Le régime probatoire des heures supplémentaires

Publié le 10/10/2023 Vu 884 fois 0
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Par cet arrêt, la Cour d’appel de PAU est amenée à s’intéresser sur le bien-fondé d’une demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et, surtout, à appliquer le régime probatoire en la matière.

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PAU est amenée à s’intéresser sur le bien-fondé d’une demande de

Le régime probatoire des heures supplémentaires
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CA PAU, 28 septembre 2023, RG n° 21/03023 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PAU est amenée à s’intéresser sur le bien-fondé d’une demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et, surtout, à appliquer le régime probatoire en la matière.

Conformément à l’article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine. L’article suivant précise que toute heure réalisée au-delà de cette durée légale est qualifiée d’heure supplémentaire, celle-ci étant décomptée par semaine civile.

S’agissant de la preuve de celle-ci, l’article L. 3171-4 du code du travail précise que le juge forme sa conviction au vu des éléments produits par l’employeur et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande.

A la lumière de ce texte, la Cour de cassation rappelait que si la preuve des heures de travail effectuées n’incombait spécialement à aucune des parties et que l’employeur devait fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartenait cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441).

Toutefois, il convient de noter que la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation – par un arrêt soumis à la plus grande publication – a allégé cette preuve en abandonnant la référence à une demande suffisamment étayée (Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).

Elle exige maintenant du salarié que ce dernier présente « à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ».

En réalité, cet allègement de la charge de la preuve fait suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui a rappelé l’obligation pour tout employeur de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chacun de ses salariés (CJUE,14 mai 2019, C-55/18).

A la suite de l’allégement de la charge de la preuve au profit du salarié, la Cour de cassation casse régulièrement de nombreux arrêts dans lesquels elle reproche notamment aux juges du fond de faire peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié (Cass. soc., 27 septembre 2023, n° 22-14.627 Cass. soc., 27 septembre 2023, n° 22-17.137).

Au cas d’espèce, il était question d’un salarié qui a été embauché, suivant un CDI et occupait, au dernier stade de la relation contractuelle, un poste de directeur technique. Le 02 janvier 2017, il a démissionné de son poste sans formuler aucun grief à l’encontre de son employeur.

Le 07 août 2018, il a saisi le Conseil de prud’hommes afin de réclamer notamment des heures supplémentaires.

Après avoir écarté la qualification de cadre dirigeant, la Cour d’appel de PAU examine le bien-fondé de cette demande.

Elle rappelle que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Au cas présent, elle relève que le salarié produit un relevé dactylographié d’heures supplémentaires d’avril 2014 à avril 2017 et un récapitulatif pour ces trois années précédant la rupture du contrat de travail.

Pour l’année 2014, elle juge le décompte imprécis dès lors qu’il se borne à indiquer un nombre d’heures par semaine sans aucun détail alors même que les bulletins de salaire afférents à cette période faisaient état de paiement d’heures supplémentaires.

En revanche, pour la période courant de janvier 2015 à avril 2017, il produit en plus des attestations d’anciens collègues qui indiquent qu’il était déjà présent le matin à leur arrivée et encore présent lorsqu’ils la quittaient. Face à ces éléments, l’employeur ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par le salarié et se borne à critiquer comme imprécis ou partiaux les attestations favorables des autres salariés.

La Cour d’appel fait donc droit, en grande partie, à la demande du salarié à hauteur de 49.812,40 € brut.

Au surplus, elle constate que non-paiement d’heures supplémentaires caractérise du travail dissimulé.

En effet, le nombre important d’heures supplémentaires non payées permet, dans certaines circonstances, d’établir une omission intentionnelle du travail dissimulé (Cass. soc., 24 octobre 2018, n° 17-21.116).

La Cour d’appel accorde ainsi au salarié une indemnité forfaitaire équivalent à 6 mois de salaire, soit 21.600 € net.

En pratique, côté entreprise, au regard de la charge de la preuve allégée en matière d’heures supplémentaires, il est préconisé de mettre en place un suivi du temps de travail des salariés, type pointage ou relevé d’heures signé par le salarié.

Maître Florent LABRUGERE

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/ 

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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