La Covid-19 s'invite devant les juridictions prud'homales

Publié le Modifié le 31/03/2023 Vu 1 375 fois 0
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Par cet arrêt, la Cour d'appel de ROUEN est amenée à statuer sur le bien-fondé d’un licenciement prononcé en raison d’un exercice du droit de retrait lié à la crise sanitaire consécutive à la Covid-19.

Par cet arrêt, la Cour d'appel de ROUEN est amenée à statuer sur le bien-fondé d’un licenciement prononc

La Covid-19 s'invite devant les juridictions prud'homales
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CA ROUEN, 16 mars 2023, RG n° 21/02428 *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de ROUEN est amenée à statuer sur le bien-fondé d’un licenciement prononcé en raison d’un exercice du droit de retrait lié à la crise sanitaire consécutive à la Covid-19.

Comme indiqué dans un précédent article, il est certain dans les années à venir qu’un contentieux va naître concernant la crise sanitaire liée à la Covid-19.

Tel est le cas de l’arrêt commenté. Il était question d’un salarié engagé en qualité d'employé des expéditions le 12 septembre 2016. Il a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le 15 juin 2020 en pleine période de crise sanitaire liée à la Covid-19 en raison d'une absence injustifiée.

Le salarié a contesté ce licenciement en revendiquant son droit de retrait estimant que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé liée à la Covid-19.

En la matière, il convient de se reporter aux articles L. 4131-1 et suivants du code du travail. Plus particulièrement, le salarié peut se retirer d’une situation, dont il estime pour un motif raisonnable, qu’elle présente « un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Le salarié doit alors immédiatement signaler à son employeur l’existence d’une telle situation.

En toute circonstance, le droit de retrait exercé par un salarié ne doit pas créer pour ses collègues une nouvelle situation de risque grave et imminent. Par ailleurs, le danger doit apparaître comme se situant au-delà du risque qui s'attache à l'exercice normal d'un travail, le salarié ne devant pas être exposé au quotidien et de manière habituelle à ce danger.

Selon l’article L. 4131-3 du code précité, l’exercice légitime du droit de retrait prohibe toute sanction ou retenue de salaire à l'encontre du salarié qui s’est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie.

Au regard de ces règles, la jurisprudence a, par exemple, retenu l’exercice légitime du droit de retrait d’un salarié qui devait réaliser des missions contraires aux préconisations émises par la médecine du travail lors d’une visite de reprise (Cass. soc., 10 mai 2001, n° 00-43.437).

Au cas présent, le salarié ne conteste pas son absence injustifiée mais lui dénie tout caractère fautif, estimant que cette absence est justifiée par l'exercice de son droit de retrait lié au premier confinement de 2020, période extrêmement anxiogène selon lui.

Après avoir rappelé les textes susvisés, la Cour d'appel de ROUEN note que le salarié a bien informé l'employeur de son droit de retrait et de sa peur d'attraper la Covid-19 compte tenu de ses conditions de travail.

Or, la Cour énonce que la légitimité du droit de retrait ainsi exercé par le salarié en cause ne peut s'apprécier au regard de la situation générale de danger pour la santé des personnes créée par la circulation du virus de la Covid-19. Il convient de prendre en considération uniquement la situation particulière des conditions de travail dudit salarié ainsi que sa situation personnelle dans ce contexte de pandémie.

Or, ce dernier n'était pas une personne vulnérable ou n’avait pas dans son entourage des personnes à risque. Ainsi, pour la Cour, il y a lieu de considérer que le salarié ne peut se prévaloir d'une situation personnelle particulière qui aurait légitimement majoré son anxiété face au danger auquel tout un chacun était exposé pendant cette période.

Par ailleurs, la Cour d’appel relève également que l'employeur avait entrepris différentes démarches en vue de respecter les consignes données par l'administration au niveau national : diffusion de consignes du respect des gestes barrières, annulation des réunions et formations en présentiel, échanges réguliers avec les salariés, préconisation du télétravail, mise à disposition d'équipements de protection individuelle (gant, masque), mise à jour du DUER...

La Cour d’appel ne constate ainsi aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité quant à l'organisation des conditions de travail de ses salariés pendant cette période.

Dès lors, elle juge que l'exercice du droit de retrait n'était pas légitime et ne justifie pas les absences injustifiées.

En revanche, elle estime que ces faits sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et non d'une faute grave, de sorte que le salarié peut réclamer une indemnité de licenciement ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.

Cette position de la Cour d’appel de ROUEN rejoint celle adoptée, à l’époque, par l’administration qui avait indiqué que le droit de retrait ne pouvait s’exercer si l’employeur respectait l’ensemble des recommandations sanitaires et sociales prévues au niveau national.

Restons dans l'attente de la position de la Cour de cassation pour ce type de contentieux.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/

 


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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