Selon le Monde du 2 septembre 2025, une enquête interne a été diligentée par le Président du Groupe, l’administrateur principal indépendant et un avocat. https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/09/01/nestle-annonce-le-licenciement-de-son-directeur-general-laurent-freixe-pour-cause-de-relation-avec-une-subordonnee-directe_6638068_3234.html
L’enquête interne aurait conclu à ce que la relation « non déclarée » est intervenue en violation du code de conduite des affaires de Nestlé. Ceci aurait justifié l’éviction du Directeur Général.
Ce code de conduite de Nestlé est consultable sur internet. https://www.nestle.com/sites/default/files/asset-library/documents/library/documents/corporate_governance/code_of_business_conduct_fr.pdf
Ce licenciement interpelle sachant que dans un récent arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2025 (n° 24-14.509), la Cour de cassation a considéré, au contraire, que l’atteinte à la vie privée d’un salarié rendait nul et de nul effet, le licenciement de ce dernier.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation affirmait qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
1.1 L’enquête interne de Nestlé est elle valable ?
Tout d’abord, selon l’article du Monde du 2 septembre 2025, le DG de Nestlé a été limogé suite à une enquête interne qui a été gérée par le Président du groupe, un administrateur principal indépendant et un avocat externe.
Nous n’avons pas lu l’enquête interne, mais on peut s’interroger sur le caractère indépendant de celle-ci, sachant que le président du groupe, signataire du code de bonne conduite était parti à celle-ci.
A cet égard, la Défenseure des droits dans une décision cadre du 5 février 2025 a donné des guidelines pour gérer les enquêtes internes dans les entreprises (cf Notre article Discriminations et harcèlements au travail : les recommandations du Défenseur des droits sur les enquêtes internes en entreprise https://www.village-justice.com/articles/discriminations-travail-les-recommandations-defenseure-des-droits-sur-les,52510.html?utm_source=backend&utm_medium=RSS_Linkedin&utm_campaign=RSS_Reseaux).
La Défenseure des droits indique que l’employeur doit privilégier des enquêteurs formés aux discriminations et garantir leur impartialité, en évitant de confier l’enquête à un service impliqué dans les faits signalés.
Dès lors, le recours à des prestataires externes spécialisés ou à la formation des services RH devient essentiel pour garantir une enquête rigoureuse et conforme aux exigences légales.
Les auditions doivent inclure toutes les parties concernées, en garantissant confidentialité et traçabilité, faute de quoi l’entreprise peut s’exposer à des contestations et des litiges.
En cas de contestation de son licenciement, le DG pourrait faire écarter l’enquête interne, en plaidant que celle-ci n’a pas été impartiale et cela invaliderait le licenciement.
A cet égard, le juge du fond apprécie la valeur probante de l’enquête interne (cass. soc. 18 juin 2025, n° 23-19.022 et notre article https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/enquete-interne-licenciement-suite-harcelement-37460.htm).
1.2 Le Directeur Général a-t-il violé de code de bonne conduite des affaires de Nestlé ?
Nestlé indique que cette relation entre le Directeur Général et sa subordonnée directe violerait le code de conduite des affaires de Nestlé.
Ce code est signé par le Président du Groupe Paul Bulcke et l’administrateur délégué Laurent Freixe devenu Directeur Général. https://www.nestle.com/sites/default/files/asset-library/documents/library/documents/corporate_governance/code_of_business_conduct_fr.pdf
Ce code comporte des dispositions notamment en matière de conflits d’intérêts, des cadeaux, des divertissements, et de l’hospitalité, de corruption, de prévention de la fraude.de la protection des actifs de l’entreprise, les délits d’initiés, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
L’article du quotidien le Monde indique que la relation du DG avec sa subordonnée n’avait pas été « déclarée ».
Le code de conduite des affaires ne semble pas imposer de faire une telle déclaration de « relation intime ».
Si la relation intime entre le DG et sa subordonnée créé un conflit d’intérêts, celle-ci aurait peut-être due être déclarée.
1.3 Nullité d’un licenciement pour un fait qui relève de sa vie privée !
En tout état de cause, le fait d’avoir une relation avec une subordonnée relève de sa vie privée et ne peut pas en soi constituer un motif de licenciement … sauf s’il y a un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Nous n’avons pas eu accès au contrat de travail de l’intéressé et il nous est difficile de trancher.
Enfin, le communiqué qui annonce le licenciement du DG pourrait être considéré comme une procédure vexatoire.
Il donne une publicité planétaire à cette décision, ce qui cause un préjudice supplémentaire au DG.
Cela peut sembler un avertissement pour les autres collaborateurs du groupe.
Rappelons qu’une personne sur 4 trouve son conjoint en entreprise.
Il serait dommage que ce type de publicité nuise aux relations entre les salariés.
Last but not least, le communiqué de licenciement indique que Nestlé remercie le « DG licencié » pour son travail pour le groupe.
Ceci disqualifie le licenciement.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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