I. RÉSUMÉ DES FAITS
En 2017, la société TUCO ENERGY démarche un particulier.
Les parties s'entendent pour signer un contrat portant sur la vente et l'installation d'une centrale photovoltaïque en autoconsommation et d'une pompe à chaleur aérovoltaïque air/eau pour la somme totale de 25.470 euros TTC.
Pour financer cette acquisition, il est recouru à un crédit au taux de 4,70% auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (c'est-à-dire CETELEM).
Il apparaît que le rendement des matériels est en-deçà de ce qui a été promis.
Mais la SARL TUCO ENERGY ne veut rien entendre, si bien qu'un procès s'ensuit son encontre et celle de CETELEM.
II. CONDAMNATION PAR LE TRIBUNAL DE SAINT OMER
Le tribunal de SAINT OMER a :
- annulé des contrats de vente et de crédit,
- condamné la S.A.R.L. TUCO ENERGY à reprendre ses matériels et à remettre en état le domicile de son client notamment le toit, les combles, les murs
- condamné la S.A.R.L. TUCO ENERGY à rembourser son client avec intérêts
- condamné la S.A.R.L. TUCO ENERGY à verser à son client la somme de 3.000 euros a titre de dommages-intérêts, avec intérêts,
- condamné CETELEM à payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts
III. TUCO ENERGY INTERJETTE APPEL
Insatisfaite du jugement, TUCO ENERGY fait appel et demande à la Cour d'appel de DOUAI de "JUGER que la SARL TUCO ENERGY n'a pas commis de dol", c'est-à-dire qu'elle n'a pas trompé son client.
IV. TUCO ENERGY CONDAMNÉE POUR TROMPERIE
Contrairement aux affirmations de TUCO ENERGY, la Cour d'appel a constaté que la société TUCO ENERGY avait sciemment trompé son client en lui établissant un coût fantaisiste de rachat de la production d'électricité et donnant ainsi "à l'opération projetée une apparence de rentabilité [...] conduisant son client à souscrire le contrat qu'il n'aurait pas signé à défaut."
Or, comme l'indique les juges d'appel, la rentabilité n'existait pas, le commercial ayant menti pour obtenir la signature du client.
C'est pourquoi les juges d'appel ont confirmé le jugement en ce qu'il a annulé le contrat de vente pour dol.
V. TUCO ENERGY CONDAMNÉE A UNE REMISE EN ÉTAT
L'annulation du contrat principal entraîne de plano celle du contrat de crédit.
En outre, TUCO ENERGY devra reprendre les panneaux photovoltaïques et l'onduleur et remettre en état le toit, les combles et les murs de son client.
V. CETELEM PRIVÉE DE SON PRÊT
Il apparait que les travaux nécessitaient un raccordement qui n'était pas effectué lorsque CETELEM a payé TUCO ENERGY.
De fait, la banque a commis une faute qui a causé un préjudice à son client, emprunteur.
Par suite, la Cour d'appel a décidé de priver CETELEM du remboursement de son crédit, car elle avait financé un contrat de vente non intégralement exécuté et dont la signature a été obtenu dans le cadre d'une tromperie, vice du consentement très grave.
Selon la Cour, ces fautes ont occasionné un préjudice au client emprunteur "dont l'exacte étendue doit être appréciée souverainement par le juge du fond et qui ne saurait être réduit à la seule chance qu'il a ainsi perdu de ne pas contracter [... ET] qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution.
Il est donc logique au regard des observations qui précédent, que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soit privée totalement de sa créance de restitution."
On ne peut être plus clair : la banque est privé de son crédit en intégralité par sa faute préjudiciable si le juge l'a décidé souverainement.
VI. QUE RETENIR DE CETTE DÉCISION ?
Cette décision est très importante à deux titres :
A. POURQUOI TUCO ENERGY A-T-ELLE ÉTÉCONDAMNÉE ?
La cour a appliqué les articles 1130 et 1137 du Code civil disposant que :
"L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné."
"Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie."
Pour obtenir le consentement de son client et que celui-ci si signe le contrat de vente, il a été démontré que TUCO ENERGY a commis des manoeuvres dolosives en réalisant une simulation de rendement mensongère, reprenant des informations erronées quant au coût de rachat de la production électrique, si bien que l'opération projetée présentait tous les signes d'une rentabilité.
Si le consommateur avait connu la réalité, il n'aurait jamais contracté avec le vendeur.
B. POURQUOI CETELEM A-T-ELLE ÉTÉ PRIVÉE DU REMBOURSEMENT DU PRÊT ?
La Cour d'appel a fait application d'un arrêt du 14 février 2018 (n°16-29.121) selon lequel lorsque la banque commet une faute, les juges peuvent souverainement estimer que le préjudice subséquent, distinct d'une perte de chance de ne pas conclure l'opération en cause, doit être réparé par la privation de la créance de restitution de ces fonds.
De fait, la Cour d'appel a pu décider souverainement que la faute de CETELEM était suffisamment grave pour la priver du remboursement du crédit.
D'aucuns reprocheront à cette décision d'enrichir injustement le vendeur, certes, mais le prêteur et le vendeur signent des conventions d'agrément, ce qui signifie que le premier sait si le second est ou non de confiance... et la banque peut parfaitement transiger avec le vendeur en lui réclamant amiablement le remboursement du crédit, sous peine de rompre son partenariat.
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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