L'enfant a un intérêt légitime à changer de nom en cas d'abandon du père

Publié le Modifié le 13/10/2014 Vu 2 200 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le Conseil d'Etat rend une décision souple en exigeant l'examen complet des circonstances ayant initié la demande de changement de nom, notamment l'abandon total du père et les troubles constatés chez lez enfants concernés, pour déterminer l'existence d'un intérêt légitime.

Le Conseil d'Etat rend une décision souple en exigeant l'examen complet des circonstances ayant initié la de

L'enfant a un intérêt légitime à changer de nom en cas d'abandon du père

Le Conseil d'Etat rend une décision souple en exigeant l'examen complet des circonstances ayant initié la demande de changement de nom, notamment l'abandon total du père et les troubles constatés chez lez enfants concernés, pour déterminer l'existence d'un intérêt légitime.

CE 31 janvier 2014 n° 362444, 2e et 7e s.-s.

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre 2012 et 3 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D...C..., demeurant au..., et M. A...C..., demeurant au ... ; MM. D...et A...C...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA03138 du 6 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0915499 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 24 février 2009 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a refusé leur changement de nom ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil, notamment son article 61 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Perrin de Brichambaut, Conseiller d'Etat, 

- les conclusions de M. Xavier Domino, Rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de MM. D...et A...C...; 

1. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MM. D...et A...C...ont présenté en 2009 une demande de changement de nom sur le fondement de l'article 61 du code civil afin de substituer à leur patronyme le nom de leur mère, B...; que leurs demandes ont été rejetées par des décisions du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, en date du 24 février 2009 ; que, par son arrêt du 6 juillet 2012 contre lequel les requérants se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;

3. Considérant qu'en limitant son contrôle à l'examen de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, en retenant les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt légitime à changer de nom, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que MM. D...et A...C...sont, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur pourvoi, fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; 

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ; 

5. Considérant que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; 

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MM. D...et A...C... ont été abandonnés brutalement par leur père en 1987, alors qu'ils étaient âgés respectivement de 11 ans et de 8 ans ; qu'après avoir quitté le domicile familial, celui-ci n'a plus eu aucun contact avec eux, de même que sa famille ; qu'il n'a subvenu ni à leur éducation ni à leur entretien, alors pourtant qu'il en avait l'obligation en vertu du jugement prononçant son divorce, et n'a jamais exercé le droit de visite et d'hébergement qui lui était reconnu par ce même jugement ; que les requérants souffrent de traumatismes physiques et psychologiques depuis cet abandon ; qu'ils souhaitent ne plus porter le nom de leur père et se voir attribuer celui de leur mère, qui les a élevés ; que ces circonstances exceptionnelles sont de nature à caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom ; que, par suite, en leur déniant un tel intérêt, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a fait une inexacte application des dispositions de l'article 61 du code civil ; 

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requérants, que ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions en date du 24 février 2009 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a refusé de les autoriser à prendre le nom de B...;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à MM. D...et A...C...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 mai 2011 est annulé. 

Article 3 : Les décisions en date du 24 février 2009 du garde des seaux, ministre de la justice et des libertés, sont annulées.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à MM. D...et A...C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à MM. D...et A...C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Maître  Caroline YADAN PESAH

Avocate en Droit de la Famille, Droit du Divorce et Droit Immobilier depuis plus de 25 ans, je vous partage ici plus de 500 articles juridiques et ma passion pour la défense de vos intérêts.

Besoin d'aide ? 

Votre Téléconsultation Juridique 

avec Maître Caroline YADAN PESAH

222 Boulevard Saint Germain 75007 Paris

N° de toque : E1839

Rechercher
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles