérieur, au 15 novembre 2018, précisant que le recours aux heures supplémentaires doit être très exceptionnel, ponctuel et soumis préalablement à l’accord du chef de service, ainsi que de l’accord d’entreprise sur la réduction et l’aménagement du temps de travail du 20 janvier 2005 et de l’attestation de la directrice des rédaction, Mme P., rappelant la procédure de demande auprès d’un responsable en validant ou non le principe.

Sont produits en outre des échanges de courriels des 3 et 4 décembre 2018 entre cette dernière et la salariée à ce sujet.

Cependant, il est manifeste que l’employeur ne verse aux débats aucun décompte du temps de travail effectif de Mme X et, alors qu’un salarié peut prétendre au paiement d’ heures supplémentaires accomplies s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées, ce que fait l’intéressée en l’espèce, il convient d’accueillir la demande de rappel de salaire, à hauteur du montant réclamé.

Le jugement de première instance doit donc être confirmé de ce chef.

2.8) Sur le travail dissimulé :

Mme X invoque les heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, les met en contrepoint de son obligation d’émarger chaque jour sur la plate-forme E2 Time pour soutenir que son employeur, informé de son temps de travail effectif, a délibérément dissimulé ses horaires et astreintes. Elle sollicite une indemnité forfaitaire à hauteur de 15 600 € .

 

 

La société intimée conteste tout travail dissimulé et conclut au rejet de la demande, par confirmation du jugement entrepris.

 

Selon l’article L.8221-5 du code du travail “ est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.”

 

L’article L.8223-1 du code du travail dispose qu’ “en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.”

 

Le caractère intentionnel de la dissimulation ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

 

Alors qu’une procédure d’autorisation d’heures supplémentaires avait été mise en place par l’employeur et que la salariée ne démontre pas de volonté de dissimulation de la part de ce dernier, sa demande d’indemnité forfaitaire doit être rejetée, comme l’a décidé à juste titre le jugement de première instance.

 

2.9) Sur la discrimination syndicale :

L’appelante considère présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale à son encontre, faisant valoir que depuis son embauche, elle tente de faire reconnaître son statut de journaliste, tentative s’inscrivant dans une démarche globale du respect par l’employeur des droits des journalistes, qu’elle a ainsi décidé - sa situation étant partagée par certains de ses collègues - de se présenter aux élections professionnelles et que suite à cette déclaration d’intention, une proposition de rupture conventionnelle lui a été faite par l’entreprise alors qu’aucune raison objective ne justifiait la rupture de la relation de travail. Elle sollicite 10 000 € en réparation du préjudice résultant de cette discrimination

 

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales, notamment.

 

Aux termes de l’article L.1134-1 du code du travail, “lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

 

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

 

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.”

 

Selon l’article L.2141-5 du code du travail alinéa 1, “ il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail”.

 

Au soutien de la discrimination qu’elle prétend avoir subie, Mme X verse aux débats plusieurs courriels de la déléguée syndicale, Mme Duverger, en date des 18 septembre 2019 à M. B. de l’UD 075, 31 octobre 2019 à M. P. de la DIRECCTE d’Ile-de-France et 20 novembre 2019 à Mme X et à deux membres de la DIRECCTE, les informant de la volonté de sa collègue de se présenter sur la liste SNJ afin de défendre les droits des journalistes, sur les pressions subies depuis par cette dernière, ainsi que des communications de la direction d’Edimark à la salariée au sujet des modalités d’une rupture conventionnelle qui lui a été proposée.

Les éléments de faits qu’elle présente, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination syndicale à l’encontre de l’appelante.

 

La société Edimark conteste toute discrimination syndicale et relève qu’elle n’a pas été informée de la volonté de Mme X de se présenter aux élections professionnelles avant la remise (le 21 novembre 2019) de l’ordre du jour de la réunion des délégués du personnel et que sa proposition de rupture conventionnelle a précédé de deux semaines sa connaissance de ce projet.

 

Il n’est pas justifié, avant l’ordre du jour de la réunion sollicité par les délégués du personnel et adressé le 20 novembre 2019 ( et non le 21) à la secrétaire générale et au chargé des ressources humaines de l’entreprise, de l’information de l’employeur sur la candidature de Mme X ; ce document questionne au sujet du protocole électoral et demande si “ce nouveau retard dans la mise en œuvre des négociations” “ ne serait pas lié aux ruptures conventionnelles proposées ces dernières semaines à deux salariées dont il a été question dans les OD de ces six derniers mois. Mme X, en particulier, qui a fait la preuve de son attachement aux droits des journalistes s’apprêtait à se déclarer candidate aux élections sur la liste SNJ quand une rupture conventionnelle lui a été proposée oralement”.

 

Toutefois, aucun élément n’est produit par l’employeur pour justifier la rupture conventionnelle proposée le 25 octobre 2019 et réitérée le 18 novembre suivant, après deux semaines de réflexion laissées à l’appelante à ce sujet, par la direction de la société Edimark.

 

A défaut d’une telle justification et eu égard à la proximité temporelle de la proposition avec les velléités électorales de l’appelante, la société intimée échoue à démontrer que son initiative est légitimée par des données objectives et étrangères à toute discrimination syndicale.

 

Il y a lieu d’accueillir la demande au titre de la réparation de cette discrimination syndicale à hauteur de 2 000 €, eu égard à sa durée et aux éléments de préjudice recueillis.

 

Le jugement de première instance doit donc être infirmé de ce chef.

 

2.10) Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

 

Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 6 mars

2020, contenant les griefs suivants:

[...] “ je constate que les manquements graves dans l’exécution de mon contrat de travail par la société perdurent.

Ces manquements sont les suivants :

-La société refuse de me reconnaître la qualité de salariée pour la période de janvier à

mars 2018 [...]

-La société refuse de me reconnaître la qualification de Rédacteur Graphiste et partant

le bénéfice du statut de journaliste [...]

- Je suis en conséquence victime d’une inégalité de traitement puisque je perçois une rémunération inférieure à celle de collègues qui eux bénéficient de la qualification de Rédacteur Graphiste [...]

 

-Je suis aujourd’hui en arrêt maladie généré par une situation de harcèlement moral du fait d’un environnement de travail toxique délétère et des reproches injustifiés et dénigrants ;

 

- Enfin, j’ai fait l’objet d’une discrimination syndicale dès lors que vous avez appris mon intention de me présenter aux élections professionnelles dans l’entreprise et que je m’apprêtais à me déclarer candidate, vous m’avez immédiatement proposé une rupture de mon contrat de travail ;

 

Par ailleurs, alors que je suis employée pour une durée hebdomadaire de 35 heures, vous ne m’avez toujours pas payé les heures supplémentaires que j’ai effectuées.

 

Par ailleurs, j’ai constaté avec stupeur en février 2020 que vous avez publié une offre d’emploi en CDI correspondant à mon emploi alors que je suis en arrêt maladie.

 

De plus, j’ai appris que pendant mon absence j’étais remplacée à mon poste par une salariée en CDD sous la qualification de Rédacteur Graphiste.

 

Enfin, vous m’avez informé le 2 mars 2020 que la prévoyance suspendait l’indemnisation de mon arrêt maladie. Vous avez alors prétendu que cela aurait été au motif que je ne leur aurais pas envoyé mon certificat médical, ce qui était parfaitement faux puisque je l’ai envoyé par lettre recommandée du 6 janvier 2020.

 

Aussi, la suspension de mon indemnisation par la prévoyance ne peut résulter que de vos propres manquements.

 

Dans ces conditions, je vous informe que je n’ai pas d’autre choix que de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail en raison des fautes graves que vous avez commises dans l’exécution de mon contrat de travail.”

 

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Mme X, d’après les développements qui précèdent relatifs aux manquements invoqués, a subi le non-paiement d’heures supplémentaires, des congés payés y afférents ainsi qu’une discrimination syndicale, faits suffisamment graves pour justifier que la prise d’acte de la rupture ait les effets d’un licenciement nul.

 

Tenant compte de l’âge de la salariée (née en 1974) au moment de la rupture, de son ancienneté ( remontant au 3 avril 2018), de son salaire moyen mensuel brut (soit 2 600 €), de l’absence de justification de sa situation professionnelle après la prise d’acte, il y a lieu de lui allouer 16 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ainsi que 5 200 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 520 € au titre des congés payés afférents et 3 900 € à titre d’indemnité de licenciement, conformément aux montants réclamés subsidiairement et non strictement contestés.

 

2.11) Sur les intérêts :

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R.1452- 5 du code du travail, les intérêts au taux légal courent sur les créances de sommes d’argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi ( rappels de salaire, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement) à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, et sur les autres sommes à compter du présent arrêt.

 

2.12) Sur la remise de documents :

La remise d’une attestation destinée à France Travail, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société Edimark n’étant versé au débat.

 

2.13) Sur le remboursement des indemnités de chômage :

 

Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de Mme X étant nul, d'ordonner le remboursement par la société Edimark des indemnités chômage perçues par l’intéressée, dans la limite de six mois d'indemnités.

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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