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Droit des intermittents du spectacle : requalification des 6 ans de CDDU en CDI à temps complet d’une standardiste / collaboratrice spécialisée de RTL / EDIRADIO (CPH Paris Départage 16 décembre 2020)

Publié le 05/01/2021 Vu 4 390 fois 0
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Une intermittente est employée à la préparation de différentes émissions diffusées quotidiennement ainsi qu’à la gestion du standard de RTL aux moyens d’une succession de CDD d’usage pendant plus de six ans.

Une intermittente est employée à la préparation de différentes émissions diffusées quotidiennement ainsi

Droit des intermittents du spectacle : requalification des 6 ans de CDDU en CDI à temps complet d’une standardiste / collaboratrice spécialisée de RTL / EDIRADIO (CPH Paris Départage 16 décembre 2020)

 

En ce qu’elle a pourvu durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (RTL / EDIRADIO), la relation de travail est requalifiée en CDI par le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Paris dans un jugement du 16 décembre 2020.

La salariée, intermittente du spectacle obtient la requalification de ses CDDU en CDI à temps plein, le rappel de salaire pour les périodes interstitielles / intercalaires, le paiement du 13ème mois, ainsi qu’une indemnité de requalification.

 1)      Rappel des faits

Madame X a été engagée par la Société d’Edition Radiophonique EDIRADIO (ci après RTL), aux droits de laquelle vient la société METROPOLE TELEVISION, suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 10 septembre 2012, en qualité d’intervenante spécialisée ou de collaboratrice spécialisée.

Plusieurs contrats de travail à durée indéterminée ont été signés. La relation de travail a pris fin le 18 février 2018, elle était soumise à la convention collective de la radiodiffusion. L’entreprise employait habituellement plus de 11 personnes lors de la rupture du contrat de travail.

A défaut de conciliation, le bureau de jugement n’ayant pu se départager, l’affaire a été renvoyée devant la formation de départage du conseil de prud’hommes à l’audience du 3 décembre 2020.

Lors de l’audience, Madame X, assistée par son conseil, a notamment demandé au conseil de prud’hommes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de requalifier les CDD d’usage successifs en CDI à temps plein avec reprise d’ancienneté au 10 septembre 2012, de condamner la société à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire pour les périodes interstitielles, d’indemnité de requalification, de rappel de prime de 13ème mois, de rappel de salaire pour les heures contractuelles non payées, de rappel de salaire pour le remplacement d’une collaboratrice spécialisée, et de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Elle soulève notamment les éléments suivants :

Elle expose que la société n’a pas respecté les conditions légales relatives aux CDD d’usage, en ce qu’aucun élément concret établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi d’intervenante spécialisée – assistante d’émission n’est démontré. Elle indique que ces missions étaient la gestion du standard et de la préparation des différentes émissions diffusées quotidiennement, qui sont régulières et pérennes. Elle souligne que les contrats se sont succédés de manière ininterrompue pendant plus de six ans.

Elle indique qu’elle est restée à la disposition permanente de son employeur pendant les périodes interstitielles et que la requalification des CDD d’usage successifs doit se faire en CDI à temps plein, précisant qu’elle a régulièrement dépassé la durée légale mensuelle de travail, et qu’elle ne pouvait pas prévoir son rythme de travail (changements de planning de dernière minute) de sorte qu’elle devait se tenir à disposition permanente de son employeur. Elle ajoute que RTL était son unique employeur, et sollicite un rappel de salaire pour les périodes interstitielles.

Elle soutient que le salaire de référence doit être fixé à hauteur de 1644.80€, ce qui correspond au minimum prévu par la convention collective applicable, à titre subsidiaire à hauteur de 1307.02€ si le conseil refusait de requalifier la relation de travail à temps plein. Elle sollicite une indemnité de requalification, un rappel de salaire au titre des primes de 13ème mois prévues par l’accord d’entreprise, et des rappels de salaire pour les heures contractuelles non payées et les remplacements de sa collègue collaboratrice spécialisée (indiquant avoir fait plusieurs demandes à ce titre), et une indemnité pour travail dissimulé.

La société Métropole Télévision, venant aux droits de la société pour l’édition radiophonique Ediradio, a notamment demandé au conseil de prud’hommes, à titre principal, de débouter Madame X de l’ensemble de ses prétentions, à titre subsidiaire, en cas de requalification, de réduire le montant de l’indemnité de requalification et de l’indemnité au titre du 13ème mois.

Elle soulève notamment les éléments suivants :

Elle expose que les emplois occupés par la demanderesse étaient par nature temporaires, puisque les émissions sur lesquelles Madame X intervenait étaient temporaires, précisant que les grilles sont modifiées à chaque saison, et qu’il arrive que des émissions soient créées en cours de saison. Elle souligne que la salariée est intervenue sur plusieurs émissions qui n’ont pas été reconduites d’une saison à l’autre.

De plus, elle expose que la salariée n’apporte pas la preuve qu’elle s’est tenue à la disposition permanente de la société, se contentant d’affirmer que son planning lui a été communiqué tardivement mais ne produisant à l’appui de ses dires que les dates de signature de ses contrats. Elle ajoute que la salariée ne produit pas ses avis d’impôts pour démontrer qu’elle tirait l’intégralité de ses revenus de son activité pour la société.

 2)      Jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 16 décembre 2020 (départage)

Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul après avis des conseillers présents, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :

-          Requalifie la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 10 septembre 2012 ;

 

-          Condamne la S.A. Métropole Télévision à payer à Madame X les sommes suivantes :

o   20 441,11 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les périodes interstitielles ;

o   2 044,71 euros bruts au titre de congés payés afférents ;

o   3 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;

o   4 523,20 euros à titre de rappel de treizième mois ;

o   797,88 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures non payées ;

o   79,78 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

o   1 196,80 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les remplacements réalisés ;

o   119,68 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

 

-          Condamne la S.A. Métropole Télévision à payer à Madame X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-          Condamne la S.A. Métropole Télévision à remettre à Madame X des bulletins de paie rectifiés conformément à la présente décision ;

-          Rejette le surplus des demandes ;

-          Ordonne l’exécution provisoire.

Au total, l’intermittente du spectacle obtient 34 199 euros bruts.

 

2.1) Relation de travail requalifiée en CDI : l’emploi de gestion du standard et d’assistante d’émission sont un « emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise »

Aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

Aux termes de l’article 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4.

En l’espèce, il convient de constater que la société EDIRADIO ne justifie ni de l’existence d’un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée s’agissant du poste occupé par la demanderesse ni du caractère par nature temporaire de l’emploi en cause, le Conseil ne pouvant que relever que Madame X a exercé des fonctions de même nature dans le cadre de multiples contrats de travail à durée déterminée  depuis le 10 septembre 2012 (intervenante spécialisée et collaboratrice spécialisée),  la succession de ces différents contrats ainsi que leur durée globale malgré la présence de périodes interstitielles permettant de déterminer que ceux-ci ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société EDIRADIO (étant notamment relevé que la gestion du standard d’émission et que la fonction d’assistante d’émission sont des fonctions qui correspondent à des besoins pour toutes les émissions, et ne sont pas rattachées à une émission spécifique).

En conséquence, le Conseil de prud’hommes requalifie les contrats de travail à durée déterminée conclus à compter du 10 septembre 2012 en contrat de travail à durée indéterminée.

 

2.2) Requalification en CDI à temps plein : l’intermittente du spectacle s’est tenue à la disposition permanente de son employeur et obtient un rappel de salaire pendant les périodes intercalaires / interstitielles

Il est constant que lorsqu’un salarié est tenu de se tenir à la disposition permanente de son employeur pendant les périodes interstitielles, il peut prétendre à des rappels de salaire pendant ces périodes interstitielles.
Par ailleurs, il est constant que lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.

En l’espèce, il convient de constater que la salariée apporte à l’appui de ses allégations de nombreux avenants de contrats de travail, dans lesquels ses horaire de travail sont changées de manière inopinée, de sorte qu’il apparait que la demanderesse devait se tenir à la disposition permanente de la société, l’argumentation de cette dernière selon laquelle les disponibilités de Madame X étaient demandées à l’avance étant inopérante, la société EDIRADIO ne produisant à l’appui de ses allégations que deux échanges sur une période de plus de 5 ans.

En outre, il apparait qu’au mois de mai 2015, Madame X a travaillé sur une durée de 156 heures, soit au-delà de la durée légale mensuelle.

Il y a donc lieu d’ordonner la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein.

2.3) Indemnité de requalification au titre de l’article L.1245-2 du code du travail

L’article L.1245-2 du code du travail prévoit que lorsque le Conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, cette disposition s’appliquant sans préjudice des dispositions relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Au regard du salaire de référence de la salariée et de son ancienneté (plus de 5 ans), il convient de condamner la société à lui payer la somme de 3000€ à titre d’indemnité de requalification.

 

2.4) Rappel de salaire au titre du 13ème mois

L’accord d’entreprise RTL prévoit le versement courant décembre d’un 13ème mois à tout collaborateur engagé au moins depuis le 1er janvier de la même année.

En l’espèce, la relation de travail a été requalifiée en CDI, de sorte que l’argumentation de la société EDIRADIO selon laquelle la salariée n’est pas éligible, du fait de son statut de salariée occasionnelle, à cette prime, est inopérante.

Il convient de calculer cette prime sur la base du salaire de référence, en prenant en compte le temps de présence de la salariée dans l’entreprise en 2018.

En conséquence, la société sera condamnée à payer à Mme X la somme de 4533.20€ à titre de rappel de 13ème mois.

2.5) Rappel de salaire pour les heures contractuelles non payées

Mme X indique qu’elle n’a pas été payée à plusieurs reprises pour une heure contractuellement prévue à ses contrats, et produit les contrats et bulletins de paie correspondants.

Il y a lieu de condamner la société à payer à Mme X 797.88 € bruts à titre de rappel de salaire pour les heures non payées, outre la somme de 79,78 € bruts au titre des congés payés afférents.

 

2.6) Non reconnaissance du travail dissimulé

Le simple fait de ne pas avoir rémunéré l’ensemble des heures effectuées ne permet pas à lui seul de caractériser l’intention de la société de dissimuler le travail salarié.
Ainsi cette demande sera rejetée.

Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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