Il a renvoyé la présente affaire à l’audience du Bureau de jugement de départage (section commerce) présidée par Madame le Juge Départiteur du 4 juin 2021.
Le Conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges, sous la présence du Juge départiteur, après
avoir recueilli l’avis des Conseillers prud’hommes présents, statuant publiquement par
jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
. CONDAMNE la société FRENCH BEE prise en son représentant légal à verser à Madame X les sommes suivantes :
- La somme de 2.000 euros (deux-mille euros) au titre du non-respect de temps de repos ;
- La somme de 16.000 (seize mille euros) au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- La somme de 2.000 euros (deux-mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
. ORDONNE la remise de bulletins de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés ;
. DIT qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte ;
. CONDAMNE la société FRENCH BEE prise en son représentant légal à rembourser à Pôle Emplois les allocations chômage dans la limite de 6 mois.
. ORDONNE l’exécution provisoire ;
. CONDAMNE la société FRENCH BEE prise en son représentant légal aux dépens.
Le jugement n’est pas définitif.
La salariée a interjeté appel du jugement.
1) Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l’absence d’insuffisance professionnelle
Pour que l’insuffisance professionnelle soit reconnue comme une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être vérifiée par le juge.
L’insuffisance professionnelle est caractérisée par un manque de compétence au regard des missions contractuelle confiées au salarié.
L’insuffisance professionnelle doit donc reposer sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.
Au cas présent, il apparaît que la société a confié à Madame X des fonctions
supplémentaires s’additionnant à celle de sa qualification contractuelle de Chef de cabine :
- La fonction d’Instructeur à compter de décembre 2016 ;
- La fonction de Chef de base à compter de juillet 2017.
Ces fonctions additionnelles lui ont été confiées en reconnaissance de ses compétences
professionnelles.
Or il apparaît que l’intégralité des griefs de la lettre de licenciement porte sur ses missions d’Instructeur, puis de Chef de base, et non pas sur ses missions de Chef de cabine, objet de son contrat de travail initial.
Les fonctions d’Instructeur, puis de Chef de base lui ont été attribuées dans le cadre d’avenants temporaires, dans lesquels il était clairement spécifié que ces fonctions nouvelles n’étaient pas intégrées au contrat de travail initiales et qu’à la fin de l’avenant temporaire, soit le 31 décembre 2017, Madame X retrouverait ses fonction initiales.
Conformément à l’avenant du 1er décembre 2016, les missions d’Instructeurs lui avaient été affectées de manière temporaire jusqu’au 31 décembre 2017. La société a continué de lui confier les mission d’Instructeur sans régulariser de nouvel avenant. De même, l’avenant prévoyait que ses objectifs seraient fixés dans une lettre séparée, ce qui n’a jamais été le cas et l’avenant précisait que à son issue, soit le 31 décembre 2017, Madame X retrouverait sa qualification et sa rémunération prévue au contrat de travail initial.
S’agissant des missions de Chef de base, par avenant temporaire, Madame X se voyait confier les responsabilités supplémentaires de Chef de base, pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2019, aux termes d’une période probatoire d’une durée de 6 mois. La fiche de poste n’a été portée à sa connaissance indirectement que 2 mois après sa prise de fonction via la publication d’un manuel d’exploitation et ses objectifs n’ont jamais été déterminés et alors que les fonctions de Chef base impliquent essentiellement des missions de management, Madame X n’a eu aucune formation de management, alors que la Directrice des Ressources Humaines savait qu’elle ne disposait pas de la qualification initiale pour ce poste. Enfin, Madame X était promue Chef de Base à Saint Denis de la Réunion, sans aucune formation de management, elle devait s’occuper seule de la création de ce poste puisqu’il s’agissait de l’ouverture d’une nouvelle base par la société.
Ainsi, Madame X, qui a été engagée le 1er juin 2016, a été promue 2 fois successivement
et n’avait fait l’objet d’aucun reproche jusqu’au mois de janvier 2019, a perçu une prime
exceptionnelle au mois de décembre 2018 en récompense de sa performance.
En conséquence, le licenciement de Madame X pour insuffisance professionnel n’est pas
justifié et sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2) Sur le harcèlement moral : la salariée est déboutée
L’article L. 1152-1 du code du travail définit comme suit le harcèlement moral :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »
L’existence d’un harcèlement moral est donc subordonnée à la caractérisation des trois
éléments constitutifs cumulatifs suivants :
- Des agissements répétitifs, récurrents, étant précisé qu’un refus réitéré à une même demande ne constitue pas un acte répétitif ;
- La dégradation des conditions de travail subie personnellement ;
- Une atteinte à la santé, à la dignité ou aux droits du salarié.
Le harcèlement suppose donc la caractérisation d’agissements répétés de la part de
l’employeur, un acte isolée ne pouvant être suffisant à la qualification du harcèlement. Le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec l’exercice normal du pouvoir de direction et d’organisation de
l’employeur.
Aux termes de l’article L. 1154-1 du Code du travail, il appartient au salarié « d’établir les faits qui permettent de supposer l’existence de harcèlement » en démontrant :
- L’existence de faits dégradants ses conditions de travail ou susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, à sa santé physique ou mentale ;
- Le caractère répété de ces faits ;
- L’existence d’un lien de causalité entre les faits incriminés et la dégradations de ses conditions de travail ;
Madame X invoque à l’appui de sa demande l’absence de fourniture de moyen, une mise
à l’écart et un isolement, des propos hostiles, l’attribution de tâches à caractère dévalorisant et des
accusations.
Cependant ces éléments tels qu’explicités ne caractérisent pas une situation de harcèlement.
En conséquence, Madame X sera déboutée de ses demandes à ce titre.
3) Sur les demandes indemnitaires :
En réparation du préjudice subi du fait de son licenciement pat la société FRENCH BEE,
Madame X réclame la somme de 32.000 euros nets.
L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit une indemnité pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse d’un montant minimum de 3 mois de salaire brut (pour les entreprises
employant plus de 11 salariés) et d’un montant maximum de 4 mois pour les salariés dont
l’ancienneté au moment du licenciement est de 11 années complètes.
Ce même article précise que pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir
compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versée à l’occasion de la rupture, à
l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L 1234-9.
L’article L 1235-1 du même code dispose que le juge « justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie ».
Pour tenter de contourner le barème instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre
2017, Madame X soutient avoir été victime de harcèlement moral.
Madame X n’a cependant subi aucun agissement de harcèlement moral de sorte que sa
demande sera rejetée.
A l’appui de sa demande, Madame X indique avoir subi un important préjudice moral et financier en prétendant avoir été « isolée » sur l’Ile de la Réunion et contrainte de « déménager en métropole » pour retrouver un emploi. Madame X ne démontre la réalité d’aucun préjudice particulier qui trouverait son fondement ou sa justification dans la rupture de lien contractuel et se contente de verser aux débats deux candidatures à des postes d’agent d’escale adressées les 19 et 20 août 2020, soit plus de 16 mois après son licenciement, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi.
L’installation de Madame X à Saint-Denis de la Réunion, son retour en métropole ainsi
que les répercussions qu’elle prétend avoir subies ne sont absolument pas imputables à la
société FRENCH BEE et relèvent avant tout d’un choix personnel.
En conséquence, la société FRENCH BEE sera condamnée à verser à Madame X la
somme de 16.000 euros la déboutant de l’ensemble de ses autres demandes financières qui ne
sont pas justifiées.
4) Sur le non-respect des temps de repos de Madame X :
Il ressort des pièces versées aux débats que les temps de repos obligatoires entre deux vols de Madame X n’étaient pas systématiquement respectés par la société FRENCH BEE
A titre d’exemple, Madame X était contrainte de travailler sur des périodes de temps de repos obligatoire : Le 27 février 2017, Madame X était désignée Responsable Adjointe aux uniformes. Or, Monsieur C. lui demandait de l’accompagner à une réunion chez un fournisseur K. le 24 mars 2017, soir pendant son repos ; Le 20 septembre 2017, Madame F. lui adressait un courriel urgent à 18 heures 48 pour lui demander de remplir son effectif pour le stage CQP.
Compte tenu de l’urgence, Madame X était contrainte d’effectuer cette tâche le lendemain, soit sur un temps de repos obligatoire avant un vol long-courrier, ainsi qu’il ressort de son planning ; Les 16 et 17 mars 2018, Madame X était contrainte de suivre une formation CQP pendants ses jours de repos mensuels obligatoires, ainsi qu’il ressort de son planning ;
En conséquence, la société FRENCH BEE sera condamnée à payer à Madame X la somme de 2.000 euros pour non-respect des temps de repos obligatoires.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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