La non-requalification d'une mise à pied conservatoire

Publié le 06/06/2022 Vu 2 731 fois 0
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Par cet arrêt, la Cour d'appel de LIMOGES est amenée à apprécier la régularité d’une mise à pied conservatoire suivie d’un licenciement.

Par cet arrêt, la Cour d'appel de LIMOGES est amenée à apprécier la régularité d’une mise à pied cons

La non-requalification d'une mise à pied conservatoire
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CA LIMOGES, 31 mai 2022, RG n° 21/00949 *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de LIMOGES est amenée à apprécier la régularité d’une mise à pied conservatoire suivie d’un licenciement.


Le régime juridique de la mise à pied conservatoire n’est pas posé par le code du travail. Seul l’article L. 1332-3 de ce code y fait référence en disposant que la procédure disciplinaire doit être respectée en cas de sanction ayant donné lieu à « une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat ».

En la matière, on rappellera qu’il est important d’engager la procédure de licenciement dans les jours qui suivent le prononcé d’une mise à pied conservatoire, sous peine de voir requalifier cette première mesure en sanction disciplinaire et ainsi voir juger abusif le licenciement qui s’en est suivi.

En effet, la Cour de cassation juge, sur le fondement du principe non bis in idem (aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction), que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire dès lors que la procédure de licenciement n’a pas été engagée dans un laps de temps bref après la notification de la mesure conservatoire (Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 16-28.773).

Tel est le cas par exemple lorsque la procédure de licenciement a été engagée plus de 7 jours après la notification d’une mise à pied conservatoire (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 18-11.669).

Au contraire, lorsque la procédure de licenciement a été déclenchée le lendemain de la mise à pied, celle-ci est nécessairement conservatoire (Cass. soc., 20 mars 2013, n° 12-15.707).

Par ailleurs, le seul moyen de justifier d’un délai excessif est la possibilité de démontrer pour l’employeur d’un motif légitime expliquant cette tardiveté entre la notification de la mise à pied et l’engagement de la procédure licenciement.

Les hypothèses sont assez rarement retenues par la jurisprudence :

  • Lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu, en même temps, à des poursuites pénales (Cass. soc., 6 octobre 2016, n° 15-15.646 : délai de sept semaines jugé non excessifs).
  • Lorsque les faits reprochés nécessitent, par leur importance des investigations complexes et s’étalant sur plusieurs jours (Cass. soc., 13 septembre 2012, n° 11-16.434 : pour un délai de 13 jours entre la notification de la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable, délai justifié par des investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds).


Dans le cas d’espèce, il était justement question de cette règle prétorienne.

Plus particulièrement, un salarié a été accusé par l'un de ses collègues de faits de harcèlement moral. En vue de vérifier la véracité de ces faits, l'employeur a diligenté une enquête.

Le temps de cette enquête, le salarié a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire avant d'être licencié. Il a, ensuite, saisi les juridictions prud'homales en vue de contester son licenciement.

Un premier arrêt de la Cour de cassation était intervenu, la juridiction suprême reprochant à la première juridiction d’appel de ne pas avoir caractérisé un motif légitime justifiant le délai de 13 jours entre la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 18-25.565).

C’est justement ce que va s’employer à démontrer la Cour d’appel de LIMOGES.

Celle-ci rappelle, au préalable, que lorsque la suspension du contrat de travail imposée par l'employeur n'est pas immédiatement suivie de la convocation à l'entretien préalable, il s'agit d'une mise à pied qui perd son caractère conservatoire et s'analyse en une mise à pied de nature disciplinaire.

Au cas présent, l'employeur a été informé, le 5 mars 2015, de faits d'une particulière gravité (harcèlement moral) commis par un de ses salariés à l'égard d'un autre.

L'employeur a procédé, dès le lendemain, à la mise à pied du salarié accusé et attendu 13 jours avant d'engager la procédure de licenciement afin de vérifier la réalité des faits dénoncés en procédant à des investigations internes, notamment à l'audition de la victime sur les faits en question, mais en lui laissant le temps de prendre un minimum de recul compte tenu de la gravité de ses accusations et de son état psychologique.

Compte tenu de ces éléments, selon la Cour d'appel, le délai de 13 jours ne paraît pas excessif dans la mesure où l'employeur ne pouvait engager une procédure aussi grave que celle d'un licenciement sans s'être assuré de disposer d'éléments suffisants pour être convaincu de la réalité des faits dénoncés.

Dès lors, la mise à pied conservatoire ne peut être requalifiée en mise à pied disciplinaire pour rendre abusif le licenciement.

 

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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