Coronavirus et voyage à forfait : faut-il annuler les voyages en Chine ?

Publié le 11/02/2020 Vu 2 651 fois 0
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La question se pose tant pour les professionnels du tourisme que pour les voyageurs.

La question se pose tant pour les professionnels du tourisme que pour les voyageurs.

Coronavirus et voyage à forfait : faut-il annuler les voyages en Chine ?

Un nouveau coronavirus (appelé le 2019-nCoV) a été découvert début janvier en Chine suite à l’apparition de plusieurs cas de pneumonie d’allure virale d’origine inconnue, puis signalé à l’OMS. L’origine de ce virus est située dans la ville de Wuhan qui est depuis confinée par les autorités sanitaires chinoises. Les cas se sont malgré tout étendus en Chine et même à d’autres Etats d’Asie. Certains cas ont depuis été déclarés en Europe, et même en France (où à ce jour 11 cas sont recensés). Le coronavirus inquiète par sa propagation et l’OMS a déclaré une « urgence de santé publique de portée internationale » le 30 janvier dernier.

L’inquiétude se ressent légitimement dans le monde du tourisme. En effet, de nombreuses compagnies aériennes ont dans un premier temps annulé leurs liaisons avec la Chine. Mais certains Etats ont décidé également d’interdire l’entrée sur leur territoire aux voyageurs ayant simplement transité par la Chine, y compris Hong Kong et Macao ; c’est le cas des Etats-Unis, de l’Australie, du Japon, etc. Les compagnies aériennes pourront alors refuser d’embarquer certains passagers au vu de ces nouvelles prescriptions nationales.

Se pose aussi la question du maintien des voyages à forfait à cette destination non seulement pour les voyageurs mais aussi pour les professionnels (agences et TO).

En règle générale, pour justifier une modification ou une annulation du contrat de voyage, on se réfère à la position du ministère des affaires étrangères en France. Or, pour le moment, comme dans d’autres Etats (le Canada par exemple) il déconseille les voyages non essentiels à destination de la Chine.

Les professionnels du tourisme n’ont pas attendus pour se saisir du problème et la plupart d’entre eux a aujourd’hui cessé de vendre de nouveaux voyages à destination de la Chine ou propose encore de reporter les voyages déjà réservés.

Côté professionnel, une telle approche est naturellement sage dans la mesure où plusieurs villes du pays se retrouvent confinées (dans la province de Hubei) et que de nombreuses attractions touristiques ont été fermées par les autorités chinoises. Ces diverses décisions prises par les autorités locales, justifiées par des risques sanitaires établis (l’agence européenne « European Centre for Disease Prevention and Control » rappelle sur son site qu’à ce jour la Chine compte à elle seule 40 216 cas déclarés et 909 décès), peuvent certainement s’apparenter selon le voyage proposé (excursions et visites, régions visitées, etc.) :

  • au moins à un évènement extérieur rendant impossible le respect d’un des éléments essentiels du contrat (article L.211-13 du code du tourisme) voire même
  • à une circonstance exceptionnelle et inévitable (article L.211-14 III 2° du code du tourisme).

Dans le premier cas, il devra informer le voyageur et lui proposer de résilier le contrat sans frais ou de de le modifier, alors que dans le second cas, le professionnel pourra résilier unilatéralement le contrat et rembourser intégralement le voyageur sans avoir à l’indemniser.

Côté voyageur, il faut se rappeler qu’avec la directive voyage n°2015/2302 du 25 novembre 2015, il a été introduit la possibilité pour le voyageur de résilier unilatéralement son contrat de voyage sans payer de frais de résiliation si des « circonstances exceptionnelles et inévitables survenant eu lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination » (article L.211-14 II du code du tourisme).

Or, cette notion n’a pas encore fait l’objet d’une interprétation par les tribunaux. Mais il existe quelques pistes d’interprétation que l’on peut trouver dans le préambule de la directive elle-même ou encore dans les comptes-rendus des groupes de travail formés pour assister les Etats membres à transposer ladite directive.

  • Les circonstances extraordinaires doivent en effet s’entendre exclusivement comme étant une guerre, d’autres problèmes de sécurité graves, tels que le terrorisme, de risques graves pour la santé humaine, comme l’apparition d’une maladie grave sur le lieu de destination, ou de catastrophes naturelles, telles que des inondations, des tremblements de terre ou des conditions météorologiques rendant impossible un déplacement en toute sécurité vers le lieu de destination stipulé dans le contrat de voyage à forfait. Il ne peut donc s’agir de circonstances qui concernent le voyageur (maladie, décès, etc.).
  • Parfois cependant, la situation personnelle du voyageur sera pertinente pour savoir si la situation sur place est de nature à affecter la bonne exécution du forfait. Il faudra adopter une approche au cas par cas : par exemple rechercher si une voyageuse enceinte pourra être plus sensible au virus Zika que d’autres voyageurs, etc.
  • Il conviendra de rechercher la date à laquelle l’évènement est survenu par rapport à la date de départ et si la situation a évolué depuis l’achat du forfait touristique (si la situation était par exemple déjà connue au moment de l’achat, il ne sera pas possible de résilier le voyage pour cette raison).

Dans le contexte actuel, les cas de résiliation unilatérale vont sans aucun doute donner lieu à des difficultés d’appréciation entre agences et voyageurs. En tout état de cause, il faudra se référer à la situation sur le lieu de destination prévu dans le contrat de voyage.

V.A.

A noter que ce billet se limite à une approche générale de la question en jeu et ne peut être assimilé à une consultation juridique. Le cabinet ne délivrera aucun avis gratuit sur une situation donnée, ni par email ni par téléphone sur ce sujet.

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