Le côté social de la loi "modificative" relative à la gestion de la crise sanitaire du 5 août 2021

Publié le 09/08/2021 Vu 1 400 fois 0
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Après une première version de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, un nouveau texte législatif vient en modifier son contenu.

Après une première version de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanit

Le côté social de la loi "modificative" relative à la gestion de la crise sanitaire du 5 août 2021

Après une première version de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, un nouveau texte législatif vient en modifier son contenu.

Cette loi "modificative" est le fruit d'âpres débats au sein du Parlement et vient d'être validée par le Conseil constitutionnel dans la quasi-majorité de ses dispositions dans sa décision du 5 août dernier (Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021).

Plus particulièrement, sur un volet droit du travail, nous intéresse ici deux dispositions :

 

  1. Celles relatives à la suspension du contrat de travail pour les salariés devant justifier d'un "Passe sanitaire",
  2. Celles relatives à la fin prématurée des contrats courts (CDD ou contrat de mission). 

Si les premières ont été entièrement validées par le Conseil constitutionnel (1), ce dernier a retoqué les secondes (2).


1°/ Sur la suspension du contrat de travail

Sur ce point, il convient de distinguer les salariés travaillant hors-secteur de la santé pour lesquels le "Passe sanitaire" est obligatoire (a) et ceux travaillant dans un établissement de santé sur lesquels il pèse une obligation vaccinale (b).


a/ Sur l'obligation de détention d'un "Passe sanitaire"

On notera que l'obligation d'un "Passe sanitaire" concerne les salariés travaillant dans les lieux où celui-ci est obligatoire (Article 1er de la loi du 5 août 2021) :

  • Les activités de loisirs ;
  • Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ;
  • Les foires, séminaires et salons professionnels ;
  • Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l'un des territoires mentionnés au 1° du présent A, sauf en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis ;
  • Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport.

Cette obligation de "Passe sanitaire" sera applicable aux personnes travaillant dans lesdits lieux à compter du 30 août 2021 et ce, jusqu'au 15 novembre 2021.

Pour ces salariés, le "Passe sanitaire" peut revêtir trois formes :

  1. Un résultat d'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19,
  2. Un justificatif de statut vaccinal,
  3. Un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination

On ne peut donc pas vraiment parler d'une obligation vaccinale, même si dans la pratique, la réalisation d'un test de dépistage peut être fortement contraignant afin d'inciter la population à se vacciner. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs relevé ce fait dans sa décision :

"Ainsi, ces dispositions n'instaurent, en tout état de cause, ni obligation de soin ni obligation de vaccination(Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, §. 44).

En l'absence d'un "Passe sanitaire", le ou les salariés concernées ne pourront plus exercer leur activité professionnelle.

Initialement, il avait été prévu dans le projet de loi que le fait pour un salarié de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée supérieure à deux mois pour non-respect de l'obligation de vaccination était susceptible de constituer un motif de licenciement.

Pour autant, le projet finalement transmis au contrôle a priori du Conseil constitutionnel a totalement fait fi de ce nouveau motif de licenciement et ne conserve que l'hypothèse d'une suspension du contrat de travail en l'absence du "Passe sanitaire".

Pour éviter cette suspension, la loi préconise que le salarié en cause use de ses droits de congé ou repos conventionnel.

Lorsque la suspension du contrat de travail se prolonge au-delà de trois jours, l'employeur doit organiser un entretien avec son salarié en vue "d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l'entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation".

Au vu de ces mesures, le Conseil constitutionnel estime ainsi que ces dispositions ne sont contraires à aucune disposition constitutionnelle puisque ces restrictions viennent poursuivent l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé en vue d'enrayer la nouvelle propagation de la covid 19.


b/ Les salariés travaillant dans un établissement de santé

En revanche, il pèse sur tous les salariés travaillant dans un établissement de santé une obligation vaccinale, hormis contre-indication médicale (Article 12 de la loi du 5 août 2021).

On notera que cette obligation ne concerne pas le personnel exerçant des missions ponctuelles dans un établissement de santé.

Comme pour les autres salariés, en l'absence d'un "Passe sanitaire", le ou les salariés concernées ne pourront plus exercer leur activité professionnelle.

A cet effet, l'employeur a l'obligation de prévenir son salarié des conséquences de sa "non-vaccination" ainsi que des moyens de régulariser sa situation. On peut être surpris de l'usage du pluriel puisque le seul véritable moyen serait de se faire vacciner, ce qui en constitue à la fois la cause et la solution du problème rencontré.

L'article 14 de la loi précise que cette cause de suspension du contrat de travail entraine la suspension du versement de la rémunération dans la mesure où le salarié n'est plus autorisé à travailler. Cette période de suspension ne sera d'ailleurs pas prise en compte pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté.

Contrairement aux dispositions applicables à certains lieux publics ou certaines activités, cette obligation vaccinale n'a pas fait l'objet de contestation particulière devant le Conseil constitutionnel.



2°/ Sur la fin prématurée des contrats courts

Le projet de loi prévoyait qu'un contrat court (CDD ou contrat de mission) était susceptible d'être rompu par l'employeur avant son échéance, à la seule initiative de l'employeur dans l'hypothèse où le salarié ne présente pas les justificatifs, certificat ou résultat requis pour l'obtention du « Passe sanitaire ».

Pour autant, le Conseil constitutionnel n'a pas validé cette disposition législative en se fondant sur le principe d'égalité devant la loi consacré à l'article 6 de la Déclaration de 1789.

En la matière, on rappellera que selon cette juridiction, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

La position du Conseil constitutionnel apparait surprenante puisque, dans un premier temps, il estime que les salariés en CDI et ceux en contrat court sont dans des situations différentes, de telle sorte que le législateur peut ne pas réclamer pour les premiers le "Passe sanitaire" et inversement, le réclamer pour les seconds. 

Cependant, cette première analyse est contredite dès le paragraphe suivant du Conseil qui juge, cette fois-ci, que quel que soit le type de contrat,  chaque salarié est exposé au même risque de contamination ou de transmission du virus.

Ainsi, il en conclut que "le défaut de présentation d'un « passe sanitaire » constitue une cause de rupture des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leur contrat de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi" (§. 78 de la décision).

Il juge donc contraire à la Constitution cette cause de rupture, à la seule initiative de l'employeur, des contrats courts.

La motivation du Conseil constitutionnel pourrait surprendre puisqu'elle suggère de manière subliminale au législateur d'étendre la possibilité de rupture du contrat de travail pour défaut de "Passe sanitaire" au CDI. Dans un tel cas, la différence de traitement n'aurait plus lieu d'être et donc, in fine, la violation du principe d'égalité disparaitrait dans le même temps.

On remarquera d'ailleurs que, par le passé, que le Conseil a jugé qu’il est loisible au législateur de créer un motif spécifique de licenciement à condition de garantir à la personne concernée le respect des droits de la défense (CC, décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006).

Toutefois, au niveau des engagements internationaux de la France, il n'est pas certain que la Cour de cassation arrive à la même conclusion dans le cadre d'un contrôle de conventionnalité.

Pour simple illustration, on rappellera que la Cour suprême a jugé contraire à la convention n° 158 de l’OIT les dispositions nationales relatives au contrat nouvelles embauches prévoyant une rupture de ce contrat dérogatoire au droit commun du licenciement (Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124).

Il n'est donc pas impossible que la Cour de cassation aurait pu suivre ce précédent si le législateur avait prévu un motif de licenciement lié au défaut de "Passe sanitaire" comme cela était prévu dans le projet de loi initial.

***

N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d'information. En raison de l'évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.

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