Par jugement du 16 décembre 2019, le Conseil de Prud’hommes de Paris (Section encadrement RG 19/05061) a considéré que le poste d’adjoint au producteur artistique était un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et a requalifié les CDD en CDI.
La rupture du 28 juin 2019 est considérée comme un licenciement sans cause.
Au total l’adjoint au producteur artistique de MOTUS a obtenu la somme de 47.000 euros.
1) Faits et procédure
Le salarié a conclu plusieurs contrats à durée déterminée en qualité d’adjoint au producteur artistique au profit de la société France Télévisions, entre 2016 et 2019.
Estimant que ces contrats devraient être requalifiés en contrat à durée indéterminée, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 16 décembre 2019, a accueilli cette demande et a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes.
Ainsi FRANCE TELEVISIONS a été condamné à verser au salarié les sommes suivantes :
- 7000 € à titre d’indemnité de requalification ;
- 10.851 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
- 1.081,50 € au titre des congés payés afférents ;
- 10.454 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 779,11 € au titre de rappel de prime d’ancienneté ;
- 1.333 € au titre de rappel de prime de supplément familial ;
- 133 € au titre des congés payés afférents ;
- 14.420 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au total, le salarié obtient 47.000 euros.
2) Le conseil de Prud’hommes de Paris requalifie les 3 ans de CDDU en CDI
L’article L. 1242-1 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il ne peut être conclu que pour les cas énumérés à l’article L. 1242-2 du même code et doit comporter la définition précise de son motif en application des dispositions de l’article L. 1242-12.
L’article L. 1245-1 prévoit que la méconnaissance, notamment de ces dispositions, entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.
Les contrats à durée déterminée dits d’usage peuvent être conclus de façon successive, sans durée maximale légale, à condition de ne pas avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, de concerner des emplois par nature temporaire et relevant des dispositions de l’article D. 1242-1 du code du travail, dont le 6° vise, notamment, l’audiovisuel et que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
En l’espèce, il est avéré que les contrats à durée déterminée successifs interviennent dans le domaine de l’audiovisuel où il est d’usage de recourir à de tels contrats.
Or, le salarié avait été embauché pour occuper le poste d’un salarié en CDI, qui lui-même avait fait l’objet d’une requalification en CDI quelques années auparavant.
Cependant, l’employeur ne démontrait pas les raisons objectives établissant la nature temporaire de cet emploi.
Au contraire, le Conseil de Prud’hommes dans son jugement du 16 décembre 2019 a relevé que : « Les missions de Monsieur X étaient de nature administrative et qu’elles pouvaient être mises en œuvre sur toutes les émissions gérées par France Télévisions, ce qui caractérisait un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et non pas un emploi temporaire par nature. »
Il en résulte que le Conseil de Prud’hommes a dit fondée la demande de requalification des CDD d’usage en CDI avec effet à la conclusion du premier CDD.
L’indemnité de requalification ne peut être inférieure à un mois de salaire au sens de l’article L. 1245-2 du code du travail.
Toutefois le Conseil de Prud’hommes a constaté que :« Monsieur X a été dans une situation de précarité injustifiée pendant près de 3 ans ;En conséquence, le Conseil dit fondée la demande du salarié et condamne l’employeur à lui verser la somme de 7.000 euros. »
La somme allouée par le Conseil de Prud’hommes correspond ainsi au préjudice subi au regard de la durée de la relation contractuelle précaire de ce dernier.
3) Sur les rappels de primes
Le salarié demande des rappels de prime d’ancienneté et de prime de supplément familial.
3.1) Sur la prime d’ancienneté
Sur la prime d’ancienneté, le salarié se réfère à l’accord collectif d’entreprise du 28 mai 2013 qui prévoit une telle prime pour les salariés sous contrat à durée indéterminée, calculée à hauteur de 0,8 % du salaire minimal garanti du groupe de classification 6 (cadre 2) par année d’ancienneté dans l’entreprise jusqu’à 20 ans, puis 0,5 % par année de 21 à 36 années.
Il est dû au salarié la somme de 779,11 €.
3.2) Sur le supplément familial
France TELEVISIONS verse aux salariés en CDI une prime intitulée « supplément familial » d’un montant de 38 euros par enfant à charge, mensuellement.
Le salarié justifie avoir un fils de 16 ans qui serait toujours à charge.
Par conséquent, le Conseil de Prud’hommes a fait droit à la demande de rappel de salaires de Monsieur X relatif au supplément familial pour la période de juin 2016 à octobre 2019 d’un montant de 1.330 euros assortis des congés payés afférents à hauteur de 133 euros.
4) Sur la requalification de la rupture du contrat de travail du 28 juin 2019 en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié devant être considéré comme salarié de FRANCE TELEVISIONS dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, la rupture de son contrat de travail doit s’analyser en un licenciement.
Or, la rupture du contrat à durée indéterminée impose l’application des règles d’ordre public sur le licenciement (article L.1232-2 et suivants du Code du travail), à savoir :
- Une convocation à l’entretien préalable de licenciement ;
- La tenue d’un entretien préalable de licenciement avec possibilité pour le salarié de se faire assister lors du dit entretien ;
- Et la notification de la rupture par une lettre de licenciement en LRAR ou remise en mains propres contre décharge.
En l’espèce, aucune procédure de licenciement n’a été mise en œuvre par FRANCE TELEVISIONS à l’égard du salarié, ce dernier n’ayant pas été régulièrement convoqué à un entretien préalable et ne s’étant pas vu notifier de lettre de licenciement.
En conséquence, le conseil de Prud’hommes a retenu que :
« La requalification de CDD en CDI peut produire les effets d’un licenciement abusif permettant au salarié de bénéficier d’une indemnité de licenciement et il Condamne l’employeur au paiement de 14.420 euros ains qu’à une indemnité compensatrice de préavis de 10.815 euros, les congés payés afférents soit 1.081 ,50 euros et une indemnité conventionnelle de licenciement de 10.454 euros. ».
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Marion Simoné élève avocat
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