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Prud’hommes - Requalification d’une convention de stage en contrat de travail statut cadre : la salariée de la start up obtient 38 242 euros bruts (CPH Paris départage 23 janvier 2023, non déf)

Publié le Modifié le 27/07/2023 Vu 3 112 fois 0
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La stagiaire considérait qu’elle n’était pas stagiaire mais salariée.

La stagiaire considérait qu’elle n’était pas stagiaire mais salariée.

Prud’hommes  - Requalification d’une convention de stage en contrat de travail statut cadre : la salariée de la start up obtient 38 242 euros bruts (CPH Paris départage 23 janvier 2023, non déf)

Par jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 23 janvier 2023 (départage), la convention de stage est requalifiée en contrat de travail salarié et la rupture est requalifiée en licenciement sans cause.

Elle obtient au total 38 242 euros bruts.

La société a interjeté appel de la décision du conseil de prud’hommes de Paris, le jugement n’est donc pas définitif.

1)      EXPOSE DU LITIGE

Mme X a effectué un stage au sein de la société Makeup Bag du 15 avril au 11 octobre 2019.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 22 septembre 2020 d’une demande de requalification de la convention de stage en un contrat à durée indéterminée statut cadre ainsi que de différentes demandes en paiement et remise de documents.

A l’audience de départage du 23 novembre 2022, Mme X formule les demandes telles que précédemment rappelées.

Elle fait valoir en substance que la société Makeup Bag ne respectait pas les conditions de recours aux conventions de stages ; qu’elle occupait un emploi permanent au sein de la société ; qu’elle a travaillé du 1er au 7 avril 2019 sans être ni payée, ni déclarée.

La société Makeup Bag conclut au débouté de ces demandes.

2)      MOTIF DE LA DECISION

Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul en l’absence de tout conseiller, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,

Requalifie la relation contractuelle liant la société Makeup Bag à Mme X en contrat de travail à durée indéterminée, statut cadre,

Fixe le salaire de référence à la somme de 2.500 euros brut mensuel,

Condamne la société Makeup Bag à payer à Mme X les sommes suivantes :

 

-          11.568 euros bruts à titre de rappels de salaire pour la période du 15 avril au 11 octobre 2019 du fait de la requalification de sa convention de stage en contrat de travail,

-          115.68 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-          645 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 1 au 5 avril 2019,

-          64.50 euros au titre des congés payés afférents,

-          1.000 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées,

-          100 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-          15.000 euros bruts au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, 

-          7.500 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

-          750 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-          1.500 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 

Ordonne à la société Makeup Bag de remettre à Mme X un bulletin de paie rectifié conforme à la présente décision,

Dit que les condamnations au paiement de créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020 et les créances indemnitaires à compter du jugement.

Condamne la société Makeup Bag à payer à Mme X la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire,

Condamne la société Makeup Bag au paiement des dépens,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Il convient de rappeler à titre liminaire que les demandes de Mme X tendent uniquement à la requalification de sa convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée, ainsi qu’au paiement d’indemnités relatives à l’exécution du contrat de travail.

 

2.1) Sur la demande de requalification

Il ressort de la convention de stage que les activités confiées à Mme X étaient les suivantes :

« Fonction : CONSEIL E-BUSINESS/CHEF DE PROJET DIGITAL, MARKETING COSMETIQUES ».

*La conception de stratégie e-marketing

*La mise en place de stratégie e-business complète permettant à nos marques partenaires d’attirer plus de visiteurs et mieux les convertir en client

*La conception de campagnes de marketing influenceurs pertinents

*La conception d’une stratégie d’acquisition de trafic via le référencement naturel, le Social Média, le referal, le SEA …

*La mise en place de la ligne éditoriale

*Le suivi des actions sur le long terme, leur analyse et les recommandations qui en découle

*La création et l’animation de communautés pour proposer une expérience au-delà de la vente de produit, créer engagement et notoriété

*Formuler des propositions commerciales et les présenter

*Réaliser des reportings et les présenter.

 

L’offre de stage précisait que « nous recherchons un(e) futur(e) membre de l’équipe ; il s’agit d’un stage de 6 mois de fin d’étude qui débouchera sur une embauche en CDI. »

Il n’est pas contesté que durant son stage, Mme X participait à la construction d’offres commerciales, menait les rendez-vous de suivi projets avec les clients, établissait les ordres du jour, présentait ou co-présentait les livrables, faisait les comptes-rendus, s’est vu confier la production de certains livrables, en sus du pilotage projet de l’agence : brief campagne marketing, organisation d’évènements influenceuses, études de mots-clés, synthèses d’études quantitatives et coordonnait et planifiait la production des équipes des pôles métiers dans l’outil Freedcamp.

Elle rendait compte sur une base hebdomadaire, de l’avancement de l’ensemble des projets à la dirigeante Mme Y, puis diffusait les priorités et instructions aux équipes pour la semaine à venir et en contrôlait leur réalisation.

Son tuteur désigné dans la convention de stage, M. V, lui fixait seulement les rendez-vous de « priorisation » destinés exclusivement à fixer l’ordre des priorités des tâches qui lui étaient confiées et à vérifier leur état d’avancement.

S’agissant de la formation à l’outil Freedcamp qui aurait été délivrée le 23 avril 2019, il ressort de la pièce de la société Makeup Bag n°13 qu’il s’agissait en réalité d’une réunion « Gestion de Projet » incluant certes Mme X, mais également Mme W afin de réaliser le transfert de missions pour la gestion des projets de l’agence, pilotés sur l’outil Freedcamp.

La société Makeup Bag ne peut valablement soutenir qu’elle aurait dispensé une formation sur les valeurs de la société alors que Mme Y s’est contentée de faire un « point rapide ou je vais te présenter un doc sur la vision/les valeurs et un partage d’expérience sur la partie agence ».

Le rapport de stage a été rédigé avec retard après relance de l’établissement d’enseignement.

Il y a lieu de considérer que Mme X n’a jamais bénéficié d’aucune formation, cette dernière assumant des fonctions correspondant à un emploi permanent de la société, cela en toute autonomie.

Il convient de requalifier la convention de stage en contrat à durée indéterminée.

La rupture du contrat de travail doit donc s’analyser en un licenciement, nécessairement abusif en l’absence de toute motivation.

 

2.2) Sur les rappels de salaires dus à Mme X du fait de la requalification de sa convention de stage en contrat de travail

Mme X sollicite un rappel de salaire pour la période du 15 avril au 11 octobre 2019.

La salariée sollicite à cette fin la fixation de ce salaire à la somme mensuelle de 3.333 euros, faisant valoir qu’en contrat à durée indéterminée, elle aurait pu bénéficier d’un salaire de 40.000 euros annuel, en se référant à une offre d’emploi correspondant au poste qu’elle a occupé au sein de la société Makeup Bag retenant la qualification de « Chef de projet digital » et une fourchette de salaire comprise entre 30.000 et 40.000 euros bruts, l’employeur reconnaissant que cette offre de poste correspond à celle d’un cadre.

S’agissant d’un emploi en reconversion et aucun élément comparatif n’étant produit aux débats, il convient de retenir un salaire de référence d’un montant de 30.000 euros soit la somme de 2.500 euros mensuel.

Du 15 avril au 11 octobre 2019, Mme X a perçu une gratification de stage d’un montant total de 3.432 euros.

Il convient de lui allouer la somme de (15.000 – 3.432) = 11.568 euros au titre de ce rappel de salaire outre la somme de 115.68 euros au titre des congés payés afférents.

 

2.3) Sur le rappel de salaire pour la période allant du 1er au 7 avril 2019

Mme X prétend avoir commencé à travailler dès le 1er avril 2019.

Il résulte des mails échangés quant à la transmission de missions, et la participation de Mme X a des réunions durant cette période, comme l’atteste la réalisation de comptes-rendus, il convient de retnir que son travail au sein de la société Makeup Bag a débuté le 1er avril 2019.

Il convient de retenir une durée du travail de 39 heures hebdomadaires effectuées.

Le salaire de référence ayant été fixé à la somme de 2.500 euros mensuel, correspondant à un salaire horaire de 16,5 euros, il convient d’allouer à Mme X un rappel de salaire à ce titre d’un montant de 645 euros outre la somme de 64,50 euros au titre des congés payés afférents.

 

2.4) Sur les indemnités de rupture

2.4.1) Sur la demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents

En qualité de salarié cadre Mme X, est donc fondée à obtenir une indemnité compensatrice de préavis de trois mois conformément à la convention collective applicable au contrat de travail à savoir la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955 (IDCC 86).

Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 7.500 euros à ce titre outre celle de 750 euros au titre des congés payés afférents.

 

2.4.2) Sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme X sollicite au titre du licenciement abusif en réparation de son préjudice moral et financier la somme d’un mois de salaire, soit 3.333 euros nets.

Conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, elle peut prétendre au paiement d’une indemnité n’excédant pas un mois de salaire brut.

Au vu de son âge et de son ancienneté de six mois, il convient de lui allouer une indemnité d’un montant de 1.500 euros brut.

 

2.5) Sur les heures supplémentaires

L’horaire de travail était de 39 heures hebdomadaires.

Mme X justifie de la réalité de ses heures supplémentaires par la production de tableaux mensuels indiquant précisément ses heures d’arrivée et de départ, ainsi que ses temps de pause pour chaque jour travaillé, de courriels attestant des envois à des heures tardives de documents ainsi que de ses agendas hebdomadaires attestant du contenu de ses rendez-vous et réunions.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

L’employeur, qui doit assurer le contrôle de la durée de travail de ses salariés, se contente de contester la réalisation d’heures supplémentaires accomplies sans apporter aucun élément aux débats en réponse.

Les heures supplémentaires résultaient de la charge de travail accomplie.

Au vu de l’ensemble de ces éléments ainsi recueillis, il convient de retenir que des heures supplémentaires ont été accomplies sans être rémunérées, dans une moindre mesure cependant que celle alléguée. Il lui est alloué la somme de 1.000 euros outre 100 euros au titre des congés payés afférents.

 

2.6) Sur le travail dissimulé

En l’espèce, en versant à Mme X une rémunération au titre d’un stage alors qu’elle occupait un poste, la société Makeup Bag s’est intentionnellement soustraite à ses obligations telles que rappelées ci-dessus et il sera fait droit à la demande formée par la salariée au titre de l’article L.8221-5 du code du travail.

L’employeur sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 6x 2.500 euros soit la somme de 15.000 euros.

 

2.7) Sur le harcèlement moral : débouté

Mme X prétend avoir subi les actes de harcèlement moral suivants :

-          Des comportements déplacés de la part de M. V et violences verbales ;

-          Une surveillance excessive de son travail ;

-          Des entretiens intimidants et vexatoires ;

-          Non-paiement de ses heures supplémentaires contractuelles malgré ses demandes ;

-          Une éviction et d’une mise à l’écart avant le terme de son stage.

 

Toutefois, Mme X n’établit pas la matérialité des faits qu’elle invoque à l’appui de sa demande.

En effet, elle ne verse aux débats que des éléments correspondant au suivi de son travail, ce suivi n’étant pas propre à l’intéressée dès lors que les autres salariés étaient également destinataires des mêmes fichiers de priorisation des tâches et que la seule attestation produite ne rapporte aucun fait quant à sa situation. Elle ne peut se prévaloir de ses propres courriers dans lesquelles elle relatent certains événements, sans verser aux débats aucun témoignage venant corroborer ses allégations.

Elle n’apporte aucun élément à l’appui de sa mise à l’écart avant la fin du stage.

Il convient donc de la débouter de sa demande de ce chef.

Elle ne caractérise pas la déloyauté alléguée, elle sera donc également déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef.

 

2.8) Sur les demandes accessoires

Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020 et les créances indemnitaires à compter du jugement.

Il y a lieu d’ordonner la remise par la société Makeup Bag à Mme X d’un bulletin de salaire conforme à la présente décision sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette décision d’une astreinte.

Il convient de rappeler que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R1454-28 du code du travail s’agissant du paiement des sommes au titre des rémunérations dans la limite de neuf mois de salaire.

La nature de l’affaire et son ancienneté justifient de l’ordonner pour le surplus sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.

La société Makeup Bag sera condamnée à payer à Mme X une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.


Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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