Les litiges relatifs à la location de meublés de tourisme ne cessent d’occuper les juridictions françaises.
En effet, face à la pénurie de logements qui s'est aggravée avec le succès indéniable des plateformes Internet comme AirBnB, les autorités locales à l'instar de la ville de Paris n'hésitent plus à poursuivre les loueurs de meublés de tourisme qui ne respecteraient pas le cadre règlementaire mis en place progressivement ces dernières années pour endiguer ce phénomène.
Pour rappel, lorsqu’elle constitue une activité régulière, la location saisonnière est soumise à changement d’usage du local ainsi loué en application de l’article L.631‑7 du Code de la construction et de l’habitation. Les dispositions de ce texte s’appliquent dans les communes de plus de 200,000 habitants et certains départements spécifiquement énumérés, et concernent donc tout local meublé destiné à l'habitation qui est loué de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.
Tout manquement peut donner lieu à une amende – dont le montant peut être significatif : jusqu’à 50,000 euros (article L.651‑2 du CCH) !
Dans une affaire récente, la ville de Paris avait décidé de poursuivre un propriétaire et son locataire pour faire cesser la location saisonnière d’un local à usage d’habitation pour lequel aucun changement d’usage n’avait été autorisé. Elle obtint gain de cause puisque la cour d’appel de Paris (Paris, Pôle 1 Ch.2, 30 sept. 2021, n°21/03183) condamna respectivement le locataire et le propriétaire à lui payer une amende civile de 50,000 euros et de 25,000 euros. Seul le locataire s’est pourvu en cassation.
Devant la haute juridiction, le locataire faisait valoir que son bailleur (propriétaire du local concerné) l’avait expressément autorisé par avenant à opérer des locations de courtes durées.
Même permise par le propriétaire-bailleur, la sous-location saisonnière du local ne répondait pas aux exigences de la règlementation évoquée ci-dessus. Comme cela a déjà été évoqué dans d’autres billets de ce blog (par exemple : https://www.legavox.fr/blog/maitre-valerie-augros/sous-location-meuble-tourisme-retour-27472.htm), le locataire doit obtenir au préalable une autorisation de son bailleur pour sous-louer le bien dans de telles conditions ; à défaut, il risque la résiliation de son bail et la confiscation des loyers perçus…
Mais cela n’est pas suffisant.
Et c’est tout l’intérêt de l’arrêt de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 3, 15 fév. 2023, n°22-10187) : le locataire qui entend sous-louer un local de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, doit également s’assurer d’y être autorisé par la commune. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. La haute juridiction a donc ainsi approuvé la Cour d’appel qui avait reproché au locataire cette activité.
Selon la Cour d’appel :
La responsabilité civile du locataire peut être engagée si les circonstances de l’espèce démontrent qu’il devait nécessairement avoir connaissance de la violation des dispositions d’ordre public, dispositions qui s’appliquent en effet à 'toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article', peu important le titre juridique au terme duquel la personne est intervenue dans la gestion du bien […]
Elle avait ajouté que :
[Le locataire] ne pouvait ignorer la réglementation applicable au regard des dispositions régissant le changement d’usage, notamment au sens du dernier alinéa de l’article L. 631-7 ; qu’il appartenait tant au propriétaire qu’au locataire chargé de louer le bien pour de courtes durée de s’assurer de l’obtention des autorisations personnelles de changement d’usage, nonobstant l’attestation du l’honneur du bailleur inopérante […].
La Cour de Cassation confirme alors l’analyse de la Cour d’appel selon laquelle il appartenait au locataire de s'assurer de l'autorisation du changement d'usage. L’attestation sur l’honneur du propriétaire-bailleur de la « licéité de la location meublée de courtes durées » était donc inefficace en l’espèce pour exonérer le locataire de sa responsabilité, d’autant plus qu’il était un professionnel de la location de courte durée…
C’est également pour cette raison que la Cour de Cassation exclut toute possibilité pour le locataire de solliciter la garantie du propriétaire-bailleur. Dans de telles circonstances, le locataire ne pouvait prétendre que son bailleur avait manqué à son obligation de lui délivrer un bien conforme à la destination contractuelle (résultant de l’avenant conclu entre les parties).
V.A.