TRAVAUX DE RÉNOVATION : RESPONSABILITÉ DÉCENNALE POUR PROPAGATION DE MÉRULE

Publié le 24/12/2022 Vu 3 142 fois 0
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Par un arrêt du 6 décembre 2022 (21/00446), la Cour d’appel de CAEN a rappelé que les désordres liés à la mérule consécutivement à des travaux de rénovation d’une maison relèvent de la garantie décennale.

Par un arrêt du 6 décembre 2022 (21/00446), la Cour d’appel de CAEN a rappelé que les désordres liés à

TRAVAUX DE RÉNOVATION : RESPONSABILITÉ DÉCENNALE POUR PROPAGATION DE MÉRULE

I.                   RÉSUMÉ DES FAITS

 

En 2011, un particulier confie la rénovation de sa maison d’habitation à un artisan.

Les travaux sont effectués et réceptionnés sans aucune réserve le 29 juillet 2011.

 

Mais le maître d’ouvrage constate l’apparition de champignons à l’intérieur de son domicile, dont il impute l’origine et la cause aux travaux de l’artisan.

 

Il s’ensuit alors une procédure judiciaire, avec désignation d’un expert.

 

II.                JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ALENÇON

 

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal d’ALENÇON retient la responsabilité décennale de l’artisan et le condamne, ainsi que son assureur la MAAF, à payer à son client :

 

-       28519,56€ pour le traitement de l’éradication de la mérule ;

-       81216,98€ pour remise en état du domicile du maître de l’ouvrage ;

-       16350€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance du maître de l’ouvrage ;

-       3000€ au titre des frais d’avocat

-       Les frais d’expertise.

 

Aussi, l’artisan, garanti par son assureur, a dû régler plus de 129000€ (sans compter les frais d’expertise) pour réparer sa faute.

 

L’artisan a donc interjeté appel, mais en vain.

 

III.             POSITION DE LA COUR D’APPEL DE CAEN

 

A.    LA MÉRULE RELÈVE DE LA GARANTIE DÉCENNALE

 

Pour confirmer le jugement ayant statué en ce sens, les juges d’appel rappellent les dispositions de l’article 1792 du Code civil :

 

« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

 

Dans la présente affaire, il apparaît que l’artisan a procédé à des travaux de rénovation qui constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 précité et relèvent donc de la garantie décennale.

 

Lors de la réception, le domicile ne souffrait d'aucun désordre apparent.

 

Ce n’est que postérieurement à la réception qu’est apparue le champignon, de type « mérule » en plusieurs endroits de la maison, au point de la rendre inhabitable, car les spores de mérule sont susceptibles de provoquer des irritations pulmonaires chez les personnes sensibles, rendant alors inaccessibles les pièces de vie (cuisine, séjour, chambre, etc.).

 

En conséquence, parce que l'ouvrage est rendu insalubre et impropre à sa destination d'habitation, la mérule relève de la garantie décennale.

 

B.     L’IMPUTABILITÉ DE L’INFESTATION PAR LES TRAVAUX DE RÉNOVATION

 

Conscient de sa responsabilité et des conséquences, l’artisan a cherché à s’en exonérer en opposant une cause étrangère.

 

Pour ce faire, il démontre que la mérule était présente avant son intervention, ses travaux ayant tout au plus aggravé le phénomène.

 

Le raisonnement est censé, car la mérule avait pour origine de nombreux désordres hydriques qui affectaient le domicile du maître d’ouvrage antérieurement aux travaux : défauts d'étanchéité dans les murs et ouvertures de la maison, remontées capillaires en provenance de la cave, débordement d'un ballon d'eau chaude, etc.

 

De fait, selon l’artisan, le maître de l'ouvrage était seul responsable de l'état préexistant de sa maison, faute d'y avoir fait réaliser les travaux nécessaires à la résolution de ces désordres.

 

Mais la Cour d’appel balaie l’argument, rappelant que la mérule est un phénomène fongique qui, pour germiner et se développer, a besoin de deux éléments : l'eau et la cellulose.

 

Certes, la maison du maître de l’ouvrage était affectée d'une humidité excessive antérieurement à l'intervention de l’artisan, mais cette humidité a favorisé l'apparition du champignon au jour de la réalisation des travaux, lesquels n’ont pas été exécutés dans le respect des règles de l’art.

 

Effectivement, ce dernier a appliqué en divers endroits de la maison des matériaux isolants directement sur les supports muraux, sans espace d'air et sur des restes de papiers peints qu’il n’a pas retiré !

 

Une telle façon de procéder n'est pas conforme aux règles de l'art.

 

D’ailleurs, c'est précisément à cet endroit que la mérule s'est développée, car l’environnement lui a été propice : humidité des lieux et cellulose des papiers peints, mais aussi condensation excessive faute de lame d'air entre le mur et le matériau isolant !

 

Le « cocktail parfait » pour permettre à la mérule de « s’épanouir ».

 

La Cour d’appel en déduit qu’aucune germination n’aurait eu lieu si l’artisan avait correctement exécuté ses travaux.

 

Du reste, l’artisan fait preuve de mauvaise foi en imputant le désordre à sa cliente, car si la mérule avait été présente, il n’aurait pas manqué de lui signaler, voire aurait refusé d’intervenir tant qu’elle n’aurait pas été éradiquée.

 

Finalement, il est indubitable que c’est par son intervention que l’artisan a participé à l’apparition de la mérule, si bien qu’il doit répondre des conséquences de sa faute relevant de la garantie décennale en indemnisant le maître de l’ouvrage.

 

Le jugement est alors confirmé et l’artisan de nouveau condamné à payer 3000€ au titre des frais d’avocat du maître de l’ouvrage.

 

 

IV.             QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?

 

Les désordres imputables à la mérule relèvent de la responsabilité décennale s’ils affectent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination (maison inhabitable par exemple) et que les travaux de construction ou de rénovation constituent le fait générateur de ces désordres.

 

Dans notre affaire, l’artisan a semblé croire qu’en affirmant ignorer que la mérule était présente et n’attendait qu’un facteur de prolifération, il échapperait à sa responsabilité.

 

Il a certainement appliqué a contrario une jurisprudence, aux termes de laquelle lorsque l’artisan constate la présence de la mérule au cours de travaux, mais la masque et s’abstient d’en informer le maître d’ouvrage, il répond de sa faute qui a eu pour conséquence de favoriser la prolifération du parasite (Cass. civ. 3, 16-12-2014, n° 13-23.198).

 

Eh bien ne lui en déplaise, mais l’artisan ne pouvait ignorer l’état de latence de la mérule compte tenu de l’état hydrique de la maison dans laquelle il lui a été demandé d’intervenir.

 

C’est pourquoi ne constituent pas une cause exonératoire de responsabilité pour un intervenant, la prolifération de la mérule postérieurement à des travaux réceptionnés sans réserve.

 

La raison de cette règle est simple : en acceptant la mission qui lui a été confiée, l’artisan agréé donc le support sur lequel il réalise ses travaux et ne peut donc que répondre des conséquences dommageables qui en découlent.

 

Plus simplement parlant, l’artisan qui réalise des travaux dans un environnement qu’il a accepté, ne peut ignorer les risques encourus.

 

Si l’artisan avait correctement effectué son travail, notamment en retirant tout le papier peint et en asséchant les murs éventuellement, il aurait pu éviter la prolifération du champignon.

 

On soulignera que si l’artisan est assuré, c’est son assureur qui prendra alors en charge les indemnisations.

Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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