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Intermittents : requalification des 12 ans CDDU en CDI et licenciement sans cause d’un coiffeur maquilleur de Télé Paris (CPH Paris 22 aout 2022, def)

Publié le 15/10/2022 Vu 1 789 fois 0
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Dans ce jugement du 22 aout 2022, le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris requalifie 12 ans de contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) entre un maquilleur coiffeur et la société TELE PARIS en CDI.

Dans ce jugement du 22 aout 2022, le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Paris requalifie 12 ans

Intermittents : requalification des 12 ans CDDU en CDI et licenciement sans cause d’un coiffeur maquilleur de Télé Paris (CPH Paris 22 aout 2022, def)

La rupture est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est définitif car les parties n’ont pas interjeté appel du jugement.

1)      Faits et procédure

Monsieur X a été engagé par la SARL TELE PARIS par contrat de travail à durée déterminée d’usage à compter du 17 janvier 2007, en qualité de coiffeur / maquilleur.

La relation de travail s’est poursuivie jusqu’au 17 juin 2019, date du terme du dernier contrat à durée déterminée d’usage de Monsieur X.

Elle était régie par la convention collective de la production audiovisuelle.

Estimant notamment qu’il occupait un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, de sorte que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes pour solliciter une indemnité de requalification et des indemnités de rupture.

Lors de l’audience de départage du conseil de prud’hommes du 10 juin 2022, Monsieur X a fait valoir que l’employeur ne démontrait pas l’usage constant de ne pas recourir à un CDI pour l’emploi de coiffeur / maquilleur et que les fonctions qu’il occupait ne présentaient aucun caractère temporaire. Le salarié a également soutenu que compte tenu de la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée et faute de licenciement, la rupture de la relation de travail constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ses demandes sont précisées ci-dessus.

La société TELE PARIS a soutenu, à titre principal, que les contrats d’usage conclus avec Monsieur X étaient valables et que ses fonctions avaient un caractère temporaire.

A titre subsidiaire, la société TELE PARIS a sollicité que les sommes allouées à Monsieur X soient réduites.

2)      Jugement du 22 aout 2022 du juge départiteur du conseil de prud’hommes de Paris

Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul après avis des conseillers présents, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,

REQUALIFIE la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps partiel ;

DIT que la rupture du contrat de travail le 17 juin 2019 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE le montant du salaire brut moyen de Monsieur X à la somme de 1.230,49 euros ;

CONDAMNE la SARL TELE PARIS à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

·         3.500 € à titre d’indemnité de requalification,

·         2.460,98 € d’indemnité compensatrice de préavis,

·         246,10 € de congés payés y afférents,

·         4.091,38 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

·         8.500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

·         1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL TELE PARIS à remettre à Monsieur X l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés conformément au présent jugement ;

CONDAMNE la SARL TELE PARIS à rembourser les indemnités de chômage versées à Monsieur X entre le jour du licenciement et le prononcé du jugement dans la limite de six mois ;

DIT qu’une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le secrétariat du conseil de prud’hommes de Paris au Pôle emploi ;

DIT que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire, à compter de la présente décision ;

DEBOUTE Monsieur X du surplus de ses demandes ;

ORDONNE l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la SARL TELE PARIS aux entiers dépens.

Le coiffeur maquilleur intermittent du spectacle obtient 20 000 euros.

2-1) Sur la demande de requalification

2.1.1) Sur la requalification

Aux termes de l’article L1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et notamment pour remplacer un salarié absent, pour un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise ou dans le cadre d’emploi à caractère saisonnier ou dans les secteurs d’activité définis par décret, par convention ou par accord collectif de travail étendu où il est d’usage de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée.

Par ailleurs, en application de l’article L1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’espèce, l’employeur ne justifie ni de l’existence d’un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée s’agissant du poste de coiffeur / maquilleur ni du caractère par nature temporaire de l’emploi en cause.

Les pièces produites aux débats démontrent que nonobstant le nombre limité de jours travaillés et rémunérés chaque année par la société TELE PARIS au cours de la collaboration ininterrompue des parties pendant douze années, l’activité de production d’émissions de l’employeur était permanente de même que dans ce cadre, celle de maquilleur / coiffeur de Monsieur X, intervenant régulièrement pour plusieurs émissions pendant douze années et sur un nombre d’heures par an compris entre 300 et 400.

En conséquence, le Conseil juge que les contrats de travail à durée déterminée successifs conclus entre les parties entre 2007 et 2019 ont eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société TELE PARIS.

Les contrats seront donc requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 17 janvier 2007.

 2.1.2) Sur l’indemnité de requalification

Aux termes de l’article L1245-2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

La requalification de la relation contractuelle n’a pas pour effet de remettre en cause le montant contractuellement fixé de la rémunération.

En l’espèce, la moyenne des douze derniers mois de salaire brut s’élève à la somme de 1.043,11 euros et la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 1.439,79 euros.

Monsieur X sollicite que le salaire brut mensuel moyen de référence soit fixé à la somme de 1.230,49 euros, somme que le Conseil retient.

Compte-tenu de la durée des relations contractuelles et par suite de la situation durable de précarité engendrée pour le requérant, il convient de fixer l’indemnité de requalification à la somme de 3.500 euros.

2-2) Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

 

La relation de travail entre l’employeur et le salarié s’est achevée le 17 juin 2019 à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée.

Compte-tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et en l’absence de respect par l’employeur des dispositions des articles L1232-2 et suivants du code du travail, la rupture du contrat de travail constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit pour le salarié aux indemnités de rupture, qui seront calculées sur le salaire de référence rappelé ci-dessus.

2-3) Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Monsieur X aurait dû bénéficier, en application de l’article V.1.2.1 de la convention collective applicable, d’un préavis d’une durée de deux mois.

Il convient donc de lui allouer à ce titre la somme de 2.460,98 euros, outre les congés payés afférents de 246,10 euros.

2-4) Sur l’indemnité de licenciement

A l’issue du préavis qu’il aurait dû exécuter, Monsieur X aurait eu une ancienneté de 12 ans et 7 mois dans la société.

La demande formée par Monsieur X sur le fondement de l’article R1234-2 du code du travail à hauteur de 4.091,38 euros est donc fondée et il y sera fait droit.

 2-5) Sur la demande au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur X peut prétendre, en application de l’article 1235-3 du code du travail, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et onze mois de salaires.

Le requérant était âgé de 54 ans au moment de la rupture du contrat de travail.

Il ne justifie pas de sa situation professionnelle et financière depuis lors, se contentant de soutenir qu’il a subi un « préjudice moral et financier très important ».

Il convient en conséquence de condamner l’employeur à lui verser la somme de 8.500 euros à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2-6) Sur les autres demandes

2-6-1) Sur les documents de fin de contrat

Aux termes de l’article R1234-9 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer son droit aux prestations sociales.

Aux termes de l’article L3243-2 du code du travail, lors du paiement de salaire, l’employeur remet au salarié un bulletin de paie.

En l’espèce, la demande tendant à la remise d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail est fondée de sorte qu’il y sera fait droit, mais l’astreinte, qui n’apparaît pas justifiée, ne sera pas ordonnée.

2-6-2) Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire, à compter de la présente décision.

2-6-3) Sur la demande de remboursement des allocations chômage

En application de l’article L1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L1132-4, L1133-4, L1144-3, L1152-3, L1153-4, 1235-3 et L1235-11 du code du travail, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes de tout ou partie des indemnités de chômage versées aux salariés licenciés du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l’espèce, le requérant ayant au moins deux ans d’ancienneté et l’entreprise employant habituellement plus de dix salariés, il convient de condamner d’office l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois, comme prévu aux articles L1235-4 et L1235-5 du code du travail.

2-6-4) Sur les demandes accessoires

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, qui est ancienne, de sorte qu’il y a lieu de la prononcer.

Par ailleurs, pour faire valoir ses droits, le requérant a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge. Il y a lieu en conséquence de condamner la défenderesse à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Enfin, la défenderesse sera corrélativement déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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