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Intermittents du spectacle : un réalisateur de TF1 obtient sous astreinte devant le JEX un bulletin de paie et une attestation Pole Emploi rectificatifs (TJ Nanterre JEX 31 janv. 2020)

Publié le 20/11/2020 Vu 1 923 fois 0
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A la suite d’un jugement prud’homal retenant la requalification de la relation de travail entre M. X et la société Télévision française TF1 en CDI, la société TF1 ne délivre pas les documents requis par la décision au salarié.

A la suite d’un jugement prud’homal retenant la requalification de la relation de travail entre M. X et la

Intermittents du spectacle : un réalisateur de TF1 obtient sous astreinte devant le JEX un bulletin de paie et une attestation Pole Emploi rectificatifs (TJ Nanterre JEX 31 janv. 2020)

 

Ainsi, le salarié a été contraint de saisir le JEX pour que soit exécuté la décision.

Il est ordonné à TF1 de remettre les documents de rupture rectifiés dans les meilleurs délais.

Dans un jugement du 31 aout 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a fait droit aux demandes de M.X dans le litige l’opposant à la société TF1. Il a notamment :

- requalifié la relation de travail entre M. X et la société Télévision Française 1 - TF1 SA (ci-après la société TF1) en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 juin 2010 et jusqu’au 18 décembre 2015,

- dit que la rupture de la relation contractuelle entre les parties produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la société TF1 à verser à M. X  différentes sommes,

- dit que la société TF1 devra transmettre à M. X dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conforme ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif,

- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

1) L’absence de production des pièces de la part de la société TF1

1.1) Absence de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que de la requalification en CDI

Se prévalant de l’absence de production de ces pièces, M. X a fait assigner la société TF1 devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre par exploit d’huissier en date du 8 août 2019.

Il sollicite le tribunal de constater que la société TF1 n’a pas exécuté le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 31 août 2018 en ce qu’il a ordonné la remise à M. X d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision intervenue. Il demande en outre d’assortir ce jugement d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision. Et enfin, de condamner la société TF1 à payer à M.X 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner la société TF1 aux entiers dépens de l’instance.

Sur le fond, M. X soutient que les documents visés par le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt ne lui ont pas été remis.

S’agissant de l’attestation Pôle Emploi, il expose avoir été destinataire de deux documents, respectivement les 11 avril et 14 mai 2019, lesquels sont erronés en ce qu’ils indiquent que le préavis a été effectué et que le montant de l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas mentionné.

S’agissant du bulletin de paie récapitulatif, il explique que la requalification de son contrat de travail ne l’a pas été en contrat à durée indéterminée à temps plein, de sorte que la société TF1 est mal fondée à appliquer un forfait de 214 jours, son temps de travail mensuel s’élevant à 35,84 heures.

 1.2) Demande d’astreinte et de dommages-intérêts pour résistance abusive

Il déduit de l’ensemble de ces éléments, au visa des articles L.131-1 et L.131-2 du code des procédures civiles d’exécution, être bien fondé à solliciter la fixation d’une astreinte afin de mettre un terme au comportement fautif de la société défenderesse.

Enfin, sur le fondement de l’article L.121-3 du code des procédures civiles d’exécution, le demandeur fait valoir que la résistance abusive de la société TF1 lui a causé un préjudice financier et professionnel compte tenu notamment de la mention “cadre de réalisation” initialement portée sur le certificat de travail remis le 16 mai 2019, rectifié le 22 novembre 2019, d’une part, de l’application du forfait de 214 jours compromettant le bénéfice de certains avantages fiscaux, d’autre part, et d’une attestation Pôle emploi erronée impliquant une erreur de calcul de l’aide au retour à l’emploi, enfin. Il sollicite donc réparation de son préjudice à hauteur de 5.000 euros.

 

1.3) La défense de TF1 : l’exception d’incompétence

La société TF1 soulève l’incompétence du juge de l’exécution pour connaître des demandes en rectification du certificat de travail, du bulletin de paie et de l’attestation Pôle emploi remis à M.X et de la demande en dommages et intérêts subséquente en l’absence de mesure d’exécution forcée, conformément à l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire.

En outre, la société défenderesse soutient que la demande en rectification des bulletins de paie est irrecevable, le juge de l’exécution n’étant pas compétent pour statuer, en l’absence de précision du jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, sur la requalification en contrat à durée indéterminée en temps plein ou en temps partiel de son contrat, le tribunal de céans ne pouvant modifier le dispositif du titre exécutoire. Elle fait valoir qu’il appartient à M. X de saisir le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une requête en rectification ou en interprétation.

 

1.4) La défense de TF1 relativement à l’absence de requalification et de l’indemnité compensatrice de préavis

Sur le fond, la société TF1 estime que la demande en rectification du certificat de travail formée par M.X est mal fondée, ayant déjà procédé aux modifications utiles.

S’agissant de l’attestation Pôle emploi, la société défenderesse soutient qu’il lui est matériellement impossible de cocher la case “préavis non effectué”, sans reporter la date de rupture du contrat de travail au 18 mars 2016 contrairement à la décision du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt. Elle précise avoir intégré l’indemnité compensatrice de préavis dans la case 6.3 réservée au salaire, la somme de 4.885,92 euros correspondant à 3 mois de salaire contrairement aux allégations du demandeur. Elle affirme que l’indemnité compensatrice de préavis n’étant en tout état de cause pas prise en compte dans le calcul de l’aide au retour à l’emploi, M.X ne justifie d’aucun préjudice.

1.5) Contestation de la résistance abusive

Enfin, la société TF1 conteste toute résistance abusive de sa part, indiquant avoir effectué les modifications sollicitées préalablement à la présente instance, matériellement et légalement possibles.

2)      Le juge de l’exécution est compétent

Aux termes de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

L’article L.131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que “le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité”.

Selon l’article L.121-3 du même code, “le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive”.

Il résulte de ces dispositions que le juge de l’exécution est compétent pour assurer l’exécution d’une décision rendue par les juges du fond en ordonnant une astreinte, sans qu’il soit besoin au créancier de cette obligation d’avoir pratiqué préalablement une mesure d’exécution forcée, étant rappelé que la fixation d’une astreinte a pour objectif d’éviter la mise en oeuvre des mesures d’exécution forcée.

Il est constant que si le juge de l’exécution doit apprécier, au titre de la fixation d’astreinte, la résistance du débiteur et donc le respect des obligations mises à sa charge par les juges du fond, il ne lui appartient pas de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni de trancher des questions de fond nouvelles.

En outre, il est constant que le juge de l’exception, statuant en matière d’astreinte, peut allouer des dommages-intérêts en cas de résistance abusive à l’exécution d’un titre exécutoire.

L’exception d’incompétence soulevée par la société TF1 sera donc rejetée.

 

3)      La non-conformité des documents remis par TF1 et la condamnation à une astreinte

En premier lieu, il convient de relever que le demandeur ne forme désormais aucune contestation à l’encontre du certificat de travail, celui-ci ayant été rectifié conformément à ses demandes.

En second lieu, s’agissant de l’attestation destinée à Pôle emploi, le débat entre les parties porte uniquement sur les données renseignées au titre du préavis effectué.

Dans son jugement du 31 août 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a condamné la société TF1 à payer à M. X la somme de 4.885,92 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 488,59 euros au titre des congés payés afférents, la société défenderesse devant remettre une attestation Pôle emploi conforme à ces éléments.

Il résulte de la motivation du conseil de prud’hommes que la rupture du lien contractuel est intervenue le 18 décembre 2015 sans que le préavis ne soit effectué.

L’attestation d’employeur destinée à Pôle emploi, signée le 14 mai 2019, indique dans l’encadré “4.emploi” que M. X a été employé du 29 juin 2010 au 18 décembre 2015, d’une part, et que le préavis a été effectué du 19 septembre 2015 au 18 décembre 2015, d’autre part. La société TF1 a également renseigné avoir payé la somme de 6.337,47 euros au titre des salaires versés à l’occasion de la rupture, la case relative à l’indemnité compensatrice de préavis n’étant pas remplie.

La société TF1 entend démontrer son impossibilité matérielle de sélectionner l’onglet “préavis non effectué et payé” en produisant une capture d’écran, laquelle indique que “la date de début de préavis doit être supérieure à la date de dernier jour travaillé”.

Toutefois, compte tenu de la précision apportée par le conseil de prud’hommes selon laquelle l’indemnité de préavis correspond à 3 mois de salaire, il appartient à la société défenderesse de faire courir le préavis à compter du 19 décembre 2015, jusqu’au 19 mars 2016, le dernier jour travaillé payé correspondant effectivement au 18 décembre 2015.

Dans ces conditions, il appartiendra à la société TF1 de reporter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis dans la case effectivement prévue au titre des sommes versées à l’occasion de la rupture en page 4, celui-ci n’ayant pas à être intégré dans les salaires.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir que la société défenderesse n’a pas satisfait à son obligation de remettre à M. X une attestation Pôle emploi conforme à la décision du conseil de prud’hommes.

En troisième lieu, s’agissant du bulletin de paie remis à M. X, il n’est pas contesté que celui-ci fait état d’un forfait annuel de 214 jours, contesté par M. X.

Il convient à titre liminaire de relever que l’attestation Pôle emploi remplie par la société défenderesse indique que M. X ne travaillait pas au forfait mais à temps partiel, de sorte que les deux documents sont contradictoires, la société TF1 n’apportant aucune explication quant à ces différences pourtant substantielles.

En outre, il résulte du titre exécutoire que le conseil de prud’hommes a retenu un salaire brut mensuel du demandeur à hauteur de 1.628,64 euros en application de la grille de rémunération prévue par l’accord d’entreprise de la société TF1. Dès lors, cette pièce n’étant pas produite par la défenderesse et en l’absence de précision du titre exécutoire, la société TF1 ne justifie pas que le conseil de prud’hommes a entendu requalifier le contrat de travail de M. X en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Dans ces conditions, il appartient à la société TF1 de calculer, à partir du montant brut du salaire de M. X fixé par le conseil de prud’hommes et du taux horaire des conventions collectives appliquées, le nombre d’heures effectuées par le demandeur ou, en cas de difficulté et en tant que débiteur de l’obligation de production de documents, de saisir la juridiction du fond d’une requête en interprétation, étant relevé que l’attestation Pôle emploi produite détaille en page 3 le temps de travail réellement effectué par le demandeur.

En tout état de cause, et sans qu’il soit besoin de rajouter au dispositif du titre exécutoire, il résulte d’une interprétation stricte du jugement que le bulletin de paie remis par la société défenderesse n’est pas conforme à celui-ci.

En conclusion, au regard de l’ensemble de ces éléments, compte tenu de la production partielle des pièces requises et du refus opposé par la société défenderesse d’apporter les modifications sollicitées par le demandeur, la mise en place d’une astreinte provisoire apparaît nécessaire et sera fixée à la somme de 50 euros par jour de retard à compter d’un mois à partir de la signification de la présente décision, pour une durée de 3 mois.

4)       La non reconnaissance de la résistance abusive (faute et préjudice distinct)

Aux termes de l’article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

La résistance abusive nécessite la démonstration d’une faute, mais d’une faute distincte de la seule résistance du débiteur à la mesure prise contre lui, laquelle peut être contestée.

En l’espèce, M. X sollicite la condamnation de la société TF1 à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la résistance abusive opposée aux motifs de la production tardive et non conforme des pièces exigées.

Toutefois, il convient de relever que la société défenderesse n’a pas refusé de se conformer à la décision du conseil de prud’hommes, transmettant les trois documents visés au dispositif de cette dernière, d’une part, et acceptant une partie des rectifications sollicitées par le demandeur, d’autre part.

Dès lors, la non-conformité de l’attestation Pôle emploi et du bulletin de paie, qui relève davantage d’une différence d’interprétation du titre exécutoire, ne constitue pas une faute susceptible d’entraîner réparation, M. X ne justifiant au surplus d’aucun préjudice à l’exception des frais liés à la nécessité d’assurer sa défense, examinés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

En conclusion, le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

. REJETTE l’exception d’incompétence soulevée par la société Télévision Française 1 - TF1 SA ;

. DECLARE M. X recevable en toutes ses demandes ;

. ASSORTIT d’une astreinte provisoire l’obligation de la société Télévision Française 1 - TF1 SA figurant au jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne- Billancourt du 31 août 2018 de transmettre à M. X une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes ;

. FIXE à 50 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, pour une durée de 3 mois, le montant de cette astreinte provisoire ;

. DEBOUTE M. X de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

. CONDAMNE la société Télévision Française 1 -TF1 SA à payer à M. X la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. RAPPELLE que la présente décision est exécutoire par provision ;

. CONDAMNE la société Télévision Française 1 - TF1 SA aux dépens de l’instance.

Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

Giulia Marcie juriste

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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